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LE GREI OT
DIMANCHE PROCHAIN
Numéro exceptionnel du GRELOT
AD PROFIT DÉ
LA SOUSCRIPTION DES FEMMES DE FRANCE
Huit pages. — 23 centimes pour Paris et les départements.
NOS DESSINS BEMSÉS
""La censure infatigable vient, pour ne pas en perdre l'habi-
tude, de nous refuser de nouveau deux dessins qui n'étaient
pourtant pas de nature à troubler la paix publique.
Le premier intitulé la Pelle aupeupls, représentait un homme
du peuple, la pipe à la bouche, occupé à remuer à la pelle,
pour les jeter ensuite dans une vaste brouette, les ordures de
l'Empire : casse-têtes en très-bon état, couronnes brisées, ai-
gles détériorés, journaux bonaparteux. Un superbe chien de
chasse, levant la patte sur le tout, se livrait sur ce tas de mal-
propretés à un exercice familier et hygiénique.
Nous avons vainement cherché le motif de cette interdiction.
11 est si difficile d'approfondir les décisions de la censurel
Le second était de la même famille. Il traduisait, en outre
parole crayon, un fait dont nous sommes tous les jours à même
de vérifier la haute exactitude.
11 avait pour titre : Un Serment, et représentait M. Clément
Duvernois, drapé dans son journal l'Ordre et à demi-courbé
sur un vase d'un usage domestique. Sur ce vase flamboyaient
ces mots : Capitulation de Sedan. M. Duvernois faisait une vi-
laine grimace; cependant ~ le bras droit levé vers le ciel —
il prononçait ces paroles :
— Je jure que cela sent la violette !
Ce dessin ne résumait-il pas, avec une grande justesse, les
plaidoyers quotidiens de M. Duvernois pour, son patron de
Chislehurst?
Et en quoi cette critique essentiellement gauloise a-t-elle pu
choquer les fonctionnaires d'un gouvernement qui vient de
prouver, une fois de plus, la haine que lui inspirent les bona-
partistes?
Est-ce que les beaux jours de feu M. Derrien vont re-
venir?
LÀ SEMAINE PARISIENNE
Les rigueurs dont le gouvernement a réclamé l'application
contre la pressé, là voie d'énergie dans laquelle il semble vou-
loir entrer n'ont pas contenté tout le monde. Cela se conçoit.
Mais ce qui peut paraître plus étrange, c'est que ce sont les
bonapartistes qui crient le plus fort et affirment qu'on n'était ja-
mais allé si loin. 11 est vrai qu'ils ont été éeorchés les premiers,
mais on ne fait en somme que leur appliquer des lois pour les-
quelles ils n'ont que trop souvent rompu des lances.
Ceux qui s'indignent aujourd'hui, avec une hypocrisie par-
faite, contre le système de répression adopté par M. Thiers, ont-
ils réfléchi un instant à celui qui serait bien certainement en vi-
gueur dans le cas peu probable où les intrigues opiniâtres des
bonapartistes, les divisions exécrables du parti monarchiste,
la faiblesse du parti républicain, ramèneraient sur le trône de
France celui qui fut Napoléon III?
Ah ! quelle fêle, mes amis, et que de beaux jours pour les
tribunaux, les geôles et les colonies lointaines!
Quelques exemples seulement, — ou plutôt quelques pro-
phéties.
DANS LA. GAZETTE DES TRIBUNAUX
«M. Francisque Sarcey comparaissait aujourd'hui devant la
sixième chambre de la police correctionnelle pour son dernier
feuilleton dramatique du journal le Temps.
« Ce feuilleton contenait le passage suivant que nous repro-
duisons textuellement :
— Oui, cet acteur mérite des éloges; mais je veux faire
une observation cependant qui a bien sa valeur lorsqu'on ouvre
une si grande bouche : Cet homme n'a jamais pu laver ses
dents ! —
« Le procureur impérial voit dans cette dernière phrase : Cet
homme n'a jamais pu laver ses dents, — une insulte évidente
contre la personne de S. M. l'empereur. C'est le propre des
journaux de l'opposition de ne pas reculer devant le calembour
pour rappeler des événements douloureux et réveiller des pas-
sions éteintes.
« M. Francisque Sarcey affirme qu'il ne songeait même pas,
en écrivant son feuilleton, au désastre du 2 septembre 1870.
