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Le Grelot: journal illustré, politique et satirique — 6.1876

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https://doi.org/10.11588/diglit.6811#0174
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LE GRELOT

LA SEMAINE

Les marchands de vins vont bien!

Je lis dons la Gazette des Tribunaux que deux
de ces joyeux gredins, les sieurs W... et S...
(pourquoi pas les noms?) aidé d'un ex-phar-
macien de Rouen, viennent d'essayer de se
défaire d'une certaine quantité de leurs com-
patriotes en leur vendant 42 barriques de vin
falsifié!

Les infortunés clients de ces deux drôles
n'ont dû de résister à cette infernale mixture
qu'à leur vigoureuse constitution.

Supposez un litre de ce poison ingurgité
par un malade, ce malade s'en allait ad pa-
tres.

'Ha effet, au dire des témoins, le susdit vin
se décomposait au bout de quelques jours,
non-seulement dans les fûts, mais eucoredans
les verres.

Puis il ne tardait pas à se transformer,
En bouillie fétide ;
En moutarde ;
En boue /!!

Charmant!... charmant 1... exquis!... déli-
cieux !,..

Le tribunal correctionnel de Bayoqne a
condamné ces dignes émules de la Biinvil-
liers, à trois mois de prison et à 50 francs d'a-
mende.

4fo !••• j'oubliais de vous dire que ces mal-
heureuses victimes de la rigueur des lois
excerçaient leur pro iuctive industrie daus la
petit* ville de Peyrehorade.

Quand à l'ex-pharmacu n, inventeur de la
drogue dite caramel dvin, il a été relaxé.

Pourquoi V

Mystère et pharmacie !

Maintenant supposons qu'on pâtissier soit
allé chez cet honorable apothicaire ache-
ter pour cinquante Centimes de mort aux
ratt\

Qu'une fois en possession de sa mort aux
rat», !e môme pâtbsjei- ait délicatement versé
le contenu de si boite dans une certaine
quantité de gâleani destinés à ses clients,
som le fallacieux prétexte que l'arsenic est
moins cher que le sucre ;

Que les clients, après avoir absorbé leur
.Saint-Honoré, se soient sentis én proie à d'af-
freuses coliques ;

Et qu'un certain nombre en soit passé de
vie à trépas;

Q Varriverait-il au pâtissier?

Un le convierait à passer quelques instants
en compagnie de M. Roch, lequel après une
ou deux minutes de conversation, le ferait
exactement semblable à St-Denis, se prome-
nant dans Paris sa tète à la main.

Eli bien, je le demande,

Y a-l-il une bien grande différence entre
les deux négociants ?

Empoisonner avec du vin et empoisonner
avec une tarte, c'est toujours la môme chose...
pour l'empoisonné.

Jï ne crains donc pas de dire que je trouve
la loi sur les falsifications absolument ridicule
et tout à fait dérisoire.

Si l'on ne guillotine pas les falsificateurs, —
ce que je ne trouverais que juste — je vou-

drais qu'ils fussent condamnés à ne se nourrir
que de leurs produits»

Au bout d'un certain temps, la société
serait privée de leurs précieuses existences,
ce doiïtpersonne ne se plaindraitassurément...
et ce qu'il y aurait de tout à fait moral et d'un
peu comique en môme temps, c'est qu'ils ne
pourraient s'en prendre qu'à eux-mêmes du
pelit désagrément qui leur arriverait.

Renvoyé à la commission .législative de
l'Assemblée.

Saint-Gftrjest triomphe.

Le rninistr'e de la guerre, après avoir con-
sulté, l'éminent écrivain , a maintenu dans
leurs commandements lés généraux placée de-
puis trois ans à la tète de nos dix-huit corps
d'armée.

J!«vCUrG que, quand à ce qui me regarde,
cela m'est p-irfailemënt égal.

Mais cela n'était pas égal, paraît-il, àSaint-
Genesl, qui se démenait comme un beau
diable pour décider le ministre à suivre son
avis.

Si bien que maintenant quand un ministre,
— n'importe lequel, — sera embarrassé, il
n'aura qu'à sonner son huissier.

