U C a .'.:-''
LK QRKLOT
Là ROUGE ET LA NOIBE
Les reverrons-nous en France, ailleurs que chez les mar-
chands de jouets, les couleurs de Fa roulette et du trente-et-
quarante?
Reconniîtrons-nous enfin que nous avons grand tort d'être
si bégueules?'
L'État consentira-l-il à tirer profil d'une passion reconnue
incurable comme il tire profit de l'air que nous respirons, du
toit qui nous abrite et généralement de tout ce qui est pour
nous une absolue nécessité?
Le Grelot tintera aux oreilles de nos gouvernants tant que
la question ne sera pas résolue, et il croit que c'est un rude
service qu'il va leur rendre là.
RIEN NE VA PLUS I
L'an dernier, pendant la belle saison, j'étais à Trouville.
Il m'était impossible de faire deux pas sur la plage sans me
heurter contre quelque indigène consterné qui me disait avec
une mélancolie profonde :
— Rien ne va plus ! C'est désolant ! Les hôtels ne sont pleins
qu'à moitié et ceux qui s'y trouvent dépensent juste ce qu'il
faut pour n'être pas mis à la porte.' Les hôteliers gémissent,
les marchands pâtissent; ahl la fichue année.
Mêmes plaintes sur toutes les plages célèbres, dans toutes
.les villes d'eaux réputées.
Tous les hôteliers étaient montés a leur tour pour voir s'il
in'arrivait pas quelque riche étranger.
! Et ils ne voyaient que le chemin qui poudroyait ou la mer
qui verdoyait.
; Pendant ce temps, quelques journaux sans scrupulesj pu-
bliaient timidement les annonces des villes d'eaux allemandes :
Je programme de la saison, les noms des artistes engagés, les
■ splendeurs rêvées par l'administration du Casino.
Les Français se récriaient encore — il y a un an de cela! —<
mais les étrangers se bousculaient autour des tapis verts alle-
mands, et les thalers, les giilden, les louis d'or français af-
fluaient au jeu pour le plus grand profit de quelque caisse
grand-ducale.
— Faites votrejeu, messieurs! Rien ne va plus.
Quelle différence avec le « rien ne va plus » lugubre des ha-
bitants de Trouville et d'ailleurs!
LES JOUEURS
Il y a tout une catégorie d'individus à laquelle on ne s'inté-
resse que médiocrement, et c'est peut-être un tort. Ce sont
les joueurs du trente-et-quarànte et de la roulette. Il y a parmi
eux de Irès-braves gens, de charmants garçons, pour lesquels
le séjour d'un mois dans un casino est devenu un besoin —
comme pour d'autres le café noir, |e cigare, la pipe, voire même
le tabac à chiquer.
A quel casino aller? Il n'y en a de vrais qu'en Allemagne,
Il fait trop chaud à Monaco, l'été — car c'est l'été que l'envié
de la roulette les prend comme une maladie chronique, — et
Saxon, en Suisse, n'est pas ce qu'on peut appeler un établis-
sement sérieux. On n'y joue guère que des lentilles, et lorsque
la banque a perdu /ioO boutons de culotte, elle est obligée de
sauter.
Mais comment remettre les pieds eu Allemagne? Quel hor-
rible* voyage d'agrément!
L'an dernier, le joueur a tenu bon.Slrasbourgfumait encore,
et Bade est si près de Strasbourg!
Bette année peut-être résistera-t-il toujours.
1 II espère que les jeux seront rétablis en France.
Mais l'an prochain, — si son espoir était déçu!
. Il ne répond plus de rien.
Et c'est tant pis. Car c'est ainsi que, peu à peu, on verra s'af-
faiblir la juste haine que nous avons vouée à l'Allemagne!
IL FAUT DES ilPÔÎS NOUVEAUX
Les journaux dits sérieux, parce qu'ils sont '-d'ilti format
moitié plus- grand que le nôtre, ne manquent pas de nous ap-
prendre, une fois par semaine régulièrement, que les impôts
votés sont insuffisants et qu'il faut des impôts nouveaux.
Les ministres passent leur temps en Conseil à Chercher des
matières imposables.
