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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 3.1873

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(Supplément au numéro 135)

SOMMAIRE. — La Chemise de feu, par H. Chebpin. —
La Voyante, par Xavier de Montépin. — Mathilde,
par Paulin- Caphal. — Comment on devient réaction-
naire, par Léonce Petit.

LA CHEMISE DE FEU

(Suite.)

— Mais comment ne se fait-il pas prendre?

— C'est que jamais il ne fait commettre de vol chei
son maître lui-même, mais seulement chez les amis
de son maître; et que, comme il n'y met jamais les
mains personnellement, et se sert de mon intermé-
diaire sans se faire connaître de ceux qui opèrent, il
est fort difficile de le prendre en défaut.

— Je savais bien qu'il fallait s'en défier, dit Ne-
veu.

— Seulement, depuis quelque lemps, reprit l'En-
quille, il battait la pégraine (il mourait de faim),
comme disait tout à l'heure Ladorec, parce que plu-
sieurs de ses coups avaient raté; mais je m'attends
à le voir bientôt remonter à la surface...

— Pourquoi donc?... lit Ladorec intrigué.

— Parce qu'il est venu aujourd'hui même me con-
fier un poupard (un plan de vol) pour lequel il cher-
che des bommes, — et il m'a même dit de te propo-
ser l'affaire...

— Voyons toujours, dit Neveu.

— Voici ce que c'est : selon sa coutume, il est entré
en condition.

— Et chez qui donc?

— Oh! dans le grand!... Chez le baron de Shoën-
berg.

— Qu'est-ce que c'est que ça?

— Mon Dieu : tout simplement le secrétaire intime
de l'ambassadeur d'Autriche.

— Pas possible!... Et quel est le poupard?

— Vous allez voir combien c'est simple .. Lapineau,
qui est toujours muni des meilleures références, est
entré dans le service intime du baron de Shoénberg.
A peine avait-il revêtu sa livrée que son maître se lit
conduire par lui chez sa maîtresse qu'il cache à tous
les yeux dans un petit pavillon situé en haut des
Champs-Elysées...

— lit c'est là?...

— C'est là... Au bout de quelques jours, Lapineau
avait remarqué que son maître se faisait toujours ar-
rêter dans une rue écartée qui se trouve presque au
bout du faubourg Saint-Honoré, et lui disait de l'y
attendre. Cetto halte était plus ou moins longue, et
quelquefois se prolongeait pendant plusieurs heures.
Lapineau fut bientôt très-intrigué de cette façon de
procéder; et il voulut savoir où son maître se rendait...

• 11 fit donc signe à un gamin, un jour qu'il attendait à
sa place habituelle, et lui dit, en lui mettant une pièce
de vingt sous dans la main, de se trouver au même
endroit le lendemain à la même heure. Vous devi-
nez ce qui arriva. Le lendemain, le gamin suivit de
loin le baron de Shoénberg et le vit entrer dans le pa-
villon. Lapineau savait ce qu'il voulait savoir. Il vint
examiner à son tour dans la soirée la retraite de cette
maîtresse que le baron tenait tant à cacher, et il com-
bina aussitôt son projet, dès qu'il eut appris que cette
jeune femme, — que son maître entourait de toutes
les richesses du luxe, — habitait seule ce pavillon,
sans autres domestiques qu'une femme de chambre et
une vieille bonne...

— L'affaire ne me semble pas mauvaise à tenter,
dit Ladorec, et, si j'avais le temps, j'y donnerais un
coup d'œil, — mais nous avons autre chose à faire.

— Oui, dit l'Enquille,—mais cependant il dut que
je vous dise quelque chose encore...

— Quoi donc?

— En causant, par hasard, Lapineau est venu à par-
ler de son maître...

— Eh bien?...

— Eh bien ! le portrait qu'il m'en a fait ressemble
d'une manière frappante au signalement que vous ve-
nez de me donner de l'amant de Gabrielle...

— Dis-tu vrai?... s'écria Ladorec en se levant.

— Je ne garantis rien, répondit l'Enquille avec son
flegme habituel, — mais il m'a semblé...

— Ob', si ça pouvait être lui!...

— Pas d'illusions!... et surtout pas d'imprudence,
reprit l'Enquille... Afin de ne pas vous encourager ou-
tre mesure, il faut d'abord que je vous déclare ceci : il
n'y a pas d'enfant au pavillon des Champs-Elysées.

- Ladorec pâlit affreusement.

