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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 2.1872

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https://doi.org/10.11588/diglit.3250#0114
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LK GRKLOT

Le GRELOT au Sti.oN. —Salon dé 1872, dépeint
et dessiné par Berta I, vient de paraître en un Album .
complet; avec ..couverture, nombreuses'figures et ta- -.
1)1 eaux coloriés'. — Prix : 1 fr.

Vous ne savez pas, vous, monsieur, venu
d'Angleterre avec votre femme, votre belle-
sœur, quatre jeunes filles et un petil garçon,
pour visiter le Louvre et le Musée d'artillerie,
les Invalides et le Luxembourg, pour grimper
sur nos monuments, pour explorer les envi-
rons de Paris — y compris Versailles, vousne
savez pas que les plus grands dangers vous
entourent, et que vous risquez fort, ô voya-
geur paisible, de ne plus pouvoir, un de ces
jours, sortir de votre hôtel, — les rues étant
hérissées de barricadas? ,

Et vous qui arrivez de Pétcrsbourg, semant
votre or à droite et à gauche, heureux de re-
trouver votre Paris tel que vous l'avez connu
autrefois, gai malgré-tout, et frivole, et fié-
vreux, parlant politique et devisant d'amour,
vous ignorez que les plus grandsdangers vous
menacent et que vous pourriez bien — au lieu
de perspective Newski — n'avoir plus d'autre
perspective que celle de la mort violente ré-
servée par les républicains rouges à tous les
. boyards et à tous les aristocrates?

Quant à vous, bourgeoisstupide, vous avez
tort de vous frotter les mains'en vous écriant:

— Tout va bien, les affaires reprennent!

Voilà que vous avez loué de nouveau, à
Ashières ou à Châtillon, une maisonnette rus-
tique, fraîchement restaurée, avec deux obus
magnifiques encadrés dans sa façade!

Comment, diantre, avez-vous pu avoir une
idée aussi biscornue?

Vous ne savez donc pas ce qui vous attend?

Vous ne savez donc pas dans quel gâchis
nous"; sommes?

Vous ne savei dune pas que nous vivons
dans les temps les plus troublés, les plus
épouvantablement troublés qu'il soit possible
d'imaginer?

Vous ne savez donc pas qua l'anarchie est
la suprême maîtresse de nos destinées?

Vous ne lisez donc pas le Pays, journal de

Les étrangers ne lisent donc pas le Pays?

Ni les commerçants?

Ni les acheteurs?

Ni les vendeurs?

Ni les propriétaires?

Ni lés renliers?

Le Pays ne cesse pas de crier au feu.

La Pays déclare que lotit va mal dans la
plus exécrable des républiques;

Que. l'ordre est le désordre ;

Que le provisoire n'est pas le définitif;

Que M. Tbiers est un radical ;

Que les radicaux sont des révolutionnaires;

Que les révolutionnaires sont des républi-
cains ;

Que la République est la Révolution ! 1H !

Et les journalistes du parti font chorus, et
à force dé s'époumoner en criant que tout va
mal ils persuadent aux pessimistes les plus
endurcis que jamais rien n'est allé aussi bien.

Ce qui n'empêche pas qu'à la veille d'un em-
prunt national devant achever la libération du'
territoire, ces cris d'alarme n'ont pas grand'
chose de commun avec le patriotisme.

11 est facile d'ailleurs de reconnaître les
journaux qui obéissent à un mot d'ordre.

D'abord ces feuilles, — qui forcent madame
Eugénie Bonaparte à vendre ses bijoux, •*--'
déclarent hautement et formellement, tous les
jours, que le retour de l'Empire est certain et
proche. . •

Cela, à la rigueur, s'explique. Il est bon,
d'entretenir les hôtes de Cbislehurst dans ces
bonnes idées. Le jour où les chances d'une
restauration leur sembleraient désespérées, il
est probable que madame Eugénie arrêterait
les frais et ne mettrait plus ses dentelles au
clou pour nourrir quelques journalistes.

Mais le mot d'ordre est pfuê compliqué.