M. de Goulard se gratte l'oreille.
Son prédécesseur a-déjà imposé tout ce qui ne l'était pas
encore sans compter qu'il a doublé l'impôt de tout ce qui
l'était déjà. '
Alors M. Thiers prend la parele et, invariablement, pro-
nonce cette, même phrase :
__Prenez mon impôt sur les matières premières !
A peine M. Thiers a-t-il lâché ces mots que le télégraphe
apporte, de Marseille à Calais, les récriminations et les récla-
mations de toutes les villes de France.
__ jyen sur les matières premières ! Nous ne voulons pas
:d'impôt sur les matières premières!
Le grand commerce se plaint, et le petit, et le moyen.
M. Thier6 laisse faire et murmuré :
__ Ce sera pour une autre fois I
Qu'alors une voix timide s'élève et dise :
— Nous avons les jeux !
Aussitôt on verra bondir la majorité du Conseil
Ils ont les jeux 1 les jeux qui verseront dans les caisses vides
quelques millions de revenu annuel.
Mais voilà. L'impôt sur les matières premières est moral,
quoique désagréable à tous. L'impôt sur le jeu qui ne gêne-
rait personne — au contraire — est, paraît-il, ce qu'on peut
rêver de plus immoral au monde ! En avant :
LES CLICHES CONTRE LES JEUX
CncnÉ h" 1. —■ Les jeux font le malheur des parents et la ruine
des familles !
Cliché n° 2. — La roulette mené au déshonneur 1
Cliché n° 3. —■ L'honnête ouvrier y portera le dernier morceau
de pain de ses enfants !
Cliché n° 4. — Avez-vous vu, autour d'une table de trente-et-
quarante des hommes pâles, aux yeux égarés, s'enfoncer les ongles
dans la poitrine et s'arracher des lambeaux de chair ?
Cliché n° 5. — Ous qu'est le pistolet de l'établissement ?
UN PEU DE BON SENS
11 est facile, de démontrer que ces clichés ne sont en somme
que des clichés.
N" 1.
Qn compte les gens qui se sont ruinés au jeu. On les mon-
tre au doigt. Quand, par hasard, il s'en trouve un, ce n'est pas
généralement Un père de famille, mais un garçon un peu
toqué qui, s'étant trouvé un beau jour à la tête de quelques
mille francs, les a risqués au tapis vert et les a perdus.
A partir du jour où il est « ruiné », ce garçon se fixe dans
la ville de jeu et y vit aux crochets de la banque.
On le montre aux joueurs en disant :
— Voilà un homme qui s'est ruiné au jeu.
Il fail l'office d'avertissement salutaire. Ce décavé réside au
milieu des ponteu.rs comme la tête de mort sur la table du
festin antique.
Quant aux familles elles ne risquent, d'ordinaire à la roulette
que des sommes minimes, et lorsque M. Prudhomme a mis
une pièce de cent sous en plein sur le numéro 35 et que le
numéro 35 n'est pas sorti, cet honorable bourgeois déclare.:
Que le numéro 38 est le jour le plus néfaste de sa vie !
N» 2.
Les banques de jeu n'ont rien de commun avec les parties
des cercles Au cercle, une fois décavé, on peut continuer à
jouer. On joue sur parole. Lorsqu'on a perdu ainsi un billet
de mille, on enjoué deux pour se rattraper, puis quatre, puis
huit et ainsi de suite.
Un homme, ne. possédant aucune fortune sérieuse, peut
sortir du cercle avec ceht mille francs de dettes. Des dettes
qui se soldent dans les vingt-quatre heures. Voilà le déshon-
neur.
Autretlte-et-quarante au contraire, à la roulette, on joue ar-
gent sur table—jamais autrement. Oh peut perdre ce qu'on
a, mais on ne peut perdre que cela,
N° 3.
Arrivons à l'honnête ouvrier, Si l'ouvrier est honnête, il ne
lui viendra jamais à l'idée d'aller perdre le dernier morceau
de pain de ses enfants.
S'il ne l'est pas, il jouera ailleurs et quand même. Le der- j
nier morceau de pain S'en ira dans plusieurs cents de bézi-
gue.
N°4.
Les hommes pâles qui s'enmncent les ongles dans la chair
pour nourrir urt numéro, comme le pélican se perce le flanc
pour nourrir ses petits, appartiennent au domaine de la fan-
taisie et du fantastique.
Des hommes pâles, j'en ai vu. Ce sont des joueurs impres-
sionnables qui ont l'habitude de frémir, — même lorsqu'ils
joUent des haricots au jeu d'oie. ' -
Quant au cliché
N°5.
