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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 6.1876

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LA SEMAINE

Je me disais dernièrement, en voyant tom-
ber la pluie mélancolique et froide :

—Mon Dieu, quel temps assommant !... et
qui donc pourrait me faire rire un peu?

J'avais beau me remémorer les tartines les
plus grotesques de l'Uniwrs, les articles de
mon confrère X... (ne le nommons pas, il se-
rait trop content), le dernier vaudeville de
mon confrère Y... (ne le nommons toujours
pas), et les télégrammes plus que codasses du
maestro Offenbach, le rire ne me venait pas !
« Non!

La pluie tombait, tombait!

El la plus noire tristesse m'envahissait
comme une marée montante.

— Si encore, muriaurais-jc d'une voix do-
lente, j'avais sous la main quelque bon dis-
cours de mon vieil ami Gavardiel

0 miracle ! \A Q

Je n'eus pas p'ulôt prononcé ces paroles
que la femme de ménage qui préside à la
cuisson de mes côtelettes et au cirage de uns
.lotte* entra dans mon cabinet en me tendant
un journal du malin.

JVn fis nonchalamment sauter la ban [g,
sans trop fonder d'espérances sur son con-
tenu pour m'égayeu-, lorsque je poussai un cri
de joie.

Le compte rendu du Sénat m'apportait un
discours de Gavardie!

Vous entendez bien?

De Gavardie !

De Gavardie lui-même!

Du seul, du vrai, de l'unique, du mirobo-
lant Gavardie !

Gâvardie avait parié 1

Enfin !

Sauvé, mon Dieu !... sauvé 1

D'un œil fiévreux, je dévorai plutôt que je
ne lus cette fantastique élucubration, et j'a-
voue en toute sincérité que si mes côtes tien-
nent encore, c'est que je dois les avoir reliées
à l'épine dorsale par le-plus rigoureux des lils
de fer.

* . v

* *

Le Sénat discutait la loi voté* par la Cham-
bre, portant ouverture d'un crédit de cent
vingt-cinq mille francs destiné à l'envoi (l'on- .
vriers, d'agriculteurs et. d'instituteurs a l'Ex-
position de Philadelphie.

Vous comprenez qtte le brillant orateur lie
pouvait laisser passer sans en profiter une
aussi belle occasion ê.e montrer son talent.

Gavardie. avec la légèreté d'un ehat, a dune
es alad'é les marches de la tribune et s'est li-
vré à un débordement d'éloquence qui a pro-
duit sur les honorables sénateurs un de Ces
iffets d'hilarité foudroyante dont on ne re-
vient que bien difficilement.

* *

Vous permettez, ehers lecteurs, que je vous
tassé un léger extrait de cette remarquable

harangue, n'est-ce pas?

« Je demande pardon au Sénat, s'est écrié
l'illustre orateur, de paraître $L s^uyenL de-
vant llîi {maù pourquoi a~onc, cher monsieur?
pourquoi donc ? Vous êtes tfbp modeste, vrai-
ment!), mais j'ai des observations très-sérieu-
ses à présenter. Je viens n'Apposer de la fa-
çon la plus éneigique à l'adoption de la loi
proposée. Nous avons assez de charges, l'éco-
nomie est trop nécessaire pour que nous dé-
pensions inutilement!25,000 Francs". Je m'é-
tonne que l'école économique républicaine,
qui avait toujours vouiu étouffer l'État, veuille
toujours, depuis quelque temps, le faire in-
tervenir dans fout.C'est la première fois qu'on
demande à l'État d'envoyer à ses frais des ou-
vriers, des agriculteurs et des instituteurs à
une exposition étrangère. Que l'initiative pri-
vée fasse les frais que l'on demande à l'État
de faire. Les chambres syndicales, les asso-
ciations privées ont des ressources suffisan-
tes. »

*

* *

Là!...

Je vous passe les hors-d'œuvre dont le plus
joyeux des sénateurs a assaisonné son petit
discours.

Vous croyez peut-être que c'est fini?
Ah bien, oui !...

On voit que vous ne connaissez pas mon
Gavardie.

Gavardie, après avoir suffisamment tombé
nos ouvriers, nos agriculteurs et nos institu-
teurs frauçais, s'est mis à démolir l'Améri-
que.

11 s'est écrié, avec une de ces magnifiques
voix de basse chantante que je souhaiterais à
M. Halanzier, que l'instruction des États-Unis
aboutissait à ce résultat détestable d'abaisser
le nieeau moral au point de vue df ta probité.

(Attrape, père Jonathan!)