Il était visible que l'idée de la mort possible de son
fils venait de lui traverser l'esprit.
3 — Voyons, continua l'Enquille, sans montrer plus
d'émotion... Kien ne prouve que la maîtresse du ba-
ron de Shoénberg soit ta Gabrielle, — en admettant
même que le baron de Shoénberg soit l'homme que
nous cherchons : on change souvent d'amour dans ce
monde-là... Et il se peut fort bien que la dame en
question s'appelle bien comme elle le dit : Marguerite
Desehamps, et qu'elle ne connaisse pas plus la rue des
Templiers que moi...

— C'est ce que nous saurons dès demain!.-., dit La-
dorec.

VII

L'ENLEVEMENT

Ainsi que nous l'avons dit dans un précédent cha-
pitre, les terrains qui sont devenus aujourd'hui le
quartier dis Ternes et le côté neuf de Passy n'étaient,
à l'époque où se passe cette histoire, que des champs
incultes, rayés à peine de quelques chemins primitifs
et semés seulement d'un petit nombre de maisons.

Parmi les repaires où venaient de temps à autre
chercher un refuge ou tenir conseil les bandes de
bohémiens ou de malfaiteurs dont regorgeait alors la

(1) Toute reproduction est interdite.

capitale, il y en avait un qui portait pour enseigne :

au mahmouset.

Celle enseigne n'avait rien de remarquable pour Ie
gros du public qui, par « Marmouset, » entend sim-
plement un enfant espiègle et tapageur.

Mais pour les voleurs elle était très-significative.

Car, en argot, Marmouset veut dire pot-au-feu.

Les malfaiteurs savaient donc qu'ils pouvaient être
assurés de trouver là un restaurant où ils seraient en
sûreté, franc, pour parler leur langue.

C'est là que, le lendemain du jour où le père l'En-
quille leur avait mis dans la main un bout du fil d'A-
riane, Ladorec et Neveu entrèrent vers les onze heu-
res du matin.

Ladorec portait un paquet de bardes assez volumi-
neux au bout d'un bâton,—et Neveu une petite boite
carrée.

Neveu, qui semblait bien connaître la maison, coin-:
manda à déjeuner à la maîtresse du Marmouset et lui
demanda une chambre.

On le fit monter à l'unique étage du cabaret, — et
un peu après on les servit.

Quand ils furent assis devant la table assez confor-
tablement servie pour l'endroit, Ladorec, qui ne man-
geait presque pas, dit à Neveu :

— le ne sais pas, mais, s'il faut croire aux pres-
sentiments, j'ai idée qu'il va se passer de drôles de
choses.

— El il s'en passera en effet, dit Neveu, si l'En-
quille ne s'est pas trompé.

— Je serais bien surpris s'il n'avait pas eu le flair
cette fois-ci.

— Nous allons voir, mais dans tous les cas nous
serons fixés.

— Voici maintenant comment nous allons nous y
prendre...

— J'écoute...

— Tu te doutes bien à peu près de ce qu'il y a
dans ce paquet?

— Parbleu!... ce sont des déguisements?

— Oui... des costumes de saltimbanques.

— Ah !ah!

— Quand nous aurons déjeuné^nous en prendrons
chacun un, et nous irons donner une séance du côté
du pavillon de Marguerite Deschamps...

— Bien,—mais c'est que je ne sais pas grand
chose dans ce métier-là...

— Pour ce que tu auras à faire, dit Ladorec en
riont, tu en sauras toujours assez...

— Alors, bon, répondit Neveu.

— Ton rôle consistera à attrouper les passants au-
tour de moi par un boniment bien tourné...

— Ça, je m'en charge.

— Et, après la séance, à faire la quête dans le cer-
cle et sous les fenêtres du pavillon.

— Compris.

— Tu es sûr de reconnaître Gabrielle?

— Certainement.

— Alors, tout va bien, et je ne te demande pas au-
tre chose pour l'instant.

— Mais êtes-vous bien certain 'que si elle vous
voit, elle, elle ne vous reconnaîtra pas?...

— Je. délierais bien le diable de deviner que c'est
Ladorec qui se cache sous le costume que tu vas me
voir endosser tout à l'heure.

— Vous n'avez jamais rien laissé soupçonner de
votre passé à Gabrielle ?...

— Jamais... Je me suis donné à elle comme un
négociant de Mulhouse.

— A la bonne heure... Mais après notre représen-
tation?...

