70 LA CONCEPTION HIÉRARCHIQUE DE LA SOCIÉTÉ
ces groupes représente une institution divine, qu’il est un
élément dans l’organisme de la Création, aussi réel, aussi
respectable que les trônes célestes et les puissances de la
hiérarchie angélique.
Dans l’image magnifique que l’on se faisait de l’État et
de la société, une fonction était assignée à chacun des ordres,
non pas conformément à son utilité éprouvée, mais confor-
mément à son éclat et à son degré de sainteté. On pouvait
donc déplorer la dégénérescence du clergé, la décadence des
vertus chevaleresques, sans renoncer en aucune sorte à
l’image idéale : les péchés des hommes peuvent empêcher la
réalisation de l’idéal, mais celui-ci demeure le fondement
et la directive de la pensée sociale. L’image que le moyen-âge
se fait de la société est statique, non dynamique.
Ghastellain, l’historiographe attitré de Philippe le Bon et
de Charles le Téméraire, dont l’œuvre opulente reste un des
meilleurs miroirs de la pensée de l’époque, voit la société de son
temps sous une étrange lumière. Cet homme, nourri dans les
prés de la Flandre, avait sous les yeux le brillant développe-
ment de la bourgeoisie ; et cependant, aveuglé par l’éclat de la
cour de Bourgogne, il ne découvre dans l’État, comme source
de toute force, que le courage et la vertu chevaleresques.
Dieu a fait naître le peuple pour qu’il travaille, laboure le
sol, procure par le commerce les commodités nécessaires à
la vie ; il a créé le clergé pour l’œuvre de la foi, mais la noblesse
pour qu’elle cultive la vertu et maintienne la justice, pour
que, par ses faits et ses mœurs, elle soit à tous un modèle.
Les plus hautes tâches de l’État sont assignées par Chastel-
lain à la noblesse : protéger l’Église, renforcer la foi, défendre
le peuple contre l’oppression, maintenir la prospérité pu-
blique, combattre la violence et la tyrannie, consolider la paix.
Vérité, bravoure, moralité et libéralité sont les qualités
propres à la classe noble. Et la noblesse de France, dit
ce pompeux panégyriste, répond entièrement à cette image
idéale (1). Dans toute son œuvre, il apparaît que Ghastellain
(1) Ghastellain, Le miroer des nobles hommes en France, VI, p. 204, Exposi-
tion sur vérité mal prise, VI, p. 416. L’entrée du roy Loys en nouveau règne,
VII, p. 10.
ces groupes représente une institution divine, qu’il est un
élément dans l’organisme de la Création, aussi réel, aussi
respectable que les trônes célestes et les puissances de la
hiérarchie angélique.
Dans l’image magnifique que l’on se faisait de l’État et
de la société, une fonction était assignée à chacun des ordres,
non pas conformément à son utilité éprouvée, mais confor-
mément à son éclat et à son degré de sainteté. On pouvait
donc déplorer la dégénérescence du clergé, la décadence des
vertus chevaleresques, sans renoncer en aucune sorte à
l’image idéale : les péchés des hommes peuvent empêcher la
réalisation de l’idéal, mais celui-ci demeure le fondement
et la directive de la pensée sociale. L’image que le moyen-âge
se fait de la société est statique, non dynamique.
Ghastellain, l’historiographe attitré de Philippe le Bon et
de Charles le Téméraire, dont l’œuvre opulente reste un des
meilleurs miroirs de la pensée de l’époque, voit la société de son
temps sous une étrange lumière. Cet homme, nourri dans les
prés de la Flandre, avait sous les yeux le brillant développe-
ment de la bourgeoisie ; et cependant, aveuglé par l’éclat de la
cour de Bourgogne, il ne découvre dans l’État, comme source
de toute force, que le courage et la vertu chevaleresques.
Dieu a fait naître le peuple pour qu’il travaille, laboure le
sol, procure par le commerce les commodités nécessaires à
la vie ; il a créé le clergé pour l’œuvre de la foi, mais la noblesse
pour qu’elle cultive la vertu et maintienne la justice, pour
que, par ses faits et ses mœurs, elle soit à tous un modèle.
Les plus hautes tâches de l’État sont assignées par Chastel-
lain à la noblesse : protéger l’Église, renforcer la foi, défendre
le peuple contre l’oppression, maintenir la prospérité pu-
blique, combattre la violence et la tyrannie, consolider la paix.
Vérité, bravoure, moralité et libéralité sont les qualités
propres à la classe noble. Et la noblesse de France, dit
ce pompeux panégyriste, répond entièrement à cette image
idéale (1). Dans toute son œuvre, il apparaît que Ghastellain
(1) Ghastellain, Le miroer des nobles hommes en France, VI, p. 204, Exposi-
tion sur vérité mal prise, VI, p. 416. L’entrée du roy Loys en nouveau règne,
VII, p. 10.