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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 6.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6811#0086
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LE GRELOT

LA SEMAINE

Chers lecteurs,
« J'ai l'honneur de vous faire part de la
mort, après une douloureuse, agonie, de no-
tre infortuné confrère le Journal de Paris, dé-
cédé dans son domicile de la rue Coq-Héron.

« Bequiescat in face. »
Oui, chers lecteurs, M. Éd. Hervé, dans
une lettre au demeurant très-digne, annonce
à ses rares abonnés qu'en présence des faits
accomplis et de la ruine de ses plus chères es-
pérances, il renonce au bonheur sans profit
de chanter les louanges de l'orléanisme aux
abois.

Nous prenons note de l'aveu.

Mais nous croyons que les convictions poli-
tiques de notre honorable confrère sont for-
tement doublées d'un refus formel des bâil-
leurs de fonds de continuer leurs avances.

11 est certain qu>, si prince qu'on soit, on
n'aime pas à faire un métier de dupes, et le
prix de l'argent est trop connu dans la famille
d'Orléans pour qu'on jette en pure perte à des
lecteurs disséminés le plus clair de ses mor-
ceaux.

Mais ce n'est pas tout!

Après le Journal de Paris, voilà l'Impartial
du Loiret qui rend l'âme !

L'organe officiel de l'évêque d'Orléans se
retire de Ja lutte jusqu'au jour, dit-il, où la
royauté légitime reprendra dans le pays la place
qui lui est due.

En ce cas, nous pouvons être tranquilles I

L'Impartial du Loiret a le temps de remet-
tre à neuf «on impartialité.

*

* *

Maintenant que le mouvement est donné
dans les feuilles monarchistes, nous avons
tout lieu de croire qu'il ne s'arrêtera pas là.

Nous sommes appelés à lire dans peu de
jours les lignes suivantes dans la Moutarde de
Dijon :

« Chers abonnés,

« C'est avec la plus profonde douleur que,
vu l'élévation constant* du prix du beurre,
nous nous voyons dans la cruelle nécessité
d'interrompre notre intéressante publication.

« Le jour où il aura diminué, c'est-à-dire
à l'enterrement si désirable de cette odieuse
République, nous reprendrons la plume, que
convaincus que nous n'aurons perdu aucun
de nos lecteurs pendant cette période de si-
lence et rie recueillement.

« Ce jour-là, nous vous en répondons, la
Moutarde d« Dijon aura repris toutes ses qua-
lités et montera de plus belle au nez de ses
rédacteurs. »

P. S. A propos!... h l'exemple du Journal
de Paris, nous vous servirons, jusqu'à l'expi-
ration de votre abonnement, YËstafelte, le nou-
veau journal de M. de Villemessant, cuisiné
en chef par le jeune Ernest Daudet.

Veinard, va!

* *

Huit jours après, ce sera le tour du Saucis-
son d'Arles, qui, d'une voix éplorée, débitera
la rondelle suivante à son unique abonné :

a Monsieur et unique abonné,

« Le prix exagéré qu'a atteint le compa-
gnon de saint Antoine, à la dernière foire aux
jambons, ne nous permet plus de vous servir
la petite charcuterie variée que vous dégus-
tiez tous les matins.

En 1880, il faut espérer que cette abomi-
nable République sera dans le sac et que nous
pourrons reprendre notre petit commerce
sans y mettre du nôtre.

Courage et persévérance !...

Vive le roi î

P. S. 11 va sans dire qu'imitant l'exemple
si noble et si touchant de notre confrère le
Journal de Paris, nous vous servirons jusqu'à
l'expiration de votre abonnement l'Estafette,
le nouveau et intéressant journal de M. de
Villemessant, publié sous les auspices du
jeune et vaillant Ernest Daudet.

Avfjz-vous de la chance, hein?

Allons, ça va bien!... ça va bien !...

Il n'est pas jusqu'au désespoir résigné des
bonapartistes qui ne soit réjouissant à con-
stater. / i.

Ces pauvres braves gens ont beau, à chaque
nouvelle élection, tendre leur sébille au coin
de touies les circonscriptions électorales, —
passez, passez, répond l'électeur... on ne
peut rien vous fsire.

Le farouche Vitu lui-même semble con-
sterné.

— Comparativement aux élections du 20 fé-
vrier, s'écrie-t-il avec douleur, on remarque
peu de changements; mais, comme il fallait s'y
atttndre, ils ne sont pas précisément à l'avan-
tage du parti de l'ordre. »

Pauvre parti de l'ordre !... en boit-il de ces
calices ! ça fait peine quand on y pense.