« le président, l'interrompant. — Taisez-vous, je ne puis
tolérer qu'on offense ainsi le souverain. Sedan n'est pas un
désastre, c'est un malentendu!
« — Mais...
« — C'est bien... asseyez-vous. Le tribunal va délibérer!
« Au bout de deux minutes et vingt-quatre s econdes, le tri-
bunal rend son jugement.
« M. Francisque Sarcey est condamné h douze ans de prison
et 25,000 fr. d'amende. Le gérant du journal 1 e Temps, M. lié-
brard, à deux ans de prison et 10,000 d'amende, l'imprimeur
du journal le Temps à six mois de prison el3,( 00 fr. d'amende,
le vendeur du journal le Temps à trois mois d e prison et 1,000
francs d'amende, le marchand de papier du journal le Temps
-h un mois de prison et 800 fr. d'amende. »
choeOb des satisfaits sur le boulevard. A la bonne heure 1
Voilà un bon gouvernement, un «xcellent gouvernement, un
énergique gouvernement!
LE GRAND COMPLOT
On lit dans le Pays .
« Aujourd'hui le commissaire de police du quartier Notre-
Dame-de-Lorette, escorté par un régiment de ligne et deux
escadrons de cavalerie, a fait une perquisition dans la maison
n°... de'la rueNotre-Dame-de-Lorette et a arrêté tous les loca-
taires de. ladite maison, les personnes qui s'y trouvaient au
moment de la perquisition, — dont deux trotteurs, —'la con-
cierge de la maison et un petit ramoneur qui a essayé, mais en
vain, de se réfugier dans la cheminée.
« La cause de cette perquisition, et de ces arrestations est
fort grave.
« Un petit ballon rouge flottait depuis la veille au deuxième
-étage de cette maison, attaché à une persienne. Il était évident
qu'un ballon de cette couleur ne pouvait être qu'un signal. On
croit être sur les traces d'un grand complot, d'autant plus
qu'on a trouvé chez le locataire au ballon rouge, dans une bi-
bliothèque fort complète, un livre intitulé : Histoire de l'Inter-
nationale. Ce locataire, dans un premier interrogatoire, a eu
l'aplomb de prétendra que ce ballon rouge appartenait à son
fils âgé de quatre ans.
« A demain les détails. \
Plus loin, dans les Nouvelles diverses :
« Il parait qu'on a gardé pendant huit jours, au dépôt de
la préfecture de police, un malheureux commis-voyageur qui,
en allant réclamer au commissariat son certificat d'identité,
avait déclaré se rendre à Rochefort.
n C'est aujourd'hui seulement qu'on a compris que par Ro-
chefort le commis-voyageur voulait désigner la ville de ce nom
et non le misérable révolutionnaire actuellement déporté dans
une enceinte fortifiée.
«Pour éviter désormais de pareilles méprises, la ville de
Rochefort va changer de nom et s'appellera : Conti. »
CHEZ LE COMMISSAIRE DE POLICE
le commissaire. — Monsieur, vous possédez un perroquet
gris à queue rouge?
le monsieur. —Oui, monsieur le commissaire !
le commissaire — Ce perroquet a la détestable habitude de
crier : Vive la République ?,
le monsieur, —Mon Dieu monsieur le commissaire, je vas vous
dire ; J'ai eu cet animal à une époque où il était défendu de
crier Vive l'empereur; il me serait impossible de lui faire com-
prendre qu'il n'a plus le droit de crier aujourd'hui ce qu'il pou-
vait crier alors. Les perroquets, vous comprenez, 'monsieur le
commissaire, ce n'est pas comme nous autres? Seulement, je
l'ai enfermé soigneusement, 'chez moi, dans un petit cabinet.
On ne peut l'entendre du dehors.
le commissaire. — Pardon, monsieur, vosvoisins l'entendent,
et ça les scandalise. Personne ne doit crier Vive la République
en France. Pas même les perroquets :
le monsieur. — Mais sous la République, monsieur le com-
missaire,un de mes amis avait un perroquet qui criait Vivel'em-
pereur 1
le commissaire. —• Sous la République, c'est autre chose !
un gouvernement républicain n'a pas le droit d'interdire les
cris de ce genre. La République doit laisser toutes les opinions
s'exprimer librement, sans quoi elle n'aurait pas de raison
d'être ! D'ailleurs, ne discutons pas. Vous êtes responsable de
Votre perroquet; s'il pousse des cris séditieux, c'est comme si
vous les poussiez, et vous savez comment nous les punissons
... les cris séditieux? Le bagne.