— Ce que nous ferons dépendra de ce que nous al-
lons voir... Si Marguerite Desehamps et Gabrielle ne
font qu'une seule et môme personne, nous pénétre-
rons ce soir dans le pavillon, — et nous verrons alors
ce que nous aurons à faire...

— Mais si ce n'est pas elle'.'...

— Oh ! si ce n'est pas elle... comme nous n'avons
pas besoiu de nous exposer pour des misères comme
un vol de cette espèce, je ferai répondre par l'Enquille
à Lapineau, quand il vieil Ira ce soir, que j'ai étudié
l'affaire, et. que je crois qu'il s'est trompé sur son
importance...

— Très-bien.

Lorsque le déjeuner fut fini, Ladorec se leva et prit
le paquet de bardes qui étaient enveloppées dans une
toilette de tailleur.

Neveu fut étonné de ne lui en voir sortir qu'un ta-
pis assez mince et un tambour.

Mais son étonnement cessa quand Ladorec lui mon-
tra que le tambour formait boite, et en tira deux cos-
tumes complets d'acrobate.

— Tiens, dit-il à Neveu en lui jetant une marotte
ornée do grelots, une veste jaune , une culotte rouge
et des bas verts... Voilà un costume de pitre qui t'ira
à merveille...

Neveu retira le paletot-sac et le pantalon dont il
était vêtu, — et il commença à s'habiller sans mot,
dire, mais en regardant, curieusement le déguisement
qu'allait prendre son maître.

Ladorec ne s'était pas trompé tout à l'lkjure en di-
sant qu'il saurait se rendre méconnaissable.

Il ôla sa carmagnole et endossa une longue robe
noire de magicien, parsemée île constellations, de
croissants et d'emblèmes cabalistiques.

Sur ses cheveux, qu'il avait très-courts, il appliqua
une perruque toute blanche, — et posa par-dessus un
long chapeau pointu, assez pareil à ceux que portent
les popes en Russie.

Il se mit ensufie une fausse barbe également blan-
che, et pa>sa sur ses sourcils une couche épaisse de
blanc d'Espagne.

Enfin, pour compléter ii mascarade, il chaussa son
nez de vastes lunettes rondes.

Personne, assurément n'aurait pu se douter que c'é-
tait la l'homme qui avait franchi un peu auparavant
la porte du Marmouset.

Quand il eut terminé sa toilette :

— Eli bien!... dit-il à Neveu qui le contemplait
stupéfait, — qu'est-ce que tu dis de ça?...

— Admirablel s'écria Neveu... la petite fille sera
bien line si elle reconnaît là-dessous son honnête né-
gociant de Mulhouse."1

— Je te l'avais dit, répondit Ladorec... Maintenant
ne perdons pas de temps, — réglons la dépense, — et
faisons un paquet de nos frusques... Nous dirons à
l'ogresse que nous viendrons les reprend e tantôt.

Ils descendirent..

La propriétaire du Marmouset les regarda sans trop
de surprise, — habituée qu'elle était à recevoir sou-
vent chez elle des artistes nomades qui y venaient se
costumer, — et elle serra leurs vêtements dans un
coin.

Après l'avoir payée, les deux complices sortirent du
cabaret.

Neveu tenait sous son bras gauche le tambour et le
tapis qu'il allait dérouler dans un instant sous les fe-
nêtres de Marguerite.

Sous son bras droit, avec la planchette peinte en
bleu de ciel et garnie de franges, qui sert aux esca-
moteurs en plein vent à poser leurs gobelets, il por-
tait le bâton qui peut s'ouvrir en forme d'X, et sur
lequel on assied ladite planchette.

Ladorec, lui, ne portait que la petite boite contenant
les jeux de cartes et les divers bibelots qui servent à la
magie blanche des rues, — gobelets, muscades, cor-
nets de carton doré, baguette magique, ele , etc.

En sortant du Marmouset, il se dirigèrent du côté
du pavillon de Marguerite Deschamps.

La distance qu'ils avaient à parcourir était assez
longue.

Mais ce n'était point sans dessein que Ladorec avait
choisi le cabaret du Marmouset pour point de départ.

Il en avait agi ainsi pour ne point paraître s'arrêter
sans motif dans un endroit aussi isolé que l'était ha-
bituellement le point qu'il avait pour objectif;

Et il ne s'était pas trompé dans son calcul.

En effet, il n'avait pas fait cinquante pas que déjà
une foule de gamins, — attirés par l'étrangeté de leurs
costumes et toujobrs avides de spectacles gratuits, —
suivait curieusement le magicien et son pitre.