Il est dû, je crois, à quelque farceur aimable. Si l'établis-
sement possède un pistolet, ce pistolet du moins n'est jamais
parti.
d eaux françaises qu'il est bon d'enrichir et d'embellir , ,
pans des villes d Vaux allemandes. II s'agit de Vi^vTr^ dé'
de Luchon, de Trouville. ë hy>de Blil"ilz,
C'est pour ces villes que nous réclamons.
Et pas de scrupules bêtas I
Ne parlons pas d'immoralité.
Ne disons pas que iê meilleur gouvernement est celui „ •
n autorise pas les jeux, - comme le meilleur chocolat 'tu
chocolat Perron. ""cuiai est le
Car parmi les meilleurs gouvernements il faudrait alftKi
compter l'empire - qui a lait l'expédition du Mexique no,
favoriser les jeux de bourse de M. de Momy. q P ur
GRINGOIRE.
UN DROLE DE RÊVE
J'ai fait l'autre jour, chers lecteurs, un rêve purement idiot
qu'il faut absolument que je vous raconte.
Vous pourriez me répondre que je perds là une jolie occa-
sion de me taire; mais il y a des choses qui sont plus fortes
que vous.
Voici donc les faits.
J'étais allé le soir aux Folies-Marigny.
Ceci peut, au premier abord, passer pour bien invraisem-
blable, mais j'allais y retrouver une femme bien aimée __oh
oui! bien aimée! avec laquelle j'avais rompu la veille, et nui
m'avait menacé de me garder une paire de bretelles à laquelle
je tenais énormément, si je ne lui accordais pas la faveur d'un
dernier rendez-vous.
La femme a ses mystères, l'homme a ses faiblesses.
Je tenais à mes bretelles, je fus aux Folies-Marigny.
Maintenant pourquoi cette
RESUMONS-NOUS
Depuis 1836, époque où les jeux furent supprimés en France,
lit moralité publique a-t-elle fait de grands pas?
Choeur de lecteurs : Oh! non.
Ne joue-t-on pas, publiquement, aux coursés, au cabaret,
datis les cafés, aux iûteries patronnées par le gouvernement,
et élandestinement dans les tripots, partout?
Deuxième choeur de lecteurs : Oh! oui.
11 est vrai, me fait-on observer, que l'État ne profite pas de
Cette passion du jeUet que la morale publique Interdit à l'Étal
d'en profiter.
Qu'est-ce donC( s'il vous plaît, que l'impôt sur les Cartes à
jouer?
Pourquoi vient-on de doubler cet impôt?
N'est-ce pas aussi l'exploitation delà passion du jeu au profit
de la Caisse publique?
Et où est le mal?
Allons, un bon mouvement-, messieurs les députés. La péti-
tion concernant le rétablissement des jeux sera, son? peu de
jours, déposée sur votre bureau; prenez-la, en considération. Il
ne s'agit pas tic rétablir les jeux à Paris où ils pourraient offrit
des dangers, =■= mille fois moindres cependant que ceux des
cercles et surtout des tripots clandestins. Non, il s'agit des villes
... - ,. , . Jei'ne piqueuse de bottines
avait-elle choisi ce heu lointain pour me dire un étemel
Je ne me le suis jamais bien expliqué.
Bref, je. rentrai chez moi, baigné des pleurs de mon Ariane
avec ma paire de bretelles et un fort mal de tête. '
La littérature dramatique de ce théâtre élyséen est telle-
ment hérissée de durillons, qu'elle ne passe qu'avec d'ex
trêmes difficultés et qu'il faut Un estomac bien robuste nour
la digérer. '
Or, les vigoureuses études politiques et sociales que je fais
depuis un an dans le Grelot m'ont tellement affaibli, qu'il nie
faut au physique et au moral une nourriture de premier
choix.
Celle que j'avais absorbée ce soir-là ne me convenait pro-
bablement pas, car à peine couché sur ma couche solitaire,*
j'appuie sur solitaire — je me sentis envahi par un malaise
formidable.
Le sommeil finit cependant par me gagner, mais quel som-
meil, grand Dieu!... un véritable cauchemar.
Jugez-en.
Je me voyais devant une grande affiche blanche qui disait à
peu près ceci :
« L'Assemblée nationale décrète qu'en prévision des événe-
ments qui semblent se préparer, elle ne se dissoudra qu'à la.
mort de son dernier représentant.