Je vous' défie d'ouvrir l'un., dés journaux
auxquels je fais allusion sans-y trouver ceci, —
ou quelque chose d'équivalent :

Le pays est rongé par. l'inquiétude ;

Nous dansons sur un volcan-;

Gambetta.est borgne/; ,

L'Empire seul peut nous rendre le calme et. la
sécurité;

La République est bien malade;

Et puis enfin cette découverte colossale qui
date de peu :

M. TH1ERS EST UN RADICAL!

M. Tbiers, — un radical !

M. Tbiers qui, après avoir vaincu la Com-
mune,- gouverne avec l'état de siège, livre aux
conseils de'guerre et aux poteaux de Satory

les criminels, les coupables aux pontons et aux
colonies lointaines, un radical!

Mais c'est de la pure démence!

Que'fteé sont donc les libertés dont nous
jouissons sous le gouvernement radical de
M. Tliœr*?

JEfles -sont minces, à coup sûr.

Cependant, si l'Empire revenait, il muselle-
rait, — je le sais, —■ les deux seules libertés
qui nous restent encore :

La liberté de la tribune,

Et la liberté de la presse.

Oui, la liberté de la presse, — liberté rela-
tive, j'entends; car il serait ridicule de con-
fondre avec la liberté de la presse, — telle
qu'on 'la comprend généralement,- la liberté
complète, sans limites, — le régime actuel
qui permet au gouvernement de supprimer
sans jugement les journaux qui le gênent, et
qui interdit, au Grelot, en particulier, douze
dessins sur dix.

Mais enfin, en admettant le retour de l'em-
pire, croyez-vous que le gouvernement impé-
rial tolérerait des journaux qui, quotidien-
nement , prédiraient la restauration de la
République?

Non, n'est-ce pas?

Vous seriez probablement les premiers à
pousser à la suppression de ces journaux.

La République est plus généreuse. Elle a
peut-être tort. Mais est-ce'bien à vous de vous
plaindre de cette générosité?

Une paillette de notre confrère-Loustalot, du
Paris-Journal :

Rendant compte du banquet républicain
donné à MM. Beft, Barni et ©erégnaucourt,
notre confrère commence ainsi son article :

« En attendant qu'ils nous mangent, les ra*
dicaux s'exercent au café CoTOzza! »

■Les'temps son* donc proches où le menu de'
tout !bon 'républicain devra se composer de
chair humaine.

Déjà, d'après £mrit-ilauir.nal, il y aurait en
un commencem»ij d'exécution.

Horrible!

En attendant qu'ils mangent des jaaraa-
listes et des députés de :la'droite, ils se seront
exercés à manger-quelque modeste garçcsn de
café ou tout simplement un petit rentier des
Batignolies.

Voici, — sinistre détail, —le'menu répu-
blicain de l'avenir :

BANQUET

Offert par MM. Tolain, Naquet et Ordinaire
aux nouveaux élus.

RAZOUA, LISSAGARAY et PASCIHAL GR0.U8SJ3T..

Comtesse (trente ans,'brune, pas d'eiiSants).
Purée de réactionnaires faubourg Germain.

hors d'oeuvre.
Saucisson de curés.

ENTRÉES.

Pré salé de Batbie, à la Félix Pyat.

Maquereau...... (1).

Filet de Girardin aux champigaou*.
Pieds d'erifarits'poulette.

Sorbets au sang de reporter.
Lorgeril à la mayonnaise. — Weissteack aux
pommes de terre friies. — Côtelettes de
Routier aux.pointes d'asperges.

Brioches de Larcy.

DESSERT.

Prunelles. — Oreilles d'orléanistes: — Petits
fours cléricaux.

Mon collaborateur Chut vous a parlé l'autre
jour des bénédictions que le, pape envoie par
le télégraphe aux fidèles qui ont bien mérité de
la papauté.

Le directeur de la "France nomette, ~- un
petit journal catholique, ■— vient, $>rt:haiàie-
ment, de-mettre ces bénédictions ji là,portée
de tous.

- L'honorable M. -de Riàncey a annoncé, il y
a quelques jours, en tête de ses«olon.nes„que
le pape envoyait sa bénédiction à tous les abon-
nés de la France nouvelle.

Nous ne désespérons pas de lire-sous peu,
dans le même journal, l'annonce suivante :

PRIME EXTRAORDINAIRE.

