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l’apre saveur de la vie
cette garde : le roi n’en sait rien. Quand, enfin, Fradin,
banni, dut quitter la ville, le peuple lui fit escorte, « crians
et soupirans moult fort son departement » (1).
Quand le fameux dominicain Vincent Ferrier (2) arrive
pour prêcher, le peuple, les magistrats, le clergé, les évêques
et les prélats eux-mêmes quittent la ville et se portent à sa
rencontre en chantant des louanges. Il voyage, suivi d’une
foule d’adeptes, qui, chaque soir après le coucher du soleil,
font le tour de la ville en procession, chantant et se flagellant.
Dans chaque ville, de nouvelles troupes se forment. Ferrier
confie à des personnes irréprochables le soin d’héberger et de
nourrir ces multitudes. Nombre de prêtres de tout ordre
voyagent avec lui pour l’aider à entendre les confessions et à
célébrer la messe. Quelques notaires aussi l’accompagnent,
qui prendront acte des réconciliations causées par le saint
prédicateur. Le magistrat de la ville espagnole d’Orihuela
déclare dans une lettre adressée à l’évêque de Murcie que,
dans sa ville, Ferrier a réalisé la réconciliation de 123 diffé-
rends, dont 67 pour cause de meurtre. Quand Vincent
Ferrier prêchait, une barrière de bois le protégeait, lui et sa
suite, contre la pression de la foule qui voulait lui baiser les
mains ou les vêtements. Il était rare qu’il n’émût pas ses
auditeurs jusqu’aux larmes ; et parlait-il du jugement der-
nier, des peines de l’enfer ou des souffrances du Christ, il
éclatait en sanglots avec son auditoire, et devait attendre,
pour reprendre la parole, que les pleurs fussent calmés. Des
malfaiteurs se jetaient à terre devant la foule et, tout en
larmes, confessaient leurs péchés (3).
En 1465, pendant la prédication du carême par Olivier
Maillard à Orléans, tant de personnes grimpèrent sur les
toits des maisons, que le couvreur présenta, pour les répara-
tions, une note de 64 jours de travail (4).
(1) Ghron. scand., II, p. 70-72.
(2) M. Gorge, Saint Vincent Ferrier, Paris, 1924, p. 175.
(3) Vita auct. Petro Ranzano O. P. (1455), Acta sanctorum Avril, t. I,
p. 494 ss.
(4) J. Soyer, Notes pour servir à l’histoire littéraire. Du succès de la prédica-
tion de frère Olivier Maillart à Orléans en 1485, Bulletin de la société archéo-
logique et historique de l’Orléanais, t. XVIII, 1919, mentionné dans la Revue
historique, t. GXXXI, p. 351.
l’apre saveur de la vie
cette garde : le roi n’en sait rien. Quand, enfin, Fradin,
banni, dut quitter la ville, le peuple lui fit escorte, « crians
et soupirans moult fort son departement » (1).
Quand le fameux dominicain Vincent Ferrier (2) arrive
pour prêcher, le peuple, les magistrats, le clergé, les évêques
et les prélats eux-mêmes quittent la ville et se portent à sa
rencontre en chantant des louanges. Il voyage, suivi d’une
foule d’adeptes, qui, chaque soir après le coucher du soleil,
font le tour de la ville en procession, chantant et se flagellant.
Dans chaque ville, de nouvelles troupes se forment. Ferrier
confie à des personnes irréprochables le soin d’héberger et de
nourrir ces multitudes. Nombre de prêtres de tout ordre
voyagent avec lui pour l’aider à entendre les confessions et à
célébrer la messe. Quelques notaires aussi l’accompagnent,
qui prendront acte des réconciliations causées par le saint
prédicateur. Le magistrat de la ville espagnole d’Orihuela
déclare dans une lettre adressée à l’évêque de Murcie que,
dans sa ville, Ferrier a réalisé la réconciliation de 123 diffé-
rends, dont 67 pour cause de meurtre. Quand Vincent
Ferrier prêchait, une barrière de bois le protégeait, lui et sa
suite, contre la pression de la foule qui voulait lui baiser les
mains ou les vêtements. Il était rare qu’il n’émût pas ses
auditeurs jusqu’aux larmes ; et parlait-il du jugement der-
nier, des peines de l’enfer ou des souffrances du Christ, il
éclatait en sanglots avec son auditoire, et devait attendre,
pour reprendre la parole, que les pleurs fussent calmés. Des
malfaiteurs se jetaient à terre devant la foule et, tout en
larmes, confessaient leurs péchés (3).
En 1465, pendant la prédication du carême par Olivier
Maillard à Orléans, tant de personnes grimpèrent sur les
toits des maisons, que le couvreur présenta, pour les répara-
tions, une note de 64 jours de travail (4).
(1) Ghron. scand., II, p. 70-72.
(2) M. Gorge, Saint Vincent Ferrier, Paris, 1924, p. 175.
(3) Vita auct. Petro Ranzano O. P. (1455), Acta sanctorum Avril, t. I,
p. 494 ss.
(4) J. Soyer, Notes pour servir à l’histoire littéraire. Du succès de la prédica-
tion de frère Olivier Maillart à Orléans en 1485, Bulletin de la société archéo-
logique et historique de l’Orléanais, t. XVIII, 1919, mentionné dans la Revue
historique, t. GXXXI, p. 351.