» Au fureta mesure des décès, on remplacera le membre
décédé, et de cette façon l'Assemblée se trouvera entièrement
renouvelée; mais au fond, ce sera toujours la même.
» Quand la dernière fraction du peuple souverain sera allée
rejoindre ses ancêtres, alors on verra voir à convoquer le peu-
ple dans ses comices. »
J'avoue que je trouvai cette combinaison assez intelligente.
Cela me parut même le seul moyen de sauver la situation et
de faire jouir longtemps encore notre belle France des dis-
cours en pâte ferme du petit père Jean Brunet, dit le Messie
des Réservoirs.
J'étais encore tout à ce décret si éminemment pathétique,
quand la scène changea subitement, et je me trouvai de vingt
ans plus vieux, assistant dans la tribune des journalistes à
une séance de l'Assemblée de Versailles en 1892.
Je jetai machinalement les yeux autour de moi.
Rien n'était changé que les figures des députés.
Chose étrange 1 je n'en reconnus pas un.
Tous flambés ! disparus ! évanouis ! tous !
Ce que c'est que de nous, pourtant!
Je ramenai mes regards de la salle à la tribune des journa-
listes, et je remarquai appendu à la muraille un superbe por-
trait d'bomme à la figure énergique.
Je le reconnus sans peine.
C'était celui de M. Baze!
L'honorable questeur, avant de renverser sa marmite,-—• ce
malheur lui était arrivé l'année précédente, — avait voulu se
réconcilier au dernier moment avec les journalistes qu il avait
tant poursuivis, en leur frisant hommage de son portrait, des-
tiné à rappeler ses traits chéris à tous les gazettiers qui devaient
se succéder dans la suite des âges.
Je reconnus là tout de suite ce cœur si généreux!
À ce moment le président montait à la tribune.
Le cœur me battit violemment quand je crus retrouver dans
ce haut personnage les traits éminemment fins de mon colla-
borateur Gringoire, que la rédaction en chef du Grelot avaii
conduit aux plus grands honneurs.
Il n'y avait pas à en douter.
■C'était lui I c'était bien lui !
Sa barbe, d'un blond si aimable, commençait, soUs le poids
des soucis présidentiels, às'argenler un peu; îly avait, connue
des #
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LK QRKLOT
Là ROUGE ET LA NOIBE
Les reverrons-nous en France, ailleurs que chez les mar-
chands de jouets, les couleurs de Fa roulette et du trente-et-
quarante?
Reconniîtrons-nous enfin que nous avons grand tort d'être
si bégueules?'
L'État consentira-l-il à tirer profil d'une passion reconnue
incurable comme il tire profit de l'air que nous respirons, du
toit qui nous abrite et généralement de tout ce qui est pour
nous une absolue nécessité?
Le Grelot tintera aux oreilles de nos gouvernants tant que
la question ne sera pas résolue, et il croit que c'est un rude
service qu'il va leur rendre là.
RIEN NE VA PLUS I
L'an dernier, pendant la belle saison, j'étais à Trouville.
Il m'était impossible de faire deux pas sur la plage sans me
heurter contre quelque indigène consterné qui me disait avec
une mélancolie profonde :
— Rien ne va plus ! C'est désolant ! Les hôtels ne sont pleins
qu'à moitié et ceux qui s'y trouvent dépensent juste ce qu'il
faut pour n'être pas mis à la porte.' Les hôteliers gémissent,
les marchands pâtissent; ahl la fichue année.
Mêmes plaintes sur toutes les plages célèbres, dans toutes
.les villes d'eaux réputées.
Tous les hôteliers étaient montés a leur tour pour voir s'il
in'arrivait pas quelque riche étranger.
! Et ils ne voyaient que le chemin qui poudroyait ou la mer
qui verdoyait.
; Pendant ce temps, quelques journaux sans scrupulesj pu-
bliaient timidement les annonces des villes d'eaux allemandes :
Je programme de la saison, les noms des artistes engagés, les
■ splendeurs rêvées par l'administration du Casino.
Les Français se récriaient encore — il y a un an de cela! —<
mais les étrangers se bousculaient autour des tapis verts alle-
mands, et les thalers, les giilden, les louis d'or français af-
fluaient au jeu pour le plus grand profit de quelque caisse
grand-ducale.
— Faites votrejeu, messieurs! Rien ne va plus.
Quelle différence avec le « rien ne va plus » lugubre des ha-
bitants de Trouville et d'ailleurs!
