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qu'on en finisse !
Je m'étais promis de ne plus reparler
de cette sempiternelle affaire de Panama.
Mais le moyen ? C'est la scie du jour.
L'accusation reconnaît que « les carnets
« d'Arton ne constituent que des indica-
« tions écrites, auxquelles on ne doit pas
t ajouter plus de foi qu'à ses déclarations
« orales ».
Alors, à quoi rime ce nouveau procès?
Il est absurde d'échafauder une accusa-
tion sur un document qui n'a pas de va-
leur. Je l'ai déjà dit—et je le répète,
parce que l'argument me paraît sans ré-
plique — du moment que les poursuites
ne font pas rentrer un sou dans les
poches des actionnaires, elles n'ont au-
cune raison d'être.
Gela devient insupportable, à la fin, de
voir toujours revenir cette affaire sur
l'eau. Qu'on en finisse une bonne fois
avec cette comédie.
de fer pour les uns...
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5, cité Bergère, Paris
...et de miel pour les autres. 11 n'est
pas besoin de souffler bien longtemps
sur la balance de dame Thémis pour la
faire pencher du côté du plus fort.
Le XIX" Siècle se plaint, en excellents
termes, de la rigueur dont on use envers
MM. Maret et Antide Boyer, dont l'état de
santé est précaire. Je n'y contredis pas ;
mais je fais remarquer qu'on a été encore
bien plus impitoyable avec M. Baïhaut,
qui n'en avait pas fait plus que les autres.
Et ce pauvre M. Rouvier! Et ce peu
fortuné M. Eiffel f... \\\
; " Je lis dans le Patriote de Lurex du
12 novembre, que M. Baïhaut en sait long
' sur le3 dessous du scandale panamiste.
Et il ne dit rien?
Gristi ! Si c'était moi, je ne dirais pas
ce que je sais, je ne le crierais pas, je.T.
Je le gueulerais !
JE LA TROUVE BIEN BONNE
Le tribunal ne s'est pas contenté de
réhabiliter Pierre Vaux et Jean Petit, il a
alloué : aux héritiers du premier, cent
mille francs, et à ceux du second, cin-
quante mille.
De sorte que c'est nous, contribuables,
qui sommes chargés de réparer le dom-
mage causé à ces deux innocents par les
magistrats canailles de l'empire. Je la
trouve bien bonne.
On a flétri la mémoire desdits magis-
trats — ils s'en moquent pas mal, puis-
qu'ils sont morts — et pour que leur châ-
timent soit plus exemplaire, on... nous
présente la facture à acquitter.
Non, vous savez, je la trouve bien
bonne.
A PROPOS DE DUELS
Mon opinion n'a pas variée. Je pense
toujours qu'on devrait se battre un peu
moins et un peu plus.
Je ne suis pas féroce au point d'exiger
que les adversaires s'embrochent respec-
tivement jusqu'à la garde, mais je vou-,.
drais tout de même que l'on s'abstînt,
pour un temps, d'échanger des balles
sans résultat. Je trouve qu'on en abuse
un peu trop, et que cela devient un tan-
tinet ridicule.
Et, autant que possible, il serait à sou-
haiter que les témoins s'arrangeassent
de façon à ne pas envoyer l'insulté au
bois de Vincennes et l'insulteur au bois
de Boulogne, ainsi qu'il l'a été fait tout
récemment.
Ce qui, pour une jolie gaffe, était une
jolie gaffe.
S' TROMPENT JAMAIS LES TYl'OS
« Tous les soirs, au Cabaret du Ciel,
« les visions suaves, qu'accompagnent les
« chants et la musique de la troupe
« Romagnano, obtiennent le plus vil suc-
« cès. »
C'est notre confrère le capitaine Fra-
casse, de YEcho de Paris, qui s'exprime
ainsi, dans le numéro du 10 décembre.
— Matin 1 me suis-je dit, il n'y va pas
par quatre chemins, le capitaine ; le caba-
ret a dû trouver le compliment médiocre-
ment suave.