— Que demande son excellence?fera l'huis-
sier en s'inclinant.

—i Jean, je suis perplexe.

— Pas possible, excellence 1

— C'est pourtant comme j'ai l'honneur de
vous le dire, iflo.ii ami. Je ne sais pas si je dois
déposer ou non le projet de loi dont mon se-
crétaire général a eu l'idée et dont mon ?e-
crétaire particulier a rédigé les articles.

— Rien de plus ."-impie, excellence.., En-
voyez chercher M. Sainl-Genesl.

—- Tiens!... mais oui... je n'y pensais pas !..
Saint-G'mest est le seul homme qui me tirera
de li. Vite!... vile!. . qu'on me l'amène!...

Sa'mt-Gemsl arrive, donne sa petite con-
ï'ullation et le minisire, la France et l'Europe
sont sauvés.

Quel homme! mes enfants, quel homme!

Lisez-vous quelquefois la Petite correspon-
dance du Figaro ?
Oui, n'est-ce pas?

Moi, j'avoue qua j'en fais mes délices.
Ce qu'il s'y débite de prodigieuses âne-
ries !

Non, c'est à ne pas y croire !

Une chose surtout m'amuse, c'est de comp-
ter Jle nombre des gens qui s'envoient mille
baisers :

Les unes eu toutes lettres;,

Les autres en chiffres :

10QO baisers.

Vlan!... pas un de plus, pas un de moins.
Ils ne vous passeraient pas la chose pour
999 ;

Ils en ont mille à dépenser, ils en déposent
mille au guichet des Petites annonces.

Oh ! la bôlise humaine !

Après tout, cela ne fait de mal à personne,
n'est-ce pas?

Pardon !...

Et les maris ?

Eh bien» ceux-là, il leur reste les boniments
de la Banque Parisienne pour les consoler.
C'est ça qui est amusant I

NICOLAS FLAMMÈCHE.

ZIGZAGS

Les semaines se suivent et ne se ressemblent
pas.

La semaine dernière, par exemple, tout était
à la paix, en Orient.

Et les gens naïfs et crédules affirmaient que
tout irait bientôt là-bas pour le mieux dans le
meilleur des mondes, que les Serbes et les
Turcs passeraient leurs journées à fumer fra-
ternellement des pipes ensemble, et que les
Rulgares couvraient, d'innombrables signatu-
res, des pétitions par lesquelles ils demande-
raient à être désormais charcutés à huis-clos,
pour nue la Renommée aux cent bouches,
cette insupportable bavarde, ne pût pa- ra-
conter de vilains détails, uniquement pour
faire de la peiVré à ces bons Turcs qui ait de-
mandent qu'une chose :

Qu'on les laisse tranquilles, qu'on ne l.ur
demande rien, surtout qu'on ne leur pat le
pas de payer leurs detles.

Pauvres gens, qui croyez les diplomates!
Qui vous figurez qu'ils sont francs et pro-
fonds !...

Lisez l'histoire, étudiez les faits contempo-
rains.

Et vous verrez clairement 'pie ces diploma-
tes si Joyaux et si sages ne sont, au fond,
presque tous, que de vilains gredins qui ren-
draient 25 points de 30 à un charlatan, sur
l'art de mentir, et qui l'ont consister toute leur
science et tout leur mérile dans cette belle
qualité.

Tout ce qu'ils ont fait en Orient et rien,
C'est à peu près la même chose,
Chaque fois qu'ils ont essayé d'arranger les
affaires, ils ont ramassé une de ces vestes co-
lossales dont M.Buffet a seul une idée, en pro-
vince.

Et c'était bien facile à prévoir.

Tout ce qu'ils ont essayé de faire, c'est de
ramener les choses au statu quoante bellum.

Il est impossible de rien imaginer de plus
hôte.

Attendu que si les Serbes, les Monténégrins
et les Bosniaques ont pris les armes, c'est pro-
bablement parce qu'ils trouvaient que leur
position était beaucoup moins avantageuse
que celle des chanoines honoraires de Saint-
Denis,

Et qu'il y avait un certain nombre de che-
veux qui rayaient de noir l'azur de leur exis-
tence.