Ét ce n'est pas tout!

Won content d'abimer les hommes, voilà
que ce farceur de Gavardie s'en.prend à ces
charmantes Américaines que vous savez.

Il affirme que l'instruction pratique qu'on

donne aux Etats-Unis à la plus belle moitié
du genre humain, n'a pour but que de rendre
ces dames incapables d'autre chose que.de lire.

Gavardie, mon ami, je vous trouve sévère!

Il me semble que la famille ne chôme pas
dans le nouveau monde, que les damescom-
prennent leurs devoirs conjugaux aussi bien
que partout ailleurs et que la lecture ne prend
pas tout leur temps.

Mais ce Gavardie est impitoyable!

Après cette belle péroraison, l'illustre ora-
teur a avalé son verre d'eau sucrée, sera
suivi par les applaudissements des trois amis
qui ont voté pour lui.

*

Ce qu'on a ri, là-bas !...

Ah c'est égal, l'honorable orateur nous a
fait passer un moment bien agréable!

I t si vous avez une prière à lui adresser,
c'est de ne pas se montrer aussi avare désor-
mais des trésors de sa rhétorique.

C'est si drôle et ça tient si peu de place!...

NICOLAS FLAMMÈCHE.

Un Monument utile

Le gouvernement s'en occupe,—
. . Parce que, pour ces sortes de besogne, il
trouve toujours du temps; —

Oii va soumettre bientôt la question à la
Chambre,

Et il est probable qu'un de ces matins, on
verra les maçons gâcher du mortier dans la
rue de Rivoli.

C'est de la reconstruction des Tuileries que
je veux parler, —on l'a deviné.

Oui,

11 paraît que le besoin s'en faisait générale-
ment sentir ;

Ceîa^manquait au bonheur de M. Dufaur^,

Et c'est sans doute l'absence de ce monu-
ment peu artistique, — mais de bon rapport
p sur beaucoup de gens quand il est habité,—
qui a activé la maladie de M. Ricard.

On se disait au,si dans Paris depuis long-
temps :

« Mîîis qu'est-ce qu'il y a donc qui nous
manque?

» Notre bonheur n'est pas Complet!

» Il y a quelque chose, — nous ne savons
pas quoi, —qui nous fait défaut ! »

Personne ne pouvait deviner de quoi il s'a-
gissait,

Mais on se sentait mal à l'aise,

On av.iit des inquiétudes dans le dos,

Et des fourmis dans les jambes.

Aujourd'hui, tout s'explique!

Oa sait ce que c'est.

L'administration, toujours paternelle,bien-
veillante et pleine de sollicitude, a mis le
doigt sur le mal :

Ce sont les Tuileries qui manquent à Paris.

11 est de fait qu'il n'y a rien de plus utile
pour le moment que de refaire Je nid de la
séquelle bonaparti: te.

C'e^t une besogne de première nécessité
que de relever les murs qui ont vu tant de
scènes édifiantes et tant de vertueux person-
nages.

Nous avons, du reste, de l'argent à ne pas
savoir qu'en l'aire ;

Comme tous nos désastres sont réparés, —
toutes nos pertes couvertes, — nos villes re-
bâties et nos coffres pleins de nouveau, il saute
aux yeux que les contribuables donneront
pour la reconstruction de ce nid des Badin-
guet tous les millions nécessaires;

Et, pour moi, je ne doute même pas que si
on ouvrait à cet effet une souscription publi-
que, elle ne donnât tellement que le ministre
des tiavaux publics serait obligé de dire :

— Là, là, c'est trop ! mes amis ! c'est trop 1

Zed.

----- i » ii m» i i m---

FEUILLES AU VENT

Vendredi, 9 juin. — Je disais aussi :
« Décidément, il n'y a pas de justice I
» On a guillotiné Papavoine, parce qu'il

avait tué deux enfants dans le boisdeVin-

cennes,

» Et Eadinguet et ses amis, qui ont tué le
petit Boursier au carrefour ïiquetonne, meu-
rent et mourront tous dans leur lit, adminis-
trés des sacrements de notre sainte mère l'é-
glise.

» Voilà deux poids et deux mesures,
» Ou je ne m'y connais pas ! »

* ■
* *

Il était, en effet, assez désopilant de voir
les hommes de la Commune condamnés à
mort et fusillés péremptoirement à Satory.

Tandis que, pendant dix-huit ans, le sacri-
pant qui avait tué, non pas soixante-douze
ôtages dans un coin de la Roquette ou de la
rue Haxo, mais trois mille hommes en plein

boulevart Montmartre, se vit attribuer par
l'indignation publique une liste civile de
trente-cinq millions.