.le monsieur. — Je ne puis pourtant pas lui tordre le cou à
monperroquet... je l'aime beaucoup!
le co missaire. — C'est votre affaire !
le monsieur. — [S'éloignant) Pauvre coco! {En passant devant
la boutique d'une marchande de légumes, il achète un bouquet de
persil.)
choeur des repus, sur le boulevard, — Ah ! le bon gouverne-
ment, l'excellent gouvernement, l'énergique gouvernement 1
A LA BOUBSE
Le commissaire de la Bourse fait afficher l'avis suivant :
« Par ordre de l'empereur, la Bourse ayant baissé de-
puis deux jours, la baisse étant un témoignage de méfiance
pour le gouvernement, la baisse pouvant faire croire à la ma-
jorité des Français qu'il y a lieu d'être mécontent de la tour-
nure que prennent les choses publiques, il est défendu dès à
présent de baisser en Bourse. Si le parquet des agents de
change refusait de tenir compte de la présente ordonnance, la
Bourse serait immédiatement fermée. »
SIMPLE CONVERSATION
La scène se passe boulevard Montmartre, devant le café de
Madrid.
premier bourgeois. — Eh bien... la faisons-nous, cette af-
faire?
deuxième bourgeois. — Non, si vous vous entêtez, yous me
fixez un prix fabuleux !
premier bourgeois. — Comment, fabuleux! Neuf mille
francs.
deuxième bourgeois, d'une voix forte. Cela ne vaut pas le
tiers !
un mouchard, surgissant. Aux deux bourgeois. Messieurs,
veuillez me suivre à la Préfecture de police.
tas deux bourgeois, stupéfaits. Qu'avons-nous fait?
UN mouchard.-Vous avez parlé de M. Thiers v„,„
gretté son g&uvernemeiÀ à haute voix, dans iZ"B*
Sédition, appel à la révolte-, vous en serez quilles pour 1"1C'
de travaux forcés!- ' r cmtl ans
On entraine les deux bourgeois qui se sont évanouis.
chœur dès corses. - -Ali ! le bon gouvernement l';„, »•
gent gouvernement, l'éliergiq-nc gouvernement ! ellu
Je pourrais multiplier Im épisodes de la terreur cran J,
réserverait une restauration impériale. Mais ie 1 "°?s
fournir que des échantillons. A l'imagination du "ectair^
faire le reste! . "-wonr de
GR1NG0IRE.
l'état de siège.., vous
— Nous sommes en République, n'est-ce pas?
— Pardon... en République... provisoire.
— Soit. Donc nous sommes libres?
— Libres, oui,., provisoirement.
— Alors nous avons provisoirement toutes les libertés? '■
— Sans doulè.
— Liberté dé réunion?
neT? Cer'eS' Ah" Bepto'llinl- ';'§' de siéSe... vous compre-
— Passons. Liberté de la presse?
— Absolument. Ah! cependant.,
comprenez?
— J'avoue donc ne rien entendre à la nouvelle loi oui sp
prépare, et qui, si elle, passe, aura les résultats suivants L
par certains côtés, atteindront les dernières limites ducomi-
— C'est si bon de rire!
— D'accord,Mais permettez-moi de vous présenter dans les
bureaux de VEcrevisse libérale, lorsque la nouvelle loi sera ea
vigueur.
— Volontiers.
— Voici le spectacle que vous y verrez :
Devant une table, chargée de livres et de journaux un
homme se tient la tête plongée dans ses mains.
, Cet homme est le rédacteur politique chargé du bulletin
du jour.
. — Sapristi! fait-il en relevant la tête, il faut cependant sor-
tir de ce gredin d'article!... avec cela que c'est commodeI...
Entin, voyons... il ne s'agit pas de barguigner... il faut y aller
de sa petite colonne.
Voyons... parlons du pied droit.
Il se met à écrire.
Lisons par-dessus son épaule.