LES JOUEURS
Il y a tout une catégorie d'individus à laquelle on ne s'inté-
resse que médiocrement, et c'est peut-être un tort. Ce sont
les joueurs du trente-et-quarànte et de la roulette. Il y a parmi
eux de Irès-braves gens, de charmants garçons, pour lesquels
le séjour d'un mois dans un casino est devenu un besoin —
comme pour d'autres le café noir, |e cigare, la pipe, voire même
le tabac à chiquer.
A quel casino aller? Il n'y en a de vrais qu'en Allemagne,
Il fait trop chaud à Monaco, l'été — car c'est l'été que l'envié
de la roulette les prend comme une maladie chronique, — et
Saxon, en Suisse, n'est pas ce qu'on peut appeler un établis-
sement sérieux. On n'y joue guère que des lentilles, et lorsque
la banque a perdu /ioO boutons de culotte, elle est obligée de
sauter.
Mais comment remettre les pieds eu Allemagne? Quel hor-
rible* voyage d'agrément!
L'an dernier, le joueur a tenu bon.Slrasbourgfumait encore,
et Bade est si près de Strasbourg!
Bette année peut-être résistera-t-il toujours.
1 II espère que les jeux seront rétablis en France.
Mais l'an prochain, — si son espoir était déçu!
. Il ne répond plus de rien.
Et c'est tant pis. Car c'est ainsi que, peu à peu, on verra s'af-
faiblir la juste haine que nous avons vouée à l'Allemagne!
IL FAUT DES ilPÔÎS NOUVEAUX
Les journaux dits sérieux, parce qu'ils sont '-d'ilti format
moitié plus- grand que le nôtre, ne manquent pas de nous ap-
prendre, une fois par semaine régulièrement, que les impôts
votés sont insuffisants et qu'il faut des impôts nouveaux.
Les ministres passent leur temps en Conseil à Chercher des
matières imposables.
M. de Goulard se gratte l'oreille.
Son prédécesseur a-déjà imposé tout ce qui ne l'était pas
encore sans compter qu'il a doublé l'impôt de tout ce qui
l'était déjà. '
Alors M. Thiers prend la parele et, invariablement, pro-
nonce cette, même phrase :
__Prenez mon impôt sur les matières premières !
A peine M. Thiers a-t-il lâché ces mots que le télégraphe
apporte, de Marseille à Calais, les récriminations et les récla-
mations de toutes les villes de France.
__ jyen sur les matières premières ! Nous ne voulons pas
:d'impôt sur les matières premières!
Le grand commerce se plaint, et le petit, et le moyen.
M. Thier6 laisse faire et murmuré :
__ Ce sera pour une autre fois I
Qu'alors une voix timide s'élève et dise :
— Nous avons les jeux !
Aussitôt on verra bondir la majorité du Conseil
Ils ont les jeux 1 les jeux qui verseront dans les caisses vides
quelques millions de revenu annuel.
Mais voilà. L'impôt sur les matières premières est moral,
quoique désagréable à tous. L'impôt sur le jeu qui ne gêne-
rait personne — au contraire — est, paraît-il, ce qu'on peut
rêver de plus immoral au monde ! En avant :
LES CLICHES CONTRE LES JEUX
CncnÉ h" 1. —■ Les jeux font le malheur des parents et la ruine
des familles !
Cliché n° 2. — La roulette mené au déshonneur 1
Cliché n° 3. —■ L'honnête ouvrier y portera le dernier morceau
de pain de ses enfants !
Cliché n° 4. — Avez-vous vu, autour d'une table de trente-et-
quarante des hommes pâles, aux yeux égarés, s'enfoncer les ongles
dans la poitrine et s'arracher des lambeaux de chair ?
Cliché n° 5. — Ous qu'est le pistolet de l'établissement ?
UN PEU DE BON SENS
11 est facile, de démontrer que ces clichés ne sont en somme
que des clichés.
N" 1.
Qn compte les gens qui se sont ruinés au jeu. On les mon-
tre au doigt. Quand, par hasard, il s'en trouve un, ce n'est pas
généralement Un père de famille, mais un garçon un peu
toqué qui, s'étant trouvé un beau jour à la tête de quelques
mille francs, les a risqués au tapis vert et les a perdus.
A partir du jour où il est « ruiné », ce garçon se fixe dans
la ville de jeu et y vit aux crochets de la banque.