Heureusement le désolé Vitu a sa petite
licbe de consolation.

11 s'offre à lui-même un bon petit verre de
tisane en insinuant que si des candidats con-
servateurs, légitimistes ou bonapartistes, ont
eu l'honneur de tenir tile aux radicaux et de
leur opposer des minorités respectables, la
même fortune n'est pas échue aux amis politiques
du cabinet du 9 mars.

Là-dessus éreintement en sol majeur de
M. Ricard et du centre gauche.

Que voulez-vous? faute de grives on mange
des merles.

Allons, ça va bien !.. ça va bien 1...

*

* *

Ouverture de Pexposilion de peinture et de
sculpture !

Peu de monde, beaucoup de pluie.

Quelques belles choses.

Enormément de talent dans l'ensemble.

Le grand succès est pour mademoiselle
Sarah-Bernhardt.

Deux portraits d'elle, par MM. Clairin et
mademoiselle Abbéma ont ce privilège
d'adirer les bons badauds,
_ Quant au groupe en plâtre sculpté par le
vigoureux ébauchoir de la jeune sociétaire
du Théâtre Français, c'est tout simplement
épatant.

C'est de la sculpture très-vivante et très-
puissante :

Le jour où mademoiselle Sar^h-Bernhardt
voudra, je lui confierai mon profit.

* *
*

Quelqu'un qui n'est pas content, par
exemple, c'est Jeanne d'Arc f Tomber de
Frémiet en Mermet et de Mermet en Moncha-
blon !...

Bigre, c'est dur !...

NICOLAS FLAMMÈCHE.

Heures de Prison

En vérité, c'est admirable !
Vous vous imaginez qu'il faisait des chaus-
sons de lisière.
Ou qu'il évidait des sabots,
Ou qu'il tournait des œufs à chapelet,
Ou qu'il faisait en fait quelque travail utile !
Point!

Vous erriez !
Prenez les journaux!
Vons y lisez que :

« M. Clément Duvernois occupe les loisirs
de sa prison à composer un grand ouvrage
historique qui paraîtra aussitôt après sa mise
en liberté. »

Ali! la belle affaire!

Voilà à quoi s'occupent les prisonniers!

Et dire qu'on a reformé le régime péniten-
tiaire sous la dernière législature!

Parole d'honneurl on croit rêver !

Remarquez bien qu'il ne s'agit pas ici d'un
détenu politique,

Ou d'un journaliste condamné pour un ar-
ticle un peu trop vif.

L'homme dont il s'agit a passé devant les
tribunaux, qui l'ont envoyé là où il est pour
escroquerie caractérisée;

Mais je doute que* les journaux l'y aient en-
voyé pour la besogne qu'il y fait.

Décidément, le gouvernement est impaya-
ble en France.

Je demandais autrefois à cette même place
si, quand un homme avait coupé son père en
morceaux, on lui donnait un piano pouir char-
mer ses heuresfde loisir.

Mais je vois aujourd'hui que j'avais tort de
prendre un air ironique en faisant cette qnes-
tion.

On ne donne pas encore des pianos aux as-
sassins, — mais, du train dont on y va, on y
viendra.

M. Duvernois, écrivant des ouvrages li'sto-
riques dans sa prison, en est une preuve.

Mon Dieu, je ne vois pas la nécessité de
mettre les prisonniers à la toiture,

Mais il est néanmoins permis, quand on a
vu de pauvres diables envoyés à la Nouvelle-
Calédonie pour avoir porté pendant quelques
jours un fusil qu'on les avait forcés de pren-
dre,

De trouver étrange qu'on laisse les anciens
escrocs de l^empire se livrer à la littérature;

Et je sais bien des étrangers qui tombe-
raient à la renverse si, à cette question :

— Que font les malfaiteurs dans les prisons
de France ?

On leur répondait :

— Ils écrivent l'histoire !

ZED.

FEUILLES AU VENT

L'amnistie est toujours la grande question
du moment,

Et, comme le rouge pour les taureaux, elle
a le privilège de mettre en fureur lus réac-
tionnaires de tout poil.

L'agence Havas (cacata charta, comme dit
Catulle), qui a tenu la cuvette aux divers gou-
vernements qui se sont succédé on France de-
puis un demi-siècle, et qui ont tous fini par
rendre l'âme , s'ils n'ont pas rendu leurs
comptes,

L'agence Havas, dis-je, se tait remarquer
entre tous par la noirceur de sa bile.