Cela criait vengeance,

Et M. Marcou l'a compris :

Une demande de poursuites contre les che-
napans du 2 décembre vient d'être déposée
à la Chambre.

*

Mon Dieu ! je sais bien ce que vous allez me
dire!
Vous allez dire :

« Ce M. Marcou est un joli naïf s'il s'ima-
gine que la Chambre va s'occuper sérieuse-
ment de sa proposition!

» C'est absolument comme s'il s'avisait de
proposer un impôt sur le capital !...

>i Ah! si l'Assemblée était composée des
prolétaires dont on afusillé le père oule frère,
ou qui ont été eux-mêmes travailler à i'assai-
nissement des marais de Cayenne, à la bonne
heure !

» 11 y aurait des chances pour que la pro-
position de M. Marcou fut employée à autre
chose qu'à faire des cocottes; —

» M.iis comme elle est composée de tout
autre chose que de prolétaires,— et qu'elle
compte, au contraire, dans son sein une
foule de gens chamarrés de millions auxquels
l'empire n'a pas nui,

» Il est évident que ladite proposition sera
renvoyée au même dépotoire que l'amnistie.

» Combien, parmi les députés de la Répu-
blique, y a-t'-il d'anciens complices, — par-
don, d'anciens obliqés de l'empire!

» L'éuuméra ion en serait trop longue !

» Il y en a bien peu qui n'aient les mains
encore jaunes de celte boue dorée.

» M. Marcou sera traité de fossile, d'Étrus-
que, de perruque, de mâchoire, de mastodonte,
— et on iui demandera s'il ne veut pas faire
aussi leurs procès aux descendants de Caïn.

» S'il insiste, il se peut qu'on nomme une
commission de Médecins pour examiner son
état mental 1 »



* *

Parbleu !

Je n'en doute pas I

Mais encore, et malgré tout, fallait-il que
la proposition se fît !...

Sinon pour en obtenir des résultats, — du
moins pour l'honneur, et pour qu'on ne pût
pas dire que pas un homme en France n'avait
protesté contre ces infamies, parce qu'elles
avaient des cheveux blancs !

*

0 «

Samedi, 40 juin. — Je ferais seulement à
M. Marcou un petit reproche :

Il n'a dénoncé que le procès criminel;

Il y a aussi à Lire à l'empire un procès
civil.

« Ce n'est pas tout d'être civil avec les gens,
monsieur Fleurant, disait le Malade imagi-
naire à son apothicaire; il faut être aussi rai-
sonnable, et ne pas écorcher les pauvres ma-
lades. »

Et nous pouvons dire, nous aussi, à l'em-
pire :

« Ce n'est pas tout de fusiller les gens et de
demander pendant dix ans seize ou dix-huit
cent millions de budget, il faut aussi qu'on
puisse examiner vos poches. »

*

* *

Qu'on veuille bien faire attention à ceci :
Pendant les dix dernières années de l'em-
pire, l'armée et la marine ont été inscrites au
bu-iget comme étant entretenues sur le pied
de - lierre ;

C'est-à-dire que nous avons payé pour elles,
pendant tout ce temps, quelque ctose comme
six à sept cents millions par an;

Mais, dans ces conditions, l'armée devait
compter environ 4GO,000 hommes sous les
armes.

Or, qu'est-il arrivé?

C'est que, lorsque !a guerre avec la Puis e
a été déclarée, on s'est aperçu que nous
avions tout juste un effectif de 280,000 hom-
mes.

Il manquait' 180,000 hommes, — mettons,
pour être large, 150,000, qui étaient dans
leurs familles, en congé illimité, et qui ne
coûtaient pas un sou à l'État.

La marine, de son côté, se trouvait dans la
même situation ; c'est-à-dire, en un mot, que
le tiers de l'effectif, pour lequel la France
payait, était absent; — c'est-à-dire, enfin,que
deux cent millions, au bas mot, du budget de
la guerre et de la marine ne recevaient pas
l'emploi qui leur avait été affecté par la Cham-
bre, et prenaient une direction inconnue.

*

* *

Ce virement formidable a duré dix ans ;

Ce qui fait, si je sais compter jusqu'à dix,
que deux milliards ont été distraits dans ces
dix années des seuls budgets de la marine et
de la guerre, — l'ail qui, je crois, mérite quel-
que considération.

*

Pour Dieu! M. Marcou,
Pendant que vous y êtes J

Allez-y, — ne craignez rien, — redemandez
aussi notre argent !