Cheveux qu'il fallait extirper à coups de
sabre.

Or, si vous rétablissez les choses dans le
statu quo ante b'Uum, vous replacez ces che-
veux,

Et par conséquent vous nécessitez toujours
leur extirpation d'après le bruyant procédé
qu'on emploie autour d'Alexinatz.

Cela n'est certes pas bien difficile à com-
prendre, et l'on entrevoit la solution de suite
quand on veut réfléchir sérieusement et hon-
nêtement pendant cinq minutes,

Eh bien!.,. MM. les diplomates n'ont pas pu

faire entrer cela dans le cerveau qui se trouv
sous le crâne pelé qui est la première pièce d<
leur uniforme.

Ce qu'ils rêvent avant tout, c'est la tranquil-
lité aujourd'hui,

Demain ne les regarde pas.

La chaudière est mauvaise, ils le savent,

11 faut la détruire et la remplacer par un
neuve,

Mais ils trouvent que cela ferait frop de

travaux,

Ils se contentent de la faire resouder, et ell<
fonctionne ainsi pendant quelques jours,

Puis un beau matin, patatrac!... parapan
pan!... boum!...Umi saute en ébranlant l'édi
fice jusque dans ses fondements.

— o—

J'aurais encore beaucoup à dire sur ce su-
jet, surtout à propos de la conduite d'un jour-
nal républicain, la République française, dans
cette affaire d'Orieni :

Je voulais aussi prophétiser le dénouement,
dans l'espoir qu'un jour, on i écompenserait
la sagacité et la divination du Grelot en don-
nant un portefeuille à chacun de ses rédac-
teurs (ne fut-il que de quatre francs 75, avec
un compartiment pour les photographies;

Mais c'est, marcher trop longtemps dans I.
même sens, pour un zigzagueur de mon es
pôce,

R faut que je fasse un crochel.
J'y reviendrai un autre jour.

La presse s'est émue, celle semaine, de
façon dont les petites sœurs des hôpilnix,ces
anges île dévouement, entendent la charité
chrétienne.

Si l'on ne s'était pas mis en travers, dam
quelque temps, ces phénomènes de patience
et de bonté n'auraient plus donné une las»
de bouillon à un malade que sur la présenta-
tion de son billet de confession.

Kt elles auraient donné double ration d«
clystère à tous ceux qui auraient eu dans leur
portefeuille la photographie de M. de Mun, le
fondateur de VOEuvre des c.rcles d'ouvriers ca~
(holiques, dont une des plus sérieuses occu-
pations consiste à pendre des chats, comr
on pouvait le lire dans une lettre envoyée au
Rappel, dénonçant des faits bien précis, et qui
n'ont point été démentis.

Il y a encore bien d'autres abus dans les
hôpitaux.

Ainsi, en voilà un que je me fais un plaisir
de recommander à M. de Nervaux, le noble et
généreux directeur de l'Assistance publique,
qui s'occupe tant de la conscience de ses

malades.

Dans tous les hôpitaux, il est défendu aux
visiteurs d'apporter dans les salles aucune
friandises aux malades. A l'entrée, le concierge
fouille les hommes, la concierge fouille les
femmes. Tout ce qui est suspect est confisqué.

Mais les concierges vendent dans l'intérieur
de l'hôpital ces mêmes friandises, qu'il n'était
pas permis aux visiteurs de donner.

Peut-être, étant payés, ces gâteaux devien-
nent-ils inotîensifs.

II y a là de curieux phénomènes thérapeu-
tiques à étudier.

Feuilleton du GRELOT, 8 ectobre 1876.

LE VOILE

Elle « le voile!

Qu'est-ce que cela voulait dire?

Je ne pouvais le demander en ce moment au père
Duret, — mais je me promettais bien de me faire don-
ner des eiplications à ce sujet. Elle a le voile!...
Mon Dieu! qu'est-ce que cela pouvait bien signifier?

