Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art (4. Pér. 3.1910)

L’ART DU MOYEN AGE ET DE LA RENAISSANCE

A GRACOVIE

(premier article)

Il semblerait qu’une étude
consacrée aux monuments de
Cracovie dut être avant tout une
étude d’art polonais. Mais s’il y
a eu de tout temps un art en
Pologne, on ne peut guère par-
ler d’un art polonais avant la
seconde moitié du xixe siècle. Il
en a été de Cracovie comme de
Prague, cette autre sentinelle
avancée du slavisme, où la cul-
ture nationale a été refoulée pen-
dant des siècles par des influences
étrangères, principalement ger-
maniques. Du xive au xvne siècle,
c’est-à-dire à l’époque la plus
brillante de son histoire, la Pologne n’est en réalité qu’une province
ou, plus exactement, une colonie de l’art allemand, puis de l’art italien
qui se disputent l’hégémonie sur ce marché lointain et s’efforcent de
le conquérir en y envoyant à profusion des artistes et des œuvres
d’art. Les Polonais, qui se sont toujours distingués par leur faculté
d’assimilation et leur dilettantisme délicat plutôt que par leur
énergie créatrice, s’affinent au contact de ces étrangers; mais ils ne
profitent pas assez des leçons de leurs maîtres pour apprendre à se
passer d’eux et pour créer à leur exemple un art national.

Les monuments de Cracovie ne sont donc pas des jalons qui
marquent le développement d’un art indigène, mais de simples

TOMBEAU DE L’HUMANISTE FLORENTIN
PHILIPPE CALLIMACHUS
PAR YEIT STOSS ET PETER VISCHER
(Eglise des Dominicains, Cracovie.)