Qu'est-ce que cela fait?

Pour ce qu'on vous donnera, allez !

Aurez-vous plus un cheveu -de leur tête
qu'un écui de leur coffre!

*

» *

Dimanche, 11 juin. — M. Mention est un
homme de courage, — et un homme de bon
sens.

Malgré l'insuccès de tentatives anléiieures,
Le voilà qui reprend un projet d'impôt sur
les pianos!
Homme généreux!
Homme de cœur!
Homme antique!

Merci! tu es un ami de l'humanité!
*

* *

On avait proposé à la dernière Chambre des
députés une proposition semblable,

Mais cette Chambre barbare, et inaccessible
à la pitié, l'avait repoussée'

La haine stupide qu'elle avait de Paris y
était pour beaucoup.

Pans est, en effet, lecapharnaùm des pianos:
on n'y peut faire un pas sans s'y heurter à un
piano : chambres à coucher, sa'lles à manger,
salons, cafés, jusqu'aux loges de portiers, tout
est plein de pianos pleurards, glapissant?,
discordants, qui vous fout tourner la moelle
dans les os et grincer des dents comme un
singe à qui ou donne une noisetfe pleine de
muutarde !...

Eh bien! la dernière Assemblée disait :
« Ah! lu as les orgues de Barbarie,—la
délicieuse Revalescière,—les oreilles de Sar-
cey, — le bon sens de Magniard, — le français
de Viliemessant,— les jambes de Sarah-Berh-
nanlt,— l'esprit d'Alphonse Karr, —les inon-
dations de la Seine,— le Crédit mobilier_

Saint-Lazare et la Roquet le,
» Ce n'est pas assez !

» Tous ces maux, ces ennuis, je pourrais
les soulager... je n'aurais qu'à dire : « Jet'ôte
tes pianos ! »

» Eh bien ! non ! — tu les garderas !

» Quarante mille filles de portiers au rez-
de-chaussée te réveilleront tous les matins au
son de leurs instruments de torture.

» A Pentre-sol, vingt mille cocottes le& re-
laieront dès qu'elles seront fatiguées.

» Au premier et au deuxième étages, cent
mille filles d'employés des ministères èt des
négociants en denrées coloniales continueront
le concert de lVntre-sol.

» Au troisième, au quatrième, au cin-
quième et jusque sous les ardoises du sixième,
trois cent mille autres pianos, dès que les
premiers se seront tus, laisseront tomber sur
toi un brouillard de notes luguJres qui t'en-
veloppera, t'étourdira et te fera perdre l'ouïe,
l'appétit, le goût, au point que tu crieras
giàce, pitié, et qu'un de ces matins on te trou-
vera au coin d'une borne, anéanti, sourd et
idiot! »

* *

Cette Assemblée continuera-t-elle les bar-
bares procédés de son aînée 1

Un impôt sur les pianos", de grâce,—et le
plus lourd possible! •

* *

Lundi, iîjuin. — George Sand n'avait pas

fermé la paupière que déjà les statuomanes
s'étaient concertés.
Vite, une statue!

Une statue pour l'auteur de Lilia!

Et ce qu'il y a de délicieux, c'est qu'on veut
que ce soit la Chambre qui s'occupe de cette
jolie besogne,—

Comme si la Chambre n'avait pas autre
chose à l'aire,— et comme.si elle ne pouvait
pas trouver à nos fonds de plus utile em-
ploi.

ê * >; -, -y*

Certes, nous n'avons pas l'intention de por-
ter ici un jugement sur madame George
Sand; le cadre et le genre de ce journal se-
raient peu favorables à un travail de ce genre,
—et puis ce que nous en dirions serait peut-
être cruel pour les oreilles à peine fermées de
ce cadavre ;

Mais qu'il nous soit permis de remarquer,
à propos de ce projet de statue, de quelle soif
de gouvernement nous sommes tyrannisés.

Pour les choses les plus simples, qui ne de-
vraient relever que de l'initiative individuelle,
il faut que nous nous adressions à la Chambre
ou au ministère.

Nous ne pouvons rien faire sans le gouver-
nement.

Un de ces jours, nous irons lui demander
qu'il nous mouche.

Il est vrai qu'il nous a si souvent mouchés
sans qu'on le lui demande!

* *

Mardi, 13 juin. — Dans une bibliothèque
publique.

Un homme de cinquante et quelques an-
nées s'approche d'un des conservateurs.

— Voudriez-vous me donner les Hommes il-
lustres de i'lutarque!
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