L'amnistie l'exaspère,

Lui donne des convulsions, des coliques
de miserere,

Et lui fait se tordre la bouche comme'a
Marseillaise de Rude, — mais pour de moins
honorables motifs.

L'agence Havas n'est pas seule, du reste, à
se signaler.

Le Temps, journal qui aspire à se faire pas-
ser pour républicain, — mais nui, ayant
chaussé les souliers du comte de Paris, boite
un peu dans la carrière,

Le Temps attire aussi les regards sur les tré-
teaux où il parade aujourd'hui avec autant de
grâce que sous l'empire,
i Pour lui, l'amnistie est une absurdité;

Les radicaux, qui poursuivent cette mesure
nécessaire de réconciliation, sont des imbé-
ciles,

Et la Chambre, de même que le gouverne-
ment, aurait tort de prendre la chose autre-
ment que comme le ridicule d'esprits bizar-
res et bistournés.

*

* *

L'attitude de ces journaux pseudo-républi-
cains, qui n'ont d'injures que pour la Répu-
blique, et qui n'effeuillent jamais de fleurs
que sur le» malheurs monarchiques,— est as-
sez ridicule elle-même, et devrait leur inspi-
rer un peu plus de modestie ;

Car s'il y a quelque chose de comique,

C'est de voir afficher des airs de liberté et
d'indépendance à des gens qui vont recevoir
leur mot d'ordre en même temps que leurs
appointements, et qui n'ont l'ordre d'affecter
des allures républicaines que pour dégoûter
de la République.

Gens honnêtes, honnêtes gens, vertueux,
tranquilles, modérés, dont le premier mo-
dèle est ce Sénèque, qui, par amour de l'é-
quité et de la philosophie, préparait le meur-
tre de Britannicus et justifiait celui d'Agrip-
pine, et qui, tout en écrivant un traité sur le
mépris des richesses, se faisait, donner par
l'innocent Néron des biens évalués à plus de
trente millions !

Rien de plus nuisible dans un État que ces
personnages louches et ambiguës, moitié
chair, moitié poisson, prêts à flatter toutes les
faiblesses, à excuser toutes les bassesses, et
qui, dédaignant toutes les considérations d'hu-
manité et de grandeur, n'ont d'autre règle de
conduite que leur propre intérêt.

Rien de plus dangereux, non plus!

Les gouvernements, sans cesse caressés,
s'imaginent bientôt que tout leur est permis ,

Et qu'ils doivent mener l'opinion au lieu de
la diriger.

Ce n'est point ainsi qu'il en va dans les pays
libres.

Quand l'opinion veut quelque chose en An-
gleterre, la presse est là pour le dire,

Er, le ministère pour obéir.

Aussi, là, point de révolutions!

Chez nous, c'est tout le contraire,

Et dès que la majorité d-;s Français ex-
prime une volonté, le gouvernement inter-
vient, comme ces médecins de Molière qui
disaient à M. de Pourceaugnac :

« Nous sommes médecins qui voyons clair
dans votre constitution, et qui savons mieux
que vous comment vous vous portez. »

Or, c'est là une grave erreur,

Et qui fait faire bien des sottises !

*

* *

Les gouvernements, ne France, ont le tort
de croire beaucoup trop à [la presse qui les
flatte,

Et pas assez à la presse qui les avertit.

C'est pour cela que les révolutions les sur-
prennent toujours à l'improviste.

Quand un journal bien en cour a dit :

« Ne craignez ricul... Nous répondons de
iout!... Soyez tranquilles, mais sévères, et ne
vous inquiétez pas des môeontents. »

Les gouvernements s'imaginent volontiers
que tout est dit, et'qu'ils n'ont qu'à dormir
sur les deux oreilles.

Aussi faut-il féliciter le ministère actuel de
n'avoir point cédé aux conseils de quelques-
uns de ces journaux mercenaires qui l'enga-
geaient à voter le pétitionnemeut en faveur de
l'amnist;e.

Car de deux choses l'une :

Ou la majorité veut l'amnistie, — et alors
qu'y peut le gouvernement?

Ou la majorité n'en veut pas, — et qu'im-
porte alors que l'impuissance des partisans
de l'amnistie soit constatée?

La fureur des anciens partis contre tout ce
qui est républicain ou qui y ressemble, n 'a
rien que de naturel.

