20
l’apre saveur de la vie
duc, enflammé de rage, laisse soudain les affaires importantes
qui le retenaient en Hollande, et entreprend le dangereux
voyage en mer de Rotterdam à L’Écluse afin d’exécuter son
capricieux projet (1). Et cela pendant la semaine sainte !
Une autre fois, fou de colère à propos d’une querelle avec son
fils, il s’enfuit seul de Bruxelles et erre toute la nuit dans les
bois. C’est au chevalier Philippe Pot qu’incombe la tâche
ardue de le pacifier. L’habile courtisan trouve cette phrase
heureuse : « Bonjour, Monseigneur, bonjour, qu’est cecy ?
Faites-vous du roy Artus maintenant ou de messire Lan-
celot ? » (2).
Quand les médecins lui prescrivent de se raser la tête,
le duc Philippe décrète que tous les nobles feront de même, et
charge Pierre de Hagenbach de tondre les récalcitrants (3).
Le jeune roi de France Charles VI, déguisé et monté avec
un ami sur un même cheval, regarde l’entrée de sa fiancée
Isabeau de Bavière et, dans la foule, est roué de coups par
les gardiens de la paix (4).
Un poète du xve siècle critique le fait que les princes
élèvent au rang de ministre et de conseiller leur bouffon ou
leur musicien, comme ce fut le cas pour Coquinet le fou de
Bourgogne (5).
Le gouvernement n’est pas encore enfermé dans les
limites de la bureaucratie et du protocole ; à tout moment,
le prince peut se soustraire à ces deux influences et chercher
ailleurs ses directives. Ainsi, les princes du xve siècle
demandent souvent conseil, dans les affaires de l’État, à
d’ascétiques visionnaires ou à des prédicateurs exaltés.
Denis le Chartreux, Vincent Ferrier parurent comme con-
seillers politiques ; l’orageux orateur Olivier Maillard fut
mêlé aux secrètes entreprises des cours princières (G). Une
(1) Chastellain, III, p. 85 ss.
(2) Id., III, p. 279.
(3) La Marche, II, p. 421.
(4) Juvénal des Ursins, p. 379.
(5.) Martin le Franc, Le Champion des dames, par G. Doutrepont, La litté-
rature française à la cour des Ducs de Bourgogne (Bibl. du xve siècle, t. VIII),
Paris, Champion, 1909, p. 304. ,
(6) AA SS avr., t. I, p. 496 ; A. Renaudet, Préréforme et humanisme a Pans,
1494-1517, Paris, Champion, 1916, p. 163.
l’apre saveur de la vie
duc, enflammé de rage, laisse soudain les affaires importantes
qui le retenaient en Hollande, et entreprend le dangereux
voyage en mer de Rotterdam à L’Écluse afin d’exécuter son
capricieux projet (1). Et cela pendant la semaine sainte !
Une autre fois, fou de colère à propos d’une querelle avec son
fils, il s’enfuit seul de Bruxelles et erre toute la nuit dans les
bois. C’est au chevalier Philippe Pot qu’incombe la tâche
ardue de le pacifier. L’habile courtisan trouve cette phrase
heureuse : « Bonjour, Monseigneur, bonjour, qu’est cecy ?
Faites-vous du roy Artus maintenant ou de messire Lan-
celot ? » (2).
Quand les médecins lui prescrivent de se raser la tête,
le duc Philippe décrète que tous les nobles feront de même, et
charge Pierre de Hagenbach de tondre les récalcitrants (3).
Le jeune roi de France Charles VI, déguisé et monté avec
un ami sur un même cheval, regarde l’entrée de sa fiancée
Isabeau de Bavière et, dans la foule, est roué de coups par
les gardiens de la paix (4).
Un poète du xve siècle critique le fait que les princes
élèvent au rang de ministre et de conseiller leur bouffon ou
leur musicien, comme ce fut le cas pour Coquinet le fou de
Bourgogne (5).
Le gouvernement n’est pas encore enfermé dans les
limites de la bureaucratie et du protocole ; à tout moment,
le prince peut se soustraire à ces deux influences et chercher
ailleurs ses directives. Ainsi, les princes du xve siècle
demandent souvent conseil, dans les affaires de l’État, à
d’ascétiques visionnaires ou à des prédicateurs exaltés.
Denis le Chartreux, Vincent Ferrier parurent comme con-
seillers politiques ; l’orageux orateur Olivier Maillard fut
mêlé aux secrètes entreprises des cours princières (G). Une
(1) Chastellain, III, p. 85 ss.
(2) Id., III, p. 279.
(3) La Marche, II, p. 421.
(4) Juvénal des Ursins, p. 379.
(5.) Martin le Franc, Le Champion des dames, par G. Doutrepont, La litté-
rature française à la cour des Ducs de Bourgogne (Bibl. du xve siècle, t. VIII),
Paris, Champion, 1909, p. 304. ,
(6) AA SS avr., t. I, p. 496 ; A. Renaudet, Préréforme et humanisme a Pans,
1494-1517, Paris, Champion, 1916, p. 163.