On le montre aux joueurs en disant :
— Voilà un homme qui s'est ruiné au jeu.
Il fail l'office d'avertissement salutaire. Ce décavé réside au
milieu des ponteu.rs comme la tête de mort sur la table du
festin antique.
Quant aux familles elles ne risquent, d'ordinaire à la roulette
que des sommes minimes, et lorsque M. Prudhomme a mis
une pièce de cent sous en plein sur le numéro 35 et que le
numéro 35 n'est pas sorti, cet honorable bourgeois déclare.:
Que le numéro 38 est le jour le plus néfaste de sa vie !
N» 2.
Les banques de jeu n'ont rien de commun avec les parties
des cercles Au cercle, une fois décavé, on peut continuer à
jouer. On joue sur parole. Lorsqu'on a perdu ainsi un billet
de mille, on enjoué deux pour se rattraper, puis quatre, puis
huit et ainsi de suite.
Un homme, ne. possédant aucune fortune sérieuse, peut
sortir du cercle avec ceht mille francs de dettes. Des dettes
qui se soldent dans les vingt-quatre heures. Voilà le déshon-
neur.
Autretlte-et-quarante au contraire, à la roulette, on joue ar-
gent sur table—jamais autrement. Oh peut perdre ce qu'on
a, mais on ne peut perdre que cela,
N° 3.
Arrivons à l'honnête ouvrier, Si l'ouvrier est honnête, il ne
lui viendra jamais à l'idée d'aller perdre le dernier morceau
de pain de ses enfants.
S'il ne l'est pas, il jouera ailleurs et quand même. Le der- j
nier morceau de pain S'en ira dans plusieurs cents de bézi-
gue.
N°4.
Les hommes pâles qui s'enmncent les ongles dans la chair
pour nourrir urt numéro, comme le pélican se perce le flanc
pour nourrir ses petits, appartiennent au domaine de la fan-
taisie et du fantastique.
Des hommes pâles, j'en ai vu. Ce sont des joueurs impres-
sionnables qui ont l'habitude de frémir, — même lorsqu'ils
joUent des haricots au jeu d'oie. ' -
Quant au cliché
N°5.
Il est dû, je crois, à quelque farceur aimable. Si l'établis-
sement possède un pistolet, ce pistolet du moins n'est jamais
parti.
d eaux françaises qu'il est bon d'enrichir et d'embellir , ,
pans des villes d Vaux allemandes. II s'agit de Vi^vTr^ dé'
de Luchon, de Trouville. ë hy>de Blil"ilz,
C'est pour ces villes que nous réclamons.
Et pas de scrupules bêtas I
Ne parlons pas d'immoralité.
Ne disons pas que iê meilleur gouvernement est celui „ •
n autorise pas les jeux, - comme le meilleur chocolat 'tu
chocolat Perron. ""cuiai est le
Car parmi les meilleurs gouvernements il faudrait alftKi
compter l'empire - qui a lait l'expédition du Mexique no,
favoriser les jeux de bourse de M. de Momy. q P ur
GRINGOIRE.
UN DROLE DE RÊVE
J'ai fait l'autre jour, chers lecteurs, un rêve purement idiot
qu'il faut absolument que je vous raconte.
Vous pourriez me répondre que je perds là une jolie occa-
sion de me taire; mais il y a des choses qui sont plus fortes
que vous.
Voici donc les faits.
J'étais allé le soir aux Folies-Marigny.
Ceci peut, au premier abord, passer pour bien invraisem-
blable, mais j'allais y retrouver une femme bien aimée __oh
oui! bien aimée! avec laquelle j'avais rompu la veille, et nui
m'avait menacé de me garder une paire de bretelles à laquelle
je tenais énormément, si je ne lui accordais pas la faveur d'un
dernier rendez-vous.
La femme a ses mystères, l'homme a ses faiblesses.
Je tenais à mes bretelles, je fus aux Folies-Marigny.
Maintenant pourquoi cette
RESUMONS-NOUS
Depuis 1836, époque où les jeux furent supprimés en France,
lit moralité publique a-t-elle fait de grands pas?
Choeur de lecteurs : Oh! non.
Ne joue-t-on pas, publiquement, aux coursés, au cabaret,
datis les cafés, aux iûteries patronnées par le gouvernement,
et élandestinement dans les tripots, partout?
Deuxième choeur de lecteurs : Oh! oui.