Quand ils furent arrivés en face du pavillon, ils
s'arrêtèrent.

Neveu déploya le tapis sur lequel il campa la petite
table qui devait, servir à Ladorec pour exécuter ses
tours de prestidigitation.

Puis il se mit à battre la peau de son tambour avec
une sorte de rage.

Il possé hit, — comme beaucoup de gens du peu-
pic à cette époque, — une grande connaissance de
cet instrument primitif, mais plus difficile qu'on ne
le croit généralement, — et il exécuta une telle série
de batteries singulières que bientôt il se forma un
cercle épais de badauds autour des deux saltimban-
ques.

Quand il vit que le groupe amassé autour d'eux
était assez considérable, il déposa ses baguettes, jeta
son tambour auprès de la table d'escamotage et com-
mença le boniment que voici :

— Mesdames et messieurs, mon maître que vous
voyez ici (il désigna du doigt Ladorec et toucha son
bonnet de pitre en s'inclinant), l'illustre Flibustoto-
nos de Seringapatam, escamoteur de Sa Majesté l'em-
reur de tous les Brésils, n'est pas un de ces saltimban-
ques vulgaires qui viennent sur les places publiques
pour montrer à leurs concitoyens des anguilles dégui-
sées en serpents à sonnettes et vendre des fleurs du
Sahara [tour guérir les cors aux pieds et la phthisie
pulmonaire... Non, mesdames et messieurs, l'illustre
docteur Flibustotouos de Seringapatam, qui a eu l'hon-
neur de travailler devant le Grand-Turc et le sultan
de la Haute-Egypte, est tout simplement le premier
prestidigitateur du monde... Il a fait pendant trois
ans les délices de la cour de Russie et a été décoré du
giand aigle blanc par l'impératrice de ce pays, qui
pensa même un moment à lui offrir la moitié de son
trône et. sa main, — que mon maître eut la modestie
de refuser.:.

Un frémissement d'admiration, causé sans doute
par cet acte d'humilité vraiment extraordinaire de
l'illustre docteur, parcourut l'auditoire.

Neveu continua :

— Oui, mesdames et mess eurs, mon maître, tel
que vous le voyez, vous escamote un boulet de canon
sans que vous y voyiez autre chose que du feu, —
c'est comme j'ai l'honneur de vous le dire... Vous
pouvez lui confier vos bagues, — vos montres, — vos
épingles de cravates, —en un mot vos objets les plus
précieux, il vous les fera disparaître en moins de
temps qu'il n'en faut pour dire : Deux! Mais ne crai-
gnez rien, mesdames et messieurs,nous rendons pres-
que toujours ce que nous escamotons,— car nous cir-
culons avec la permission des autorités...Ouvrez donc
les yeux et les oreilles, mesdames et messieurs, car
cette belle représentation de magie naturelle va com-
mencer...

En achevant ces paroles, Neveu jeta un coup d'œil
rapide sur les fenêtres du pavillon, où une tomme
d'une trentaine d'années, attirée par le bruit, venait
d'apparaître.

Il se rapprocha de Ladorec, et lui dit :

— Voici déjà la femme de chambre,—dans un mo-
ment le reste viendra à son tour.

Nous avons raconté plus haut que Ladorec avait
reçu, au temps de sa jeunei'Se, une éducation qui
passait dans la banque pour encyclopédique,—et que
naturellement la prestidigitation y tenait une large
place.

11 se mit donc à l'œuvre, — et il prouva bientôt au
public qui l'entourait que les étbges que Neveu avait
donnés à ses talents n'avaient rien d'exagéré.

Il demanda à emprunter une bague et un mou-
choir.

La bague était une bague de cornaline, — le mou-
choir, un mouchoir de batiste.

11 prit un petit marteau, et se mit à briser la bague
en mille morceaux.

Puis, il d'ciiira le mouchoir en deux, — eu brûla
une moitié dont il mit les cendres sous un do ses cor-
nets en carton doré, — et chargea un pistolet avec
l'autre moitié et les fragments de la bague.

Il tira ensuite avec ie pistolet ainsi chargé sur le
cornet qui se renversa et laissa voir quelque chose
d'assez volumineux, noué dans un petit mouchoir de
batiste, et qui remuait.

Ladorec dénoua Je mouchoir, que sa propriétaire
reconnut aussitôt pour être le sien, — et il en sortit

une colombe qui portait la bague de cornaline atta
chée à l'une de ses pattes par une faveur rose.

