DOI Heft:
Nr. 1
DOI Artikel:Saunier, Charles: Monsieur Auguste, 2: un artiste romantique oublié
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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
« J’apprends de jolies choses, on me noircit auprès de mes amis. Par
une lettre de toi que M. Pierret me fait lire, on me donne les gants d’être
un agréable paresseux et vous répondez tranquillement, je lui souhaite, etc.
Fi ! Est-ce que vous oubliez si vite ou est-ce que vous vous souvenez si
longtems? »
Certains chercheront peut-être des sous-entendus. Il ne convient
pas cependant d’attacher d’importance particulière à cette exubé-
rance épistolaire. Delacroix, si correct dans le monde, si préoccupé
de trancher avec les romantiques turbulents, était dans sa corres-
pondance intime ou mélancolique ou fiévreusement enjoué, mala-
divement pétulant, abusant des mots affectueux et passionnés
lorsque les missives étaient destinés à des correspondants sûrs, des
amis des débuts qui devaient être, rester, tous, les témoins de sa
dernière heure.
D'ailleurs, si les réunions de Delacroix et de ses intimes, les
soirées chez M. Auguste, pouvaient être le prétexte de libres pro-
pos, on a maintes preuves qu’elles n’avaient rien de trivial et de
bas. Ernest Chesneau, dans les quelques lignes précieuses déjà
citées a montré l’heureux résultat de ces causeries, leur haute portée,
dont Delacroix témoigne lui-même dans son journal :
Mercredi 7 juillet 1824. — Aujourd’hui M. Auguste est venu à l’ate-
lier : il est fort charmé de ma peinture, ses éloges m’ont ranimé. J’irai
demain chez lui chercher les costumes.
Ce que Delacroix prépare alors, c’est son admirable Massacre
de Scio. Les costumes dont il est parlé sont ceux que M. Auguste
avait rapportés d’Orient. C’est eux qui vont donner la couleur locale
à sa fougueuse peinture et dont il exprimera l’éclat, l’originalité, la
couleur parmi l’amas des vaincus et des mourants. Et, en effet, à la
date du 8 juillet il ne manque point de noter : « Chez M. Auguste
chercher les costumes. »
Lundi 4 octobre 1824. — Fait des études au manège et dîné avec
M. Auguste. A propos d’un de ses superbes croquis d’après les tombeaux
napolitains, il parle du caractère neuf qu’on pourrait donner aux sujets
saints, en s’inspirant des mosaïques du temps de Constantin.
Vu chez lui le dessin d’Ingres, d’après son bas-relief1 et sa composi-
tion de Saint Pierre délivré de prison, etc.
1. Il semble qu’il s’agisse là d’une œuvre originale d’Auguste. Une note de
PU. Burty dit, en effet, qu’il aurait exécuté un Combat d’Amazones. Mais le cata-
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
« J’apprends de jolies choses, on me noircit auprès de mes amis. Par
une lettre de toi que M. Pierret me fait lire, on me donne les gants d’être
un agréable paresseux et vous répondez tranquillement, je lui souhaite, etc.
Fi ! Est-ce que vous oubliez si vite ou est-ce que vous vous souvenez si
longtems? »
Certains chercheront peut-être des sous-entendus. Il ne convient
pas cependant d’attacher d’importance particulière à cette exubé-
rance épistolaire. Delacroix, si correct dans le monde, si préoccupé
de trancher avec les romantiques turbulents, était dans sa corres-
pondance intime ou mélancolique ou fiévreusement enjoué, mala-
divement pétulant, abusant des mots affectueux et passionnés
lorsque les missives étaient destinés à des correspondants sûrs, des
amis des débuts qui devaient être, rester, tous, les témoins de sa
dernière heure.
D'ailleurs, si les réunions de Delacroix et de ses intimes, les
soirées chez M. Auguste, pouvaient être le prétexte de libres pro-
pos, on a maintes preuves qu’elles n’avaient rien de trivial et de
bas. Ernest Chesneau, dans les quelques lignes précieuses déjà
citées a montré l’heureux résultat de ces causeries, leur haute portée,
dont Delacroix témoigne lui-même dans son journal :
Mercredi 7 juillet 1824. — Aujourd’hui M. Auguste est venu à l’ate-
lier : il est fort charmé de ma peinture, ses éloges m’ont ranimé. J’irai
demain chez lui chercher les costumes.
Ce que Delacroix prépare alors, c’est son admirable Massacre
de Scio. Les costumes dont il est parlé sont ceux que M. Auguste
avait rapportés d’Orient. C’est eux qui vont donner la couleur locale
à sa fougueuse peinture et dont il exprimera l’éclat, l’originalité, la
couleur parmi l’amas des vaincus et des mourants. Et, en effet, à la
date du 8 juillet il ne manque point de noter : « Chez M. Auguste
chercher les costumes. »
Lundi 4 octobre 1824. — Fait des études au manège et dîné avec
M. Auguste. A propos d’un de ses superbes croquis d’après les tombeaux
napolitains, il parle du caractère neuf qu’on pourrait donner aux sujets
saints, en s’inspirant des mosaïques du temps de Constantin.
Vu chez lui le dessin d’Ingres, d’après son bas-relief1 et sa composi-
tion de Saint Pierre délivré de prison, etc.
1. Il semble qu’il s’agisse là d’une œuvre originale d’Auguste. Une note de
PU. Burty dit, en effet, qu’il aurait exécuté un Combat d’Amazones. Mais le cata-