«Enfin, la France respire/... débarrassée de ces hommes qui,
pareils à des vampires, ont si tristement illustré ie règne de celui
qui fut Napoléon III, elle, se prépare à sortir glorieusement ie ses
cendres. »
Ceci n'est pas mal, fait le journaliste. Bon début! Je.vais
montrer le commencement de cette tartine à mon rédacteur en
chef.
Entrée du journaliste dans le cabinet directorial.
Remise de la copie entre les mains du grand chef, qui, à
peine a-t-il jeté les yeux sur le manuscrit, fait un bond comme
s'il venait de s'asseoir sur un cent de clous.
— Oh! cher ami I... impossible, ce commencement-là... avec
la nouvelle loi.
— Bab!
— Vous vous feriez suspendre demain matin à la première
heure.
— Comment cela?
— Vous dites, si j'ai bien compris, que Napoléon III n'était
qu'un va-nu-pieds.
— l'as précisément...
— Oh! je sais lire entre les lignes,.. Eh bien, vous réveillez
là des souvenirs qu'il importe de ne jamais rappeler... Vous ne
savez donc pas où en est le fameux complot bonapartiste?
— Ah! vous donnez encore dans ce godant-là, vous?
— Ce n'est pas moi qui y donne, mon ami, c'est le gouver-
nement. Eh bien, le gouvernement ne veut même pas qu'on
prononce le nom de notre dernier tyran.
— Elle est bien bonne, celle-là I
— Faites-moi autre chose, mon cher.
Le rédacteur sort pensif, comme autrefois le jeune Hippolyte.
Il rentre dans son cabinet, se replonge la tête dans les mains
et récrit les lignes suivantes :
a Le duc d'Aumale est ce que nous pouvons appeler un préten-
dant rigolo. Ce qu'on mange, ce qu'on boit, ce qu'on s'amuse chez
lui est inimaginable !
« Est-ce bien le moment, quand la France en deuil...
«Etc., etc. »
Nouvelle rentrée chez le rédacteur en chef.
Nouveau bond de celui-ci.
— Mais, mon cher, vous êtes fou!
— Comment, fou?
— Vous appelez le duc d'Aumale Un prétendant?
— Eh bien?
— Eh bien, mon.ami, avec la nouvelle loi sur la presse, vo u
„,ip
&r;^
,s#te
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. Vn»s '
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LE GREI OT
DIMANCHE PROCHAIN
Numéro exceptionnel du GRELOT
AD PROFIT DÉ
LA SOUSCRIPTION DES FEMMES DE FRANCE
Huit pages. — 23 centimes pour Paris et les départements.
NOS DESSINS BEMSÉS
""La censure infatigable vient, pour ne pas en perdre l'habi-
tude, de nous refuser de nouveau deux dessins qui n'étaient
pourtant pas de nature à troubler la paix publique.
Le premier intitulé la Pelle aupeupls, représentait un homme
du peuple, la pipe à la bouche, occupé à remuer à la pelle,
pour les jeter ensuite dans une vaste brouette, les ordures de
l'Empire : casse-têtes en très-bon état, couronnes brisées, ai-
gles détériorés, journaux bonaparteux. Un superbe chien de
chasse, levant la patte sur le tout, se livrait sur ce tas de mal-
propretés à un exercice familier et hygiénique.
Nous avons vainement cherché le motif de cette interdiction.
11 est si difficile d'approfondir les décisions de la censurel
Le second était de la même famille. Il traduisait, en outre
parole crayon, un fait dont nous sommes tous les jours à même
de vérifier la haute exactitude.
11 avait pour titre : Un Serment, et représentait M. Clément
Duvernois, drapé dans son journal l'Ordre et à demi-courbé
sur un vase d'un usage domestique. Sur ce vase flamboyaient
ces mots : Capitulation de Sedan. M. Duvernois faisait une vi-
laine grimace; cependant ~ le bras droit levé vers le ciel —
il prononçait ces paroles :
— Je jure que cela sent la violette !
Ce dessin ne résumait-il pas, avec une grande justesse, les
plaidoyers quotidiens de M. Duvernois pour, son patron de
Chislehurst?
Et en quoi cette critique essentiellement gauloise a-t-elle pu
choquer les fonctionnaires d'un gouvernement qui vient de
prouver, une fois de plus, la haine que lui inspirent les bona-
partistes?
Est-ce que les beaux jours de feu M. Derrien vont re-
venir?