Patience, dis-je en moi-même; il est inutile de me
creuser la tête aujourd'hui,mais demain, j'en aurai le
cœur net.

En attendant, je reportai les yeux sur la nouvelle
arrivée."

On lui avait fait place, et elle était assise entre
Marie-Anne et le sonneur fie cloches Mathurin, — les
jambes allongées jusqu'au milieu du demi-cercle que
formait l'assistance, et ses longs bras croisés à la Bo-
naparte sur sa poitrine.

Elle me regardait, elle aussi, avec une certaine cu-
riosité, et, elle se pencha bientôt à l'oreille de Marie-
Anne à qui elle demanda sans doute qui j'étais : après
quoi elle fit un signe de. tête entendu.

D'après ce que j'en ai dit, on s'imagine aisément
qu'Antoinette n'était ni belle ni jolie.

Il était difficile, en ellet, de se figurer quelque chose
de plus dur que ses traits. Son visage, dont I ovale
était, beaucoup trop allongé, avait une expression gé-
nérale de cruauté dont l'esprit le moins observateur

(1) Reproduction interdite,

était frappé tout d'abord; au repos, cette physionomie
n'inspirait déjà pas grande confiance, mais elle faisait
naître une sorte de terreur quand le jeu des passions
la mettait en mouvement. Les deux petits yeux verts
qui réduiraient, profondément enfoncés dans leurs or-
bites, et qui semblaient percés à 11 vrille, jetaient
alors des éclairs, comme ceux d'une vipère sur 1 .-
quelle on a marché; sou nez, long et mou, qui tom-
bait à angle très-aigu en en s'epatant sur sa large
bouche aux lèvres minces et pâles, armées de dents
couleur de buis et espacées entre elles; son nez s'aC-
costait, en ces moments, de deux plis profonds qui
couraient en serpentant de l'angle de ses ailes à la
masse inquiétante, du menton, pointu et sculpté en
poire; son front bas et étroit, envahi par des cheveux
d'un châtain jaunâtre plaqués sur les tempes avec
de la'pommade, se couvrait dérides tortueuses et
.multipliées, et ses deux sourcils, rudes et plantés
droit, se rejoignaient complètement à la racine du
nez. Une moustache assez forte, d'un jaune clair et
brillant, mê|é de crins blancs par endroits comme
les poils ries lèvres de la loutre, accentuait encore ce
Caractèt e de férocité accusé par tout l'ensemble du
visage. Un un mot, cette figure rappelait tout à la
fois les types classiques du saltimbanque de l'usurier
juif, Ce l'alchimiste et-du tortionnaire, et n'évoquait
que des souvenirs de masques masculins, — tant la
grâce et le charme, particuliers à la femme, en étaient
absents.

La brusquerie quasi-mécanique de ses manières
ajoutait encore à l'illusion; car Antoinette marchait
tout d'une pièce comme un vieux soldat, et avait de
ces gestes anguleux et réguliers qui n'appartiennent
qu'aux automates.

Elle portait ce jour-là une robe d'indienne impri-
mée dont le dessin avait disparu par suite des nom-
breux lavages qu'elle avait subis; et un grand mou-
choir de coton jaune représentant une scène de la
Bible, était croisé sur sa poitrine sèche. Elle avait des
bas bleus et des souliers à rubans, luxe assez rare
dans ces pays où l'usage des sabots est en vigueur d'un
bout de t année à l'autre. Une ehaînelte d'argent à
laquelle oscillait un cœur de même métal orné de
trois turquoises, emprisonnait son cou décharné et

semblait indiquer qut-lques prétentions étranges à l'é-
léganca. . , -

Telle était cette Antoinette « qui avait le voile, »
et qui tiendra dans ce récit une des places les plus
importantes.

Pendant quo je l'observai», la conversation conti-
nuait son cours : les fèmipes avaient pris leurs bas et
tricotaient, à l'exception de mademoiselle Gertrule,
qui était presque une dame, et. qui brodait des pan,-
toulles sur lesquelles devait figurer sur fond rouge un
épagneul blanc et chocolat; les hommes fumaient
leur pipe en crachant dans les cendres, et discutaient
de l'avenir probable des récoltes, en citant l'autorité
de l'almanach fort en crédit encore chez nos paysans.