Malgré tous leurs efforts, ils se sentent per-
dus.

U dernière élection du Midi, dans un dé"
parfument dont ils se croyaient sûrs à jamais'
a fait voir aux bonapartistes où ils en étaient,

Et L«ur a prouvé que Napoléon IV n'était
pas bien loin de faire ses trois tours.

Voici, d'autre part, l'orléanisme qui renâ-
cle dans la personne de M. Hervé, du Journal
de Paris,

Et qui déclare, en se tordant les mains, que
d'ici quatre ans, au moins, il n'y a rien à
frire.

*

* *

D'un autre côté, en outre, le moral se re-
lève.

Les gens de Dijon ne sont point contents
qu'on leur ait jeté bas leur statue,

Et veulent que le gouvernement leur eD
donne une antre à la place,—

Ce qui n'est nue iu'aice;

Les gens de Marseille, comme ceux de Pa-
ris, trouvent aussi que l'amnistie est tout à
fait incapable d'amener autre chose que la ré-
conciliation des esprits;—

Et il n'y a qu'à voir écumer le parti clérical,
chaque fois qu'il a occasion de donner en pu-
blic une pelite représentation, pour com-
prendre que les affaires de la République vont
moins mal que ne le désireraient ses enne-
mis.

Confiance, confiance! comme criait Girar-
din autrefois; —

Mais au moins, celte fois-ci, nous sommes
sûrs de n'être pas à la veille d'un 2 dé-
cembre.

*

« *

■ C'était dans une église de village.

Il s'agissait d'un baptême,

Et le parrain commençait à pester contre
le curé qui ne venait pas, quand & la fin ce
bonhomme arrive, sortant d'uu dîner où ij
traitait quelques confrères, et, par suite, lé'
gèrement ému...

Si ému même que, ne se rappelant plus
très-bien les formules du baptême, il s'y re-
prit à plusieurs fois.

Il en vint à bout, cependant,

Et regardant ensuite le nouveau-né qu'il
fivait eu tant de peine à faire chrétien, il lui
frappa du doigt sur la joue :

— Voilà un enfant bien difficile à baptiser,
dit-il en se parlant à lui-môme. >

*

* *

On disait à un jeune homme fort turbu-
lent :

— Pourquoi donc ne mettez-vous jamais de

ganta?-,---

= Ma foi, dit-il, je ne tiens pas dans m1
peau,—comment voudri^z-vous que je tienn'
dans celle d'un autre?

Bautru, qui était un des personnages Ies
plus fins et les plus spirituels de la vieil'*5
cour, n'était pas exempt cependant « du mal"
heur dont on ne plaint personne, » comme d|'
Molière, — c'est-à-dire que sa femme passai''
pour le tromper.

Or, un jour qu'il entrait chez la reine, Ro'
quelaure, qui se trouvait dans l'anti-chambre
avec quelques filles d'honneur, et qui, a°
point de vue de la fidélité des femmes, n'a'
vaif riau à lui reprocher, s'avisa de lui faire
des cornes.

Bautru ne dit rien,

Mais il prit un air fâché en entrant chez 1*
reine, de façon à s'en faire remarquer,
Il y réus-.it,

Et la reine lai demanda ce qu'il avait.

— Il y a, madame, répondit Bautru grave'
menl, qu'en passant dans votre anti-chambre»
j'y ai vu M. de Roque'aure qui montrait à vo*
filles tout ce qu'il porte.

A ces mots, la reine entra dans une viû'
lente colère.

Elle fit manderRoquelaure.

Et le railleur eut toutes les peines du
monde à lui expliquer la vérité sur les paro'
les de Bautru.

On a beaucoup médit jadis des paysans nor'
mands,
Mais non sans cauv,

Et ceux d'aujourd'hui ne semblent pas avof
dégénéré de leurs aïeux.
. Il y a quelques années, un de ces rustique*
entrait à Caen dans le cabinet d'un avocat àe
nos amis, pour lui demander une consulta
tation sur un procès qu'il voulait faire.

Notre ami lui dit que sa cause était bonne;
qu'il gagnerait, qu'il pouvait, par conséquent»
intenter l'affaire.

Quand la consultation fut finie, le paysa"
lui remit deux pièces de cinq francs;

Puis, le regardant d'un air fin :

— Monsieur l'avocat, dit-il,—mainlenauî
que vous êtes payé, dites-moi sincèrementsl
vour-: trouvez encore mon affaire bonne.

BRIDAINE.

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