Les applaudissements éclatèrent, — et Neveu, qui
observait toujours les fenêtres du pavillon, s'écria :

— Admirable!... mais vous n'avez encore rien vu !
Ladorec comprit le sens caché de ces paroles, et

passa à un autre tour.

Il prit cette fois un verre de cristal à patte et le mit
sur la table.

Puis il tira de sa boite à instruments trois cornets
de carton qu'il posa aussi sur la table, à égale dis-
tance les uns des autres.

Puis enfin une petite bouteille.

La bouteille était pleine d'eau.

Ladorec en vida le contenu dans le verre de cristal
qu'il remplit exactement jusqu'aux bords.

Puis, laissant la bouteille en évidence sur le devant
de la table, il plaça ostensiblement le verre plein d'eau
sous le cornet du milieu.

— Ouvrez bien les yeux, s'écria Neveu, et ne laissez
pas filer le verre sans crier gare!

Les spectateurs écarquillaicnt les paupières.
& Ladorec tenait la baguette magique dont il frappa le
cornet du milieu.

Il releva alors ce cornet.

Le verre avait disparu.

— Devinez où il est!... dit-il.

— A droite!... cria un badaud.
Ladorec leva le cornet de droite.
Le verre n'y était pas.

— A gauche alors!... cria un autre.
Ladorec leva le cornet de gauche.
Le verre n'y était pas davantage.

Horace CHERPIN.

{La suite au prochain numéro.)

LA VOYANTE

PREMIÈRE PARTIE

I '

C'était au lendemain de la révolution de
juillet 1830. — Le peuple de Paris venait de
renverser une dynastie, de remplacer les fleurs
de lis par le coq gaulois, et de meltre les d'Or-
léans sur le trône des Rourbons.

Ni la grande ville, ni la France n'étaient
encore revenues du trouble, de l'émotion, de
la fièvre qui suivent fatalement de telles com-
motions. — Tous les regards se tournaient
vers l'avenir, tous les esprits se demandaient
si le trône nouveau reposait sur des bases
plus solides que ce trône antique, qui semblait
inébranlable, et qui cependant venait de s'é-
crouler en trois jours.

A cette époque, ni la Gazette des Tribunaux,
ni le Droit, ni aucun des autres journaux
judiciaires, — si nombreux aujourd'hui, —
n'existaient.

C'est à peine si les feuilles politiques, peu
nombreuses et de dimensions exiguës, consa-
craient un bulletin de quelques lignes aux
séances de la cour d'assises, lorsqu'une affaire
de haute importance préoccupait vivement
l'attention publique.

Or, pendant les premiers mois qui suivirent
immédiatement la révolution, l'attention pu-
blique était ailleurs. — Les procès politiques
seuis jouissaient du privilège de la passionner.

Ceci doit expliquer h nos lecteurs comment
le drame judiciaire sur lequel repose la pre-
mière partie de notre œuvre passa presque
complètement inaperçu, malgré les circon-
stances étranges el mystérieuses qui l'envelop-
paient, et comment, il serait difficile d'en re-
trouver la trace dans les journaux de l'époque
où il s'accomplit.

Des recherches heureuses opérées au sein
des archives de la préfecture de police nous
ont mis sur la trace de ce drame. — II nous a
paru curieux et émouvant au plus haut point.
— Nous avons fait des efforts couronnés de
succès pour en connaître tous les détails et
toutes les conséquences, et c'est lui que nous
allons raconter, eu prenant seulement le soin
de changer les noms de ses acteurs principaux,
car plusieurs des personnages de noire récit
sont encore vivants aujourd'hui.

En ÎS.'IO,—comme de nos jours,—le Marais
était le quartier le plus calme el le moins po-
puleux de Paris, et la rue du Pas-de-la-Mule
pouvait passer à bon droit pour une des rues
les plus silencieuses et les moins fréquentées
de ce quartier morne et quasi désert, jadis
aristocratique et brillant entre tous. — Sic
transit gloriu mundif...

Au point central, a peu près, de la rue dont
nous venons d'écrire le nom, existait en 1S30
une maison très-ancienne, démolie depuis,
ainsi que ses voisines, pour céder la place à
des constructions industrielles.

Celte maison, d'un aspect misérable, quoi-
que sa façade fût en pierres de taille noircies
par le lemps, était haute seulement de deux
étages cl n'offrait qu'une médiocre profon-
deur.

Au rez-de-chaussée se voyaient deux fenê-
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