— Mais, me re-suis-je dit, ne serait-ce
pas une distraction des typos' Cela me
surprendrait, cependant : ça leur arrive
si rarement !
coups de poings et coups de cornes
Le même journal, parlant de ce boxeur
anglais qui vient de se faire assommer
dans un assaut, s'écrie pudibondement :
« Ces mœurs nous étonnent et nous
écœurent. »
Bon ! nous n'avons pas besoin de tant
fairela petite bouche. Nous allons voir les
courses de taureaux qui ne sont pas beau-
coup plus propres.
Coups de poings et coups de cornes ne
seront jamais, que je sache, distractions
de délicats.
une réflexion
11 faut une certaine énergie de carac-
tère pour arriver à se défaire des sottes
croyances dont on nous a farci l'esprit
pendant le jeune âge.
Quel est l'homme ayant un peu médité
qui ne sache très bien que toutes ces fa-
bles ne soutiennent pas l'examen?
Mais, voilà, c'est toute une histoire que
de prendre position. Il y a la mère, la
femme, les sœurs, les parents, les amis,
le qu'en dira-t-on.,. On a peur des diffi-
cultés, on ne veut pas avoir l'air de poser
au libre-penseur et, de faiblesse en fai-
blesse, on en arrive à être, en quelque
sorte, forcé d'approuver des stupidités
contre lesquelles le simple bon sens pro-
teste.
O. Revoir.
LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
Il n'est pas rassurant du tout le Commu-
niqué que M. Méline a envoyé aux journaux,
mais il a cela de bon, qu'il nous rixe sur les
intentions, jusqu'ici secrètes, de cet homme
d'Etat énervé.
« Le Gouvernement est résolu, si cette
« campagne continue , à prendre, avec le
« concours du Parlement, les mesures né-
« cessaires pour y mettre fin. »
Oh! le Parlement, le ministère peut lui
demander tout ce qu'il veut; nous n'igno-
rons pas qu'il n'est, entre ses mains, qu'un
morceau de cire molle.
Mais, après tout, que lui reproche-t il, à
la presse? De dire parfois le contraire de la
vérité? Bah! Que fait-il donc, lui, depuis
trois mois? Et puis, la presse est divisée en
deux camps nettement séparés; celui qui
n'est pas absolument sûr de la culpabilité
de Dreyfus et celui qui croit en être certain.
Je constate du reste que, de côté et d'autre,
on discute avec passion et en se souciant
médiocrement de la vérité.
Donc, l'attitude du cabinet, depuis l'ori-
gine de cette affaire, a été si peu nette, si
peu franche, que jo serais bien embarrassé
de dire dans quel parti il faut le classer. Il
y en a un des deux, pourtant, qui a ses pré-
férences et ce n'est pas celui qu'il vise dans
son communiqué. Mais lequel ?
L'affaire Dreyfus n'est qu'un prétexte. Il
trouve que la presse crie trop haut et il veut
lui mettre une muselière. Le projet me
semble dangereux. Je me demande même,
s'il a les reins a=sez solides pour porter ie
poids d'une pareille responsabilité.
Il s'en faut de beaucoup que la presse —
prise en général — soit ce que je voudrais
qu'elle fût et j'ai lu, ces derniers temps, plus
d'un article qui m'a écœuré. Je ne vois rien
à faire à cela.
Au début, j'ai répété, avec tant d'autres :
« Laissez dire; le bon sens public fera jus-
« lice des exagérations et remettra les
« choses en leur point. » Je le croyais de
bonne foi; mais le bon sens public n'a rien
fait du tout. C'est tant pis pour lui. Il faut
maintenant que nous attendions qu'une
réaction se fasse. On se lassera bien quelque
jour d'entendre débiter des ordures; on
finira par comprendre que cela n'avance pas
beaucoup les affaires de la République de
répéter chaque matin que Chose est une
canaille et un assassin. Tout a une fin. Les
journalistes néfastes qui ont créé ce vilain
genre, se sont fait cinquante mille livres de
rentes; ceux qui viendront après eux ne
gagneront peut-être pas de quoi boire de
l'eau. Je le souhaite grandement.
Mais, revenant à mon idée, je dirai que ce
n'est pas une raison parce qu'il y en a parmi
nous qui chantent faux, pour mettre un
bâillon sur la bouche de ceux qui chantent
juste.
A qui incombe la responsabilité de cette
lamentable affaire Dreyfus? Au Gouverne-
ment. Si, à l'origine, il avait parlé, sans dé-
tours, loyalement, simplement, il n'y avait
pas, il ne pouvait pas y avoir d'affaire
Dreyfus.