Je remarquai que, rit puis un moment, Ma lemoiselle
Gerlrude ne travaillait que fort distraitement à l'épa-
gneul, et, qu'il tout instant elle levait la tête vers une
grande hortoge renfermée dans une gaîne en noyer
ciré, et placée dans en coin rie la salle, près rie la porte
de la. cave.

Il était huit heures et demie, et il était évident que
qpelque chose devait se passer vers cette heure-là.

Eu effet, la demie n'était pas sonnée depuis cinq
minutes que la porte de la rue s'ouvrit et donna pas-
sage à un assez beau gaillard de vingt-cinq ans, vêtu
d'une blouse bleue toute neuve et ornée sur les épau-
les etau gorgerin de broderies multipNées en lit blanc,
et d'un pantalon gris plus é'égant que ceux que por-
tent d'ordinaire les gens de la campagne, — les pieds
chaussés de souliers bien cirés, un chapeau île paille
assez coquet sur la tête, — riesanueaux d'or aux oreil-
les, — et au cou, une cravate rie soie groseille-clair
qui dénonçait, irréfutablement un coq de village.

Excellente mine, d'ailleurs : les joues roses et re-
bondies, les yeux bleus, la lèvre eu fleur, le nez mi-
gnon, la barbe encore réduite à un duvet impercepti-
ble, les cheveux blonds et frisés naturellement, —un
type rie bon garçon et d'homme bien portant.

11 entra en criant de la porte, avec une voix forte et
d'un ton de bonne humeur :

— Bonsoir, la compagnie!

El. il fit un salut en jetant le pied droit en arrière,
— ce qui à la campagne est, comme on sait, le su-
prême bon ton.

— Bonsoir, Jeui-liaptiste ! répondirent en cœur les
assistants.

Jean-Baptiste donna une poignée de mains aux
hommes, — salua respectueusement la mère Duret,—
ôta son chapeau de paille devant moi qu'il ne con-
naissait pas encore, — et alla s'asseoir auprès de ma-
demoiselle Gertrurie, qui, subitement, était devenue
rouge comme une ceritw,

—• C'est mon neveu, Jean-Baptiste Laval, de Wa-
wrin, — me dit le père Duret à mi-voix... C'est le
lianeé rie ma tille... Us doivent se marier dans deux
mois...

Juan-Baptiste Laval, de Wavrin, n'était pas un
homme à plaindre, et j'aurais peut-être bien pris sa
place si on me l'avait offerte; mademoiselle Gertrude,
en ell'et, était une ries plus mignonnes paysannes de
tout le canton d'Haubourdin , et son souvenir faisait
éclore bien des rêves clans les fermes à quatre lieues
de rayon du village de Sautes. Elle était brune d'a-
bord, — couleur rare dans ce pays, où presque toutes
les femmes sont d'un châtain sale et éleint, tirant un
peu sur le roux (sur la queue de veau, disent les mal-
honnêtes) ; ses yeux étaient, d'un noir humide, qui, à
la kermesse, la faisait au bal inviter à l'envi par les
beaux messieurs venus de Lille pour la fête; et elle
avait la peau blanche comme du lait, car le père
Duret, qui l'adorait, ne la laissait aller que fort rare-
ment travailler aux champs. Ajoutez à cela qu'elle
n'avait pas encore tout à fait dix-huit ans, et vous
serez île l'avis des gars qui disaient qu'on irait loin
avant de rencontrer un aussi beau brin de Mlle.

Ce n'était pas, du reste, le premier parti venu : le
père Duret était riche; sa ferme était à peu près la
meilleure de la commune, et on savait qu'il avait,
depuis une dizaine d'années, placé passablement d'ar-
gent chez le notaire...

Jean-Baptiste s'installa donc auprès de sa fiancée,
de l'air d'un homme qui regarde son mariage comme
ne pouvant plus f lire l'objet d'un doute; et, laissant
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