LÀ SEMAINE PARISIENNE
Les rigueurs dont le gouvernement a réclamé l'application
contre la pressé, là voie d'énergie dans laquelle il semble vou-
loir entrer n'ont pas contenté tout le monde. Cela se conçoit.
Mais ce qui peut paraître plus étrange, c'est que ce sont les
bonapartistes qui crient le plus fort et affirment qu'on n'était ja-
mais allé si loin. 11 est vrai qu'ils ont été éeorchés les premiers,
mais on ne fait en somme que leur appliquer des lois pour les-
quelles ils n'ont que trop souvent rompu des lances.
Ceux qui s'indignent aujourd'hui, avec une hypocrisie par-
faite, contre le système de répression adopté par M. Thiers, ont-
ils réfléchi un instant à celui qui serait bien certainement en vi-
gueur dans le cas peu probable où les intrigues opiniâtres des
bonapartistes, les divisions exécrables du parti monarchiste,
la faiblesse du parti républicain, ramèneraient sur le trône de
France celui qui fut Napoléon III?
Ah ! quelle fêle, mes amis, et que de beaux jours pour les
tribunaux, les geôles et les colonies lointaines!
Quelques exemples seulement, — ou plutôt quelques pro-
phéties.
DANS LA. GAZETTE DES TRIBUNAUX
«M. Francisque Sarcey comparaissait aujourd'hui devant la
sixième chambre de la police correctionnelle pour son dernier
feuilleton dramatique du journal le Temps.
« Ce feuilleton contenait le passage suivant que nous repro-
duisons textuellement :
— Oui, cet acteur mérite des éloges; mais je veux faire
une observation cependant qui a bien sa valeur lorsqu'on ouvre
une si grande bouche : Cet homme n'a jamais pu laver ses
dents ! —
« Le procureur impérial voit dans cette dernière phrase : Cet
homme n'a jamais pu laver ses dents, — une insulte évidente
contre la personne de S. M. l'empereur. C'est le propre des
journaux de l'opposition de ne pas reculer devant le calembour
pour rappeler des événements douloureux et réveiller des pas-
sions éteintes.
« M. Francisque Sarcey affirme qu'il ne songeait même pas,
en écrivant son feuilleton, au désastre du 2 septembre 1870.
« le président, l'interrompant. — Taisez-vous, je ne puis
tolérer qu'on offense ainsi le souverain. Sedan n'est pas un
désastre, c'est un malentendu!
« — Mais...
« — C'est bien... asseyez-vous. Le tribunal va délibérer!
« Au bout de deux minutes et vingt-quatre s econdes, le tri-
bunal rend son jugement.
« M. Francisque Sarcey est condamné h douze ans de prison
et 25,000 fr. d'amende. Le gérant du journal 1 e Temps, M. lié-
brard, à deux ans de prison et 10,000 d'amende, l'imprimeur
du journal le Temps à six mois de prison el3,( 00 fr. d'amende,
le vendeur du journal le Temps à trois mois d e prison et 1,000
francs d'amende, le marchand de papier du journal le Temps
-h un mois de prison et 800 fr. d'amende. »
choeOb des satisfaits sur le boulevard. A la bonne heure 1
Voilà un bon gouvernement, un «xcellent gouvernement, un
énergique gouvernement!
LE GRAND COMPLOT
On lit dans le Pays .
« Aujourd'hui le commissaire de police du quartier Notre-
Dame-de-Lorette, escorté par un régiment de ligne et deux
escadrons de cavalerie, a fait une perquisition dans la maison
n°... de'la rueNotre-Dame-de-Lorette et a arrêté tous les loca-
taires de. ladite maison, les personnes qui s'y trouvaient au
moment de la perquisition, — dont deux trotteurs, —'la con-
cierge de la maison et un petit ramoneur qui a essayé, mais en
vain, de se réfugier dans la cheminée.
« La cause de cette perquisition, et de ces arrestations est
fort grave.
« Un petit ballon rouge flottait depuis la veille au deuxième
-étage de cette maison, attaché à une persienne. Il était évident
qu'un ballon de cette couleur ne pouvait être qu'un signal. On
croit être sur les traces d'un grand complot, d'autant plus
qu'on a trouvé chez le locataire au ballon rouge, dans une bi-
bliothèque fort complète, un livre intitulé : Histoire de l'Inter-
nationale. Ce locataire, dans un premier interrogatoire, a eu
l'aplomb de prétendra que ce ballon rouge appartenait à son
fils âgé de quatre ans.