Or, il y en a une, quoi qu'en ait dit M. le
président du Conseil. Et il pourra voir, si
M. Esterhazy est traduit devant le Conseil
de guerre, que la presse sert parfois à
quelque chose.
Elle seule aura le pouvoir de forcer le Gou-
vernement à agir au grand jour, à nous dire
à peu près la vérité et'à ne plus se reufermer
dans un huis-clos offensant et louche.
P. Darin.
@hronique buissonnière
Les petits profits du métier
M. Georges Cochery, Ministre des Finances, a
remis au Président de la République, un écrin
en maroquin rouge ancien, à filets dorés et au
chiffre de M. Félix Faure contenant trois spé-
cimens de la nouvelle pièce de cinquante centi-
mes gravée par M. Roty, un en argent et deux
en or.
Des pièces de dix sous en « or » ? mazette!
Je ne m'étonne plus du succès qu'on fait à
cette nouvelle monnaie, avant même qu'elle
soit lancée dans la circulation.
Point n'est besoin d'être numismate pour
se sentir, à son égard, une subite vocation
de collectionneur.
Notre Félix en a donc eu l'étrenne ; mais
je m'é'onne que le protocole ait toléré qu'on
'lui ait offert ces prémisses monétaires dans
unVêWaften maroquin, après la conduite du
Maroc envers nos nationaux capturés^ et
martyrisés par ses pirates du Riff.
Il nous semble qu'on devait à la nation
« amie et alliée t de présenter au Président
ces monnaies divisionnaires dans un écrin
en cuir de Russie.
Pourvu que ce manque de tact n'en,traîne
pas un refroidissement — surtout à l'entrée
de l'hiver — entre les deux augustes Fêtards
de PéterhotL
Tous les membres du gouvernement ont reçu
également un écrin contenant un exemplaire eD
argent de la nouvelle pièce.
Avis à M. Rouanet — le justicier Pana-
mystificateur, l'homme au rapport avant la
lettre. Voilà des ministres pris la main dans
le sac; ils ne pourront pas nier avoir tou-
ché, ceux-là !
Mais ce n'est pas tout : M. Faure — de
plus en plus Félix — vient encore de rece-
voir un beau piolet d'honneur envoyé de
Savoie pour lui rappeler sa traversée du
col de la Vanoise, lors des dernières ma-
nœuvres.
Inutile d'ajouter que ce piolet est « le plus
beau jour de la vie » de l'alpiniste distingué
qui règne à l'Elysée ; il lui servira à gravir
les escarpements du faubourg Saint-Honoré
et à escalader, au besoin, la Butte-Mont-
martre.
Ah! je comprends que la perspective de
tels cadeaux excite l'ambition de nos nom-
breux hommes politiques, tous candidats à
la Présidence dé la République, tous I
tous I... Auri sacra famés 1 — exécrable soif
des pièces d'or de cinquante centimes... et
des piolets d'honneur !
C'est encore cette préoccupation qui vient de
décider M. Coûtant à déposer une proposition
ayant pour objet d'assurer la sécurité des gar-
çons de recettes.
Le député socialiste demande qu'il soit inter-
dit aux établissements financiers de faire recou-
vrer dans le même jour plus de 5.000 fr. pat
moins de deux employés, sous peine d'une
amende de 1.000 à 3.000 fr., et d'un emprisonne-
ment de un mois à trois ans de prison.
Cette initiative parlementaire, inspirée
par le crime de Bicêtre-Kremlin — encore
et toujours l'alliance des mots franco-
russes! — nous parait Carrera (pardon I)
carrément insuffisante dans ses dispositions
que, sans cela, je n'hésiterais pas à qualifier
de tutélaires.
J'exigerais, à la place du sage législateur
précité, que les maisons de banque modi-
fiassent complètement l'uniforme de leurs
garçons de recettes, en les bardant de fer —
comme les preux chevaliers moyenâgeux
— et en les faisant accompagner dans leurs
dangereuses tournées par un peleton de cui-
rassiers.
En prenant ces précautions élémentaires
— et en s'abstenant soigneusement de man-
ger des champignons — les collègues de l'itt"
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Vie parisienne....
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qu'on en finisse !