11 est vrai, me fait-on observer, que l'État ne profite pas de
Cette passion du jeUet que la morale publique Interdit à l'Étal
d'en profiter.
Qu'est-ce donC( s'il vous plaît, que l'impôt sur les Cartes à
jouer?
Pourquoi vient-on de doubler cet impôt?
N'est-ce pas aussi l'exploitation delà passion du jeu au profit
de la Caisse publique?
Et où est le mal?
Allons, un bon mouvement-, messieurs les députés. La péti-
tion concernant le rétablissement des jeux sera, son? peu de
jours, déposée sur votre bureau; prenez-la, en considération. Il
ne s'agit pas tic rétablir les jeux à Paris où ils pourraient offrit
des dangers, =■= mille fois moindres cependant que ceux des
cercles et surtout des tripots clandestins. Non, il s'agit des villes
... - ,. , . Jei'ne piqueuse de bottines
avait-elle choisi ce heu lointain pour me dire un étemel
Je ne me le suis jamais bien expliqué.
Bref, je. rentrai chez moi, baigné des pleurs de mon Ariane
avec ma paire de bretelles et un fort mal de tête. '
La littérature dramatique de ce théâtre élyséen est telle-
ment hérissée de durillons, qu'elle ne passe qu'avec d'ex
trêmes difficultés et qu'il faut Un estomac bien robuste nour
la digérer. '
Or, les vigoureuses études politiques et sociales que je fais
depuis un an dans le Grelot m'ont tellement affaibli, qu'il nie
faut au physique et au moral une nourriture de premier
choix.
Celle que j'avais absorbée ce soir-là ne me convenait pro-
bablement pas, car à peine couché sur ma couche solitaire,*
j'appuie sur solitaire — je me sentis envahi par un malaise
formidable.
Le sommeil finit cependant par me gagner, mais quel som-
meil, grand Dieu!... un véritable cauchemar.
Jugez-en.
Je me voyais devant une grande affiche blanche qui disait à
peu près ceci :
« L'Assemblée nationale décrète qu'en prévision des événe-
ments qui semblent se préparer, elle ne se dissoudra qu'à la.
mort de son dernier représentant.
» Au fureta mesure des décès, on remplacera le membre
décédé, et de cette façon l'Assemblée se trouvera entièrement
renouvelée; mais au fond, ce sera toujours la même.
» Quand la dernière fraction du peuple souverain sera allée
rejoindre ses ancêtres, alors on verra voir à convoquer le peu-
ple dans ses comices. »
J'avoue que je trouvai cette combinaison assez intelligente.
Cela me parut même le seul moyen de sauver la situation et
de faire jouir longtemps encore notre belle France des dis-
cours en pâte ferme du petit père Jean Brunet, dit le Messie
des Réservoirs.
J'étais encore tout à ce décret si éminemment pathétique,
quand la scène changea subitement, et je me trouvai de vingt
ans plus vieux, assistant dans la tribune des journalistes à
une séance de l'Assemblée de Versailles en 1892.
Je jetai machinalement les yeux autour de moi.
Rien n'était changé que les figures des députés.
Chose étrange 1 je n'en reconnus pas un.
Tous flambés ! disparus ! évanouis ! tous !
Ce que c'est que de nous, pourtant!
Je ramenai mes regards de la salle à la tribune des journa-
listes, et je remarquai appendu à la muraille un superbe por-
trait d'bomme à la figure énergique.
Je le reconnus sans peine.
C'était celui de M. Baze!
L'honorable questeur, avant de renverser sa marmite,-—• ce
malheur lui était arrivé l'année précédente, — avait voulu se
réconcilier au dernier moment avec les journalistes qu il avait
tant poursuivis, en leur frisant hommage de son portrait, des-
tiné à rappeler ses traits chéris à tous les gazettiers qui devaient
se succéder dans la suite des âges.
Je reconnus là tout de suite ce cœur si généreux!
À ce moment le président montait à la tribune.
Le cœur me battit violemment quand je crus retrouver dans
ce haut personnage les traits éminemment fins de mon colla-
borateur Gringoire, que la rédaction en chef du Grelot avaii
conduit aux plus grands honneurs.
Il n'y avait pas à en douter.
■C'était lui I c'était bien lui !
Sa barbe, d'un blond si aimable, commençait, soUs le poids
des soucis présidentiels, às'argenler un peu; îly avait, connue
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