La France nouvelle assure à tous ses abonnés:

Ahonn. de 3; mois. • Bénédiction de Mgr Guibort,
Abonn. de"6 mois. Bénédiction dtj cardinal Antonelli.
Abonn. de 1 an. . Bénédiction di -paue.
Abonu. perpétuel. Indulgences pjénières.
Paris et la province.
Avis aux amateurs !

.Gringoike,

(1) Celui dont la chair a servi à fabriquer ce plat
poisson a désiré garder l'anonyme,.

{Note du maitre d'tiôtel.)

le drame de la rue des Prêtres

PERSONNAGES :

Bapst, directeur des Débats, — homme embêté.

John Lemoinne, premier ténor ctudit journal, — cas-
sant, mais du talent et roublard! ! !

Molisahi,(| secrétaire de la rédaction, confident au
besoin.

Smpjt-Marc-GirardiNj grand premier rôle, — digne,
bien que dégommé.

Eugène Dufeuille.

Auguste Léo.

Personnages muets,

La voix d'Edouard Hervé, franche, mais enrouée.

Une cave de la rue des Prêtres.

Ameublement extrêmement vieux, mais d'un goût
véritable.

Trois hommes sont assis autour d'une table cou-
verte d'un tapis vert et surchargée de jour-
naux. Une canette vide et trois verres. Un pa-
rapluie sous un globe. C'est celui que llatis-
bonne a glorieusement croisé contre Albert

■ Itogat.

Les trois hommes sont MM. Bapst, John Le-
moinne et Molinari.

SCENE UNIQUE

BAPST, JOHN LEMOINNE et MOLINARI.

bapst, tenant une lettre à la main.
Il n'y a pas à dire... Saint-Marc nous lâche.

molinari.
EtDufeuille!

BAPST.

El Auguste Léo !

JOHN lemoinne.
Eh bien, après?

bapst.
Après ? après ?... vous en paplez bies l ÏPtre
aise, tous!... Qu'est-ce que vont dir» les
abonnés? Quel drame, mon. Dieu! quel
drame !

MOLINARI.

Et puis la ligne? la ligne politique? la fa-
meuse ligne des Débats? Il va falloir la chan-
ger?

BAPST,

Et cela vous fait un chagrin!
JOHN LEMOINNE.

. TaiséK-vous donc, blagueurl...

BAPST et MOLINARI.

Blagueurs!..,

JOHN LEMOINNE.

Eh oui, blagueurs!... est-ce que vous allez
me la faire à moi, voyons?... Le public la
connaît, mes enfants... il sait bien que votre
ligue consiste, comme celle du Times, à se
mettre du côté des causes triomphantes et de
l'opinion publique, sans souci de rester loya-
lement fidèle à une conviction. C'est ce que
note- jeune eonfrèrê Ernest Blum appelle
êtn élans le mouvement.

bapst, courbant la tête.

Cet homme est d'une pénétration !
molinari essuyant son front mouillé de sueur.

On ne peut rien lui cacher.

JOHN LEM01NE,

Donc, allons-y ! et vive la République !

bapst, songeur.
La-Ré... , •

JOHN LEMOINNE.

Publique!..,, Je l'ai dit. .

MOLINARI.

C'est égal... e'est dur... quand on a été si
longtemps monarchistes !

JOHN LEMOINNE.

Nous ! nous n'avons jamais été rieri- du tout,
vous le savez biem.. et c'est là notre force...
nous n'avons jamais été que des doctrinaires...
un grand mot... qui ne signifie rieni

BAPST.

Cet homme est implacable !

JOHN LEMOINNE.

Nous allons nous refaire une virginité.

MOLINARI.

Cela se refait donc, John?

JOHN LEMOINNE.

Ce que vous dites-la, mon cher Molinari, est
puremeut inepte. Sans doute cela se-refait. Et
vous en aurez parfaitement la preuve.
MOLINARI, rêveur.

C'est égal, il faudra que je le demande à
d« Parvi'lte,

BAPST.

Voyons, maintenant,, insérons-nous la lettre
de Saint-Marc?

JOHN LEMOINNE.

Pourquoi pas?;.. Ce vieux sec n'était pas
sans talent... Nous dirons même que nous le
regrettons beaucoup.

. ou j'entre

MOLTNARI.