« A demain les détails. \
Plus loin, dans les Nouvelles diverses :
« Il parait qu'on a gardé pendant huit jours, au dépôt de
la préfecture de police, un malheureux commis-voyageur qui,
en allant réclamer au commissariat son certificat d'identité,
avait déclaré se rendre à Rochefort.
n C'est aujourd'hui seulement qu'on a compris que par Ro-
chefort le commis-voyageur voulait désigner la ville de ce nom
et non le misérable révolutionnaire actuellement déporté dans
une enceinte fortifiée.
«Pour éviter désormais de pareilles méprises, la ville de
Rochefort va changer de nom et s'appellera : Conti. »
CHEZ LE COMMISSAIRE DE POLICE
le commissaire. — Monsieur, vous possédez un perroquet
gris à queue rouge?
le monsieur. —Oui, monsieur le commissaire !
le commissaire — Ce perroquet a la détestable habitude de
crier : Vive la République ?,
le monsieur, —Mon Dieu monsieur le commissaire, je vas vous
dire ; J'ai eu cet animal à une époque où il était défendu de
crier Vive l'empereur; il me serait impossible de lui faire com-
prendre qu'il n'a plus le droit de crier aujourd'hui ce qu'il pou-
vait crier alors. Les perroquets, vous comprenez, 'monsieur le
commissaire, ce n'est pas comme nous autres? Seulement, je
l'ai enfermé soigneusement, 'chez moi, dans un petit cabinet.
On ne peut l'entendre du dehors.
le commissaire. — Pardon, monsieur, vosvoisins l'entendent,
et ça les scandalise. Personne ne doit crier Vive la République
en France. Pas même les perroquets :
le monsieur. — Mais sous la République, monsieur le com-
missaire,un de mes amis avait un perroquet qui criait Vivel'em-
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le commissaire. —• Sous la République, c'est autre chose !
un gouvernement républicain n'a pas le droit d'interdire les
cris de ce genre. La République doit laisser toutes les opinions
s'exprimer librement, sans quoi elle n'aurait pas de raison
d'être ! D'ailleurs, ne discutons pas. Vous êtes responsable de
Votre perroquet; s'il pousse des cris séditieux, c'est comme si
vous les poussiez, et vous savez comment nous les punissons
... les cris séditieux? Le bagne.
.le monsieur. — Je ne puis pourtant pas lui tordre le cou à
monperroquet... je l'aime beaucoup!
le co missaire. — C'est votre affaire !
le monsieur. — [S'éloignant) Pauvre coco! {En passant devant
la boutique d'une marchande de légumes, il achète un bouquet de
persil.)
choeur des repus, sur le boulevard, — Ah ! le bon gouverne-
ment, l'excellent gouvernement, l'énergique gouvernement 1
A LA BOUBSE
Le commissaire de la Bourse fait afficher l'avis suivant :
« Par ordre de l'empereur, la Bourse ayant baissé de-
puis deux jours, la baisse étant un témoignage de méfiance
pour le gouvernement, la baisse pouvant faire croire à la ma-
jorité des Français qu'il y a lieu d'être mécontent de la tour-
nure que prennent les choses publiques, il est défendu dès à
présent de baisser en Bourse. Si le parquet des agents de
change refusait de tenir compte de la présente ordonnance, la
Bourse serait immédiatement fermée. »
SIMPLE CONVERSATION
La scène se passe boulevard Montmartre, devant le café de
Madrid.
premier bourgeois. — Eh bien... la faisons-nous, cette af-
faire?
deuxième bourgeois. — Non, si vous vous entêtez, yous me
fixez un prix fabuleux !
premier bourgeois. — Comment, fabuleux! Neuf mille
francs.
deuxième bourgeois, d'une voix forte. Cela ne vaut pas le
tiers !
un mouchard, surgissant. Aux deux bourgeois. Messieurs,
veuillez me suivre à la Préfecture de police.
tas deux bourgeois, stupéfaits. Qu'avons-nous fait?