Je m'étais promis de ne plus reparler
de cette sempiternelle affaire de Panama.
Mais le moyen ? C'est la scie du jour.
L'accusation reconnaît que « les carnets
« d'Arton ne constituent que des indica-
« tions écrites, auxquelles on ne doit pas
t ajouter plus de foi qu'à ses déclarations
« orales ».
Alors, à quoi rime ce nouveau procès?
Il est absurde d'échafauder une accusa-
tion sur un document qui n'a pas de va-
leur. Je l'ai déjà dit—et je le répète,
parce que l'argument me paraît sans ré-
plique — du moment que les poursuites
ne font pas rentrer un sou dans les
poches des actionnaires, elles n'ont au-
cune raison d'être.
Gela devient insupportable, à la fin, de
voir toujours revenir cette affaire sur
l'eau. Qu'on en finisse une bonne fois
avec cette comédie.
de fer pour les uns...
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Adresser lettres et mandats à M. J. MADRE,
5, cité Bergère, Paris
...et de miel pour les autres. 11 n'est
pas besoin de souffler bien longtemps
sur la balance de dame Thémis pour la
faire pencher du côté du plus fort.
Le XIX" Siècle se plaint, en excellents
termes, de la rigueur dont on use envers
MM. Maret et Antide Boyer, dont l'état de
santé est précaire. Je n'y contredis pas ;
mais je fais remarquer qu'on a été encore
bien plus impitoyable avec M. Baïhaut,
qui n'en avait pas fait plus que les autres.
Et ce pauvre M. Rouvier! Et ce peu
fortuné M. Eiffel f... \\\
; " Je lis dans le Patriote de Lurex du
12 novembre, que M. Baïhaut en sait long
' sur le3 dessous du scandale panamiste.
Et il ne dit rien?
Gristi ! Si c'était moi, je ne dirais pas
ce que je sais, je ne le crierais pas, je.T.
Je le gueulerais !
JE LA TROUVE BIEN BONNE
Le tribunal ne s'est pas contenté de
réhabiliter Pierre Vaux et Jean Petit, il a
alloué : aux héritiers du premier, cent
mille francs, et à ceux du second, cin-
quante mille.
De sorte que c'est nous, contribuables,
qui sommes chargés de réparer le dom-
mage causé à ces deux innocents par les
magistrats canailles de l'empire. Je la
trouve bien bonne.
On a flétri la mémoire desdits magis-
trats — ils s'en moquent pas mal, puis-
qu'ils sont morts — et pour que leur châ-
timent soit plus exemplaire, on... nous
présente la facture à acquitter.
Non, vous savez, je la trouve bien
bonne.
A PROPOS DE DUELS
Mon opinion n'a pas variée. Je pense
toujours qu'on devrait se battre un peu
moins et un peu plus.
Je ne suis pas féroce au point d'exiger
que les adversaires s'embrochent respec-
tivement jusqu'à la garde, mais je vou-,.
drais tout de même que l'on s'abstînt,
pour un temps, d'échanger des balles
sans résultat. Je trouve qu'on en abuse
un peu trop, et que cela devient un tan-
tinet ridicule.
Et, autant que possible, il serait à sou-
haiter que les témoins s'arrangeassent
de façon à ne pas envoyer l'insulté au
bois de Vincennes et l'insulteur au bois
de Boulogne, ainsi qu'il l'a été fait tout
récemment.
Ce qui, pour une jolie gaffe, était une
jolie gaffe.
S' TROMPENT JAMAIS LES TYl'OS
« Tous les soirs, au Cabaret du Ciel,
« les visions suaves, qu'accompagnent les
« chants et la musique de la troupe
« Romagnano, obtiennent le plus vil suc-
« cès. »
C'est notre confrère le capitaine Fra-
casse, de YEcho de Paris, qui s'exprime
ainsi, dans le numéro du 10 décembre.
— Matin 1 me suis-je dit, il n'y va pas
par quatre chemins, le capitaine ; le caba-
ret a dû trouver le compliment médiocre-
ment suave.