On ne nous croira pas.

JOHN LEMOINNE.

Bahl... quantaux deuxautres petits, le Délit

Duremlle, -un ange de candeur... et d'inn'
cence ! *ret le petit Léo, nous nous borne-or,:
out seulement à dire qu'ils nous ont rendu
leur tabher parce que la cuisine qu'on fait W
ne leur plaisait plus. IC1

MOLINARI.

Ils sont bigrement difficiles !

JOHN LEMOINNE.

Donc, pas de fcriblesse... Les Débats ne doi
vent pas mentir, et si le Siècle n'est pas con
tent de sa nouvelle recrue, c'est qu'il aura ê
caractère joliment mal fait. Dites donc Bamt
il n'y a plus de bière? ifa<

bapst. ,
On vient, d'en faire venir une canette.

JOHN LEMOINNE.
C'est incroyable ce que ces canettes en tien-
nent peu. Maintenant que je suis devenu ré-
publicain, je suis d'un altéré!

molinari, très-humble.

On va. en apporter. Je vais .donner des or-
dres....

(// sort et rentre au bout d'un instant, portant
lui mime un moos qu'il pose devant John
Lemoinne.)

MOLINARI.

Voilà.... citoyen.

JOHN LEMOINNE.

Bravo!.... à la bonne heureI.... à ta santé
ma vieille! '

[Il boit.)

BAPST.

Quel langage !... ô tristes ombres des frères
Bertin, voilez-vous la face!...

JOHN LEMOINNE.

, Ah ! lâchez-nous, vous, hein?..,
à la République française.
(Bapst baisse la tête. Une larme tombe dans son
encrier.)
JOHN LEMOINNE.

Ainsi, mes petits pères, c'est bien conve-
nu!... Désormais, plus de royalisme! plus
d'orléanisme 1 tout à l'essai loyal, n'est-ce
pas ?

BAPST.

Puisqu'il le faut !

MOLINARI.

Ça me fend le cœur... mais enfin puisqu'il
parait que le vent souffle de ce côté..,.

JOHN LEMOINNE.
AU rightl... etThiers'for.everi
- BAPST.

Comme il parle bien l'anglais, mon Dieu!.,,
quel homme !
(Les trois journalistes'se mettent à écrire. On
entend grincer les plumes sur le papier).
john lemoinne, au bout d'un instant.
Ça y est... enlevez le premier-Paris!

MO'LINARI.

Boum !
(Il prend la copie et se précipite vers l'impri-
merie.)

JOHN LEMOINNE.

Qu'est-ce j'ai donc fait de ma pipe?

(A ces mots, Bapst se lève convulsivement et
roule par terre en proie à une violente attaque de
nerfs. John Lemoinne lui verse le reste du moos
sur la tête pour le faire revenir La scène change.)
— {je n" 3 de la rue Coq- Héron. La nuit est épaisse
et la pluie tombe à torrents. Trois hommes s'ar-
rêtent et frappent à la porte. Ils portent à la mam
une petite valise. Une-fenêtre s'ouvre.

une voix (celte de M. Hervé).

Qui demandez-vous ?

LE PLUS VIEUX DES TROIS.

Le Journal de Paris.
la voix, avec une émotion mal contenue.
Est-ce pour un abonnement ? .

' ' . LE PLUS JEUNE DES TROIS.

Non.

(On entend un soupir étouffé.}
la voix.
Alors, que lui voulez-vous à cette feuille
digne et... peu fortunée?

' ■ ' LE PLUS VIEUX,

■Nous voulons faire partie de sa iJétetion.

LA voix.
Vos litres?

LE PLUS VIE8X'. ■

Jb suis Saint-Marc Girardin, fit ces deux
jeunes hommes sont mes deux fils. Us ont
nom Eugène Dufcuille et Auguste Léo et sor-
tent comme moi dés Débats.'

- -. la voix. ,„*

Entrez !.,. (A part.) Si ça'ne me fait pas de
bien, ça ne me fera toujours pas de mal. JJe-
sormais, je ne mangerai plus de dessert...
"voilà tout. - ...

(La porte g ouvre-et se referme sur les Iran
hommes. Ça y est.)

-' Nicolas Flammèche.-

Jean-q
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