UN mouchard.-Vous avez parlé de M. Thiers v„,„
gretté son g&uvernemeiÀ à haute voix, dans iZ"B*
Sédition, appel à la révolte-, vous en serez quilles pour 1"1C'
de travaux forcés!- ' r cmtl ans
On entraine les deux bourgeois qui se sont évanouis.
chœur dès corses. - -Ali ! le bon gouvernement l';„, »•
gent gouvernement, l'éliergiq-nc gouvernement ! ellu
Je pourrais multiplier Im épisodes de la terreur cran J,
réserverait une restauration impériale. Mais ie 1 "°?s
fournir que des échantillons. A l'imagination du "ectair^
faire le reste! . "-wonr de
GR1NG0IRE.
l'état de siège.., vous
— Nous sommes en République, n'est-ce pas?
— Pardon... en République... provisoire.
— Soit. Donc nous sommes libres?
— Libres, oui,., provisoirement.
— Alors nous avons provisoirement toutes les libertés? '■
— Sans doulè.
— Liberté dé réunion?
neT? Cer'eS' Ah" Bepto'llinl- ';'§' de siéSe... vous compre-
— Passons. Liberté de la presse?
— Absolument. Ah! cependant.,
comprenez?
— J'avoue donc ne rien entendre à la nouvelle loi oui sp
prépare, et qui, si elle, passe, aura les résultats suivants L
par certains côtés, atteindront les dernières limites ducomi-
— C'est si bon de rire!
— D'accord,Mais permettez-moi de vous présenter dans les
bureaux de VEcrevisse libérale, lorsque la nouvelle loi sera ea
vigueur.
— Volontiers.
— Voici le spectacle que vous y verrez :
Devant une table, chargée de livres et de journaux un
homme se tient la tête plongée dans ses mains.
, Cet homme est le rédacteur politique chargé du bulletin
du jour.
. — Sapristi! fait-il en relevant la tête, il faut cependant sor-
tir de ce gredin d'article!... avec cela que c'est commodeI...
Entin, voyons... il ne s'agit pas de barguigner... il faut y aller
de sa petite colonne.
Voyons... parlons du pied droit.
Il se met à écrire.
Lisons par-dessus son épaule.
«Enfin, la France respire/... débarrassée de ces hommes qui,
pareils à des vampires, ont si tristement illustré ie règne de celui
qui fut Napoléon III, elle, se prépare à sortir glorieusement ie ses
cendres. »
Ceci n'est pas mal, fait le journaliste. Bon début! Je.vais
montrer le commencement de cette tartine à mon rédacteur en
chef.
Entrée du journaliste dans le cabinet directorial.
Remise de la copie entre les mains du grand chef, qui, à
peine a-t-il jeté les yeux sur le manuscrit, fait un bond comme
s'il venait de s'asseoir sur un cent de clous.
— Oh! cher ami I... impossible, ce commencement-là... avec
la nouvelle loi.
— Bab!
— Vous vous feriez suspendre demain matin à la première
heure.
— Comment cela?
— Vous dites, si j'ai bien compris, que Napoléon III n'était
qu'un va-nu-pieds.
— l'as précisément...
— Oh! je sais lire entre les lignes,.. Eh bien, vous réveillez
là des souvenirs qu'il importe de ne jamais rappeler... Vous ne
savez donc pas où en est le fameux complot bonapartiste?
— Ah! vous donnez encore dans ce godant-là, vous?
— Ce n'est pas moi qui y donne, mon ami, c'est le gouver-
nement. Eh bien, le gouvernement ne veut même pas qu'on
prononce le nom de notre dernier tyran.
— Elle est bien bonne, celle-là I
— Faites-moi autre chose, mon cher.
Le rédacteur sort pensif, comme autrefois le jeune Hippolyte.
Il rentre dans son cabinet, se replonge la tête dans les mains
et récrit les lignes suivantes :
a Le duc d'Aumale est ce que nous pouvons appeler un préten-
dant rigolo. Ce qu'on mange, ce qu'on boit, ce qu'on s'amuse chez
lui est inimaginable !
« Est-ce bien le moment, quand la France en deuil...
«Etc., etc. »
Nouvelle rentrée chez le rédacteur en chef.
Nouveau bond de celui-ci.
— Mais, mon cher, vous êtes fou!
— Comment, fou?
— Vous appelez le duc d'Aumale Un prétendant?
— Eh bien?
— Eh bien, mon.ami, avec la nouvelle loi sur la presse, vo u
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