— Mais, me re-suis-je dit, ne serait-ce
pas une distraction des typos' Cela me
surprendrait, cependant : ça leur arrive
si rarement !
coups de poings et coups de cornes
Le même journal, parlant de ce boxeur
anglais qui vient de se faire assommer
dans un assaut, s'écrie pudibondement :
« Ces mœurs nous étonnent et nous
écœurent. »
Bon ! nous n'avons pas besoin de tant
fairela petite bouche. Nous allons voir les
courses de taureaux qui ne sont pas beau-
coup plus propres.
Coups de poings et coups de cornes ne
seront jamais, que je sache, distractions
de délicats.
une réflexion
11 faut une certaine énergie de carac-
tère pour arriver à se défaire des sottes
croyances dont on nous a farci l'esprit
pendant le jeune âge.
Quel est l'homme ayant un peu médité
qui ne sache très bien que toutes ces fa-
bles ne soutiennent pas l'examen?
Mais, voilà, c'est toute une histoire que
de prendre position. Il y a la mère, la
femme, les sœurs, les parents, les amis,
le qu'en dira-t-on.,. On a peur des diffi-
cultés, on ne veut pas avoir l'air de poser
au libre-penseur et, de faiblesse en fai-
blesse, on en arrive à être, en quelque
sorte, forcé d'approuver des stupidités
contre lesquelles le simple bon sens pro-
teste.
O. Revoir.
LA LIBERTÉ DE LA PRESSE
Il n'est pas rassurant du tout le Commu-
niqué que M. Méline a envoyé aux journaux,
mais il a cela de bon, qu'il nous rixe sur les
intentions, jusqu'ici secrètes, de cet homme
d'Etat énervé.
« Le Gouvernement est résolu, si cette
« campagne continue , à prendre, avec le
« concours du Parlement, les mesures né-
« cessaires pour y mettre fin. »
Oh! le Parlement, le ministère peut lui
demander tout ce qu'il veut; nous n'igno-
rons pas qu'il n'est, entre ses mains, qu'un
morceau de cire molle.
Mais, après tout, que lui reproche-t il, à
la presse? De dire parfois le contraire de la
vérité? Bah! Que fait-il donc, lui, depuis
trois mois? Et puis, la presse est divisée en
deux camps nettement séparés; celui qui
n'est pas absolument sûr de la culpabilité
de Dreyfus et celui qui croit en être certain.
Je constate du reste que, de côté et d'autre,
on discute avec passion et en se souciant
médiocrement de la vérité.
Donc, l'attitude du cabinet, depuis l'ori-
gine de cette affaire, a été si peu nette, si
peu franche, que jo serais bien embarrassé
de dire dans quel parti il faut le classer. Il
y en a un des deux, pourtant, qui a ses pré-
férences et ce n'est pas celui qu'il vise dans
son communiqué. Mais lequel ?
L'affaire Dreyfus n'est qu'un prétexte. Il
trouve que la presse crie trop haut et il veut
lui mettre une muselière. Le projet me
semble dangereux. Je me demande même,
s'il a les reins a=sez solides pour porter ie
poids d'une pareille responsabilité.
Il s'en faut de beaucoup que la presse —
prise en général — soit ce que je voudrais
qu'elle fût et j'ai lu, ces derniers temps, plus
d'un article qui m'a écœuré. Je ne vois rien
à faire à cela.
Au début, j'ai répété, avec tant d'autres :
« Laissez dire; le bon sens public fera jus-
« lice des exagérations et remettra les
« choses en leur point. » Je le croyais de
bonne foi; mais le bon sens public n'a rien
fait du tout. C'est tant pis pour lui. Il faut
maintenant que nous attendions qu'une
réaction se fasse. On se lassera bien quelque
jour d'entendre débiter des ordures; on
finira par comprendre que cela n'avance pas
beaucoup les affaires de la République de
répéter chaque matin que Chose est une
canaille et un assassin. Tout a une fin. Les
journalistes néfastes qui ont créé ce vilain
genre, se sont fait cinquante mille livres de
rentes; ceux qui viendront après eux ne
gagneront peut-être pas de quoi boire de
l'eau. Je le souhaite grandement.
Mais, revenant à mon idée, je dirai que ce
n'est pas une raison parce qu'il y en a parmi
nous qui chantent faux, pour mettre un
bâillon sur la bouche de ceux qui chantent
juste.
A qui incombe la responsabilité de cette
lamentable affaire Dreyfus? Au Gouverne-
ment. Si, à l'origine, il avait parlé, sans dé-
tours, loyalement, simplement, il n'y avait
pas, il ne pouvait pas y avoir d'affaire
Dreyfus.
Or, il y en a une, quoi qu'en ait dit M. le
président du Conseil. Et il pourra voir, si
M. Esterhazy est traduit devant le Conseil
de guerre, que la presse sert parfois à
quelque chose.
Elle seule aura le pouvoir de forcer le Gou-
vernement à agir au grand jour, à nous dire
à peu près la vérité et'à ne plus se reufermer
dans un huis-clos offensant et louche.
P. Darin.
@hronique buissonnière
Les petits profits du métier
M. Georges Cochery, Ministre des Finances, a
remis au Président de la République, un écrin
en maroquin rouge ancien, à filets dorés et au
chiffre de M. Félix Faure contenant trois spé-
cimens de la nouvelle pièce de cinquante centi-
mes gravée par M. Roty, un en argent et deux
en or.
Des pièces de dix sous en « or » ? mazette!
Je ne m'étonne plus du succès qu'on fait à
cette nouvelle monnaie, avant même qu'elle
soit lancée dans la circulation.
Point n'est besoin d'être numismate pour
se sentir, à son égard, une subite vocation
de collectionneur.
Notre Félix en a donc eu l'étrenne ; mais
je m'é'onne que le protocole ait toléré qu'on
'lui ait offert ces prémisses monétaires dans
unVêWaften maroquin, après la conduite du
Maroc envers nos nationaux capturés^ et
martyrisés par ses pirates du Riff.
Il nous semble qu'on devait à la nation
« amie et alliée t de présenter au Président
ces monnaies divisionnaires dans un écrin
en cuir de Russie.
Pourvu que ce manque de tact n'en,traîne
pas un refroidissement — surtout à l'entrée
de l'hiver — entre les deux augustes Fêtards
de PéterhotL
Tous les membres du gouvernement ont reçu
également un écrin contenant un exemplaire eD
argent de la nouvelle pièce.
Avis à M. Rouanet — le justicier Pana-
mystificateur, l'homme au rapport avant la
lettre. Voilà des ministres pris la main dans
le sac; ils ne pourront pas nier avoir tou-
ché, ceux-là !
Mais ce n'est pas tout : M. Faure — de
plus en plus Félix — vient encore de rece-
voir un beau piolet d'honneur envoyé de
Savoie pour lui rappeler sa traversée du
col de la Vanoise, lors des dernières ma-
nœuvres.
Inutile d'ajouter que ce piolet est « le plus
beau jour de la vie » de l'alpiniste distingué
qui règne à l'Elysée ; il lui servira à gravir
les escarpements du faubourg Saint-Honoré
et à escalader, au besoin, la Butte-Mont-
martre.
Ah! je comprends que la perspective de
tels cadeaux excite l'ambition de nos nom-
breux hommes politiques, tous candidats à
la Présidence dé la République, tous I
tous I... Auri sacra famés 1 — exécrable soif
des pièces d'or de cinquante centimes... et
des piolets d'honneur !
C'est encore cette préoccupation qui vient de
décider M. Coûtant à déposer une proposition
ayant pour objet d'assurer la sécurité des gar-
çons de recettes.
Le député socialiste demande qu'il soit inter-
dit aux établissements financiers de faire recou-
vrer dans le même jour plus de 5.000 fr. pat
moins de deux employés, sous peine d'une
amende de 1.000 à 3.000 fr., et d'un emprisonne-
ment de un mois à trois ans de prison.
Cette initiative parlementaire, inspirée
par le crime de Bicêtre-Kremlin — encore
et toujours l'alliance des mots franco-
russes! — nous parait Carrera (pardon I)
carrément insuffisante dans ses dispositions
que, sans cela, je n'hésiterais pas à qualifier
de tutélaires.
J'exigerais, à la place du sage législateur
précité, que les maisons de banque modi-
fiassent complètement l'uniforme de leurs
garçons de recettes, en les bardant de fer —
comme les preux chevaliers moyenâgeux
— et en les faisant accompagner dans leurs
dangereuses tournées par un peleton de cui-
rassiers.
En prenant ces précautions élémentaires
— et en s'abstenant soigneusement de man-
ger des champignons — les collègues de l'itt"