Mais H est infiniment plus dessinateur. Ici, pas d’effets de lumière momen-
tanés ni de mouvements rapides : un éclairage neutre et des poses durables.
H est très préoccupé de préciser les formes. Dans la Pietà, par exemple,
le corps du Christ n’est, certes, pas encore poussé au même degré de perfection
que celui de l’Adam dans XAdoration de VAgneau ; néanmoins, au point de
vue de l’analyse des formes du torse, il surpasse tout ce qui avait été fait jusque
là. De même, l’œil du Christ mort, sur les genoux de la Vierge, celui de Dieu le
Père bénissant, la main de la Vierge de la Pietà, etc., tout est soigneusement
détaillé. Notons des traits réalistes, comme, par exemple, dans le Jardin des
Oliviers, le saint Pierre qui, manifestement, ronfle en dormant. Saint Jean dort,
la tête appuyée sur la main, et le tiraillement de la peau est indiqué de façon
vraiment naturelle.
Il faut remarquer la manière dont sont représentées les boucles des cheveux
du saint Pierre endormi au Jardin des Oliviers, manière qu’on retrouve dans le
saint Jean l’Evangéliste peint en grisaille au revers des volets de l’Adoration de
rAgneau.
Faisons attention au rendu des étoffes chez H. Déjà, par exemple, dans
la robe du Christ au Jardin des Oliviers, dans celle du saint Pierre endormi, dans
celle de la Vierge et de la Madeleine de la Pietà, nous observons, d’une façon
caractérisée, les plis lourds, cassés en ligne droite, qui paraissent bien être de
l’invention de Johannes et qui furent si largement imités par ses successeurs.
Or, nous avons des raisons de croire que cette forme de plis s’est, en effet, répandue
dès les environs de 1410.
A signaler aussi la différence dans la manière de rendre les rochers : les
rochers de G sont peints en gouache, ceux de H sont soigneusement dessinés à
la plume et puis coloriés en teintes transparentes, au lavis.
Il serait facile de multiplier les observations de ce genre.
Concluons que H est identique à Johannes van Eyck, dans sa jeunesse.
Au commencement du xvie siècle, on se souvenait encore que Johannes
avait débuté dans la carrière artistique en enluminant des livres ; c’est ce que
nous apprend le témoignage de Pietro Summonte, dans une lettre écrite à Naples
le 20 mars 1524, et adressée à Marco Antonio Michiel (1). Ce précieux renseigne-
ment prête à nos conclusions un appui dont on ne saurait méconnaître la force.
Les peintures dont nous venons de parler sont les seules connues jusqu’à présent
auxquelles ce texte puisse s’appliquer.
*
* *
Hubrecht et Johannes van Eyck ont donc travaillé ensemble aux « Très
belles Heures » en 1416-1417. Leur atelier familial est à comparer à celui des frères
(1) Après avoir cité des œuvres de Rogier van der Weyden, il parle de«... quell’ altro gran Maestro
Joannes, che prima fe l'arte d’illuminare libri, sive ut hodie loquimur miniare ... ». Voy. W. H. James Weale : Hubert
and John van Eyck, p. 208.
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tanés ni de mouvements rapides : un éclairage neutre et des poses durables.
H est très préoccupé de préciser les formes. Dans la Pietà, par exemple,
le corps du Christ n’est, certes, pas encore poussé au même degré de perfection
que celui de l’Adam dans XAdoration de VAgneau ; néanmoins, au point de
vue de l’analyse des formes du torse, il surpasse tout ce qui avait été fait jusque
là. De même, l’œil du Christ mort, sur les genoux de la Vierge, celui de Dieu le
Père bénissant, la main de la Vierge de la Pietà, etc., tout est soigneusement
détaillé. Notons des traits réalistes, comme, par exemple, dans le Jardin des
Oliviers, le saint Pierre qui, manifestement, ronfle en dormant. Saint Jean dort,
la tête appuyée sur la main, et le tiraillement de la peau est indiqué de façon
vraiment naturelle.
Il faut remarquer la manière dont sont représentées les boucles des cheveux
du saint Pierre endormi au Jardin des Oliviers, manière qu’on retrouve dans le
saint Jean l’Evangéliste peint en grisaille au revers des volets de l’Adoration de
rAgneau.
Faisons attention au rendu des étoffes chez H. Déjà, par exemple, dans
la robe du Christ au Jardin des Oliviers, dans celle du saint Pierre endormi, dans
celle de la Vierge et de la Madeleine de la Pietà, nous observons, d’une façon
caractérisée, les plis lourds, cassés en ligne droite, qui paraissent bien être de
l’invention de Johannes et qui furent si largement imités par ses successeurs.
Or, nous avons des raisons de croire que cette forme de plis s’est, en effet, répandue
dès les environs de 1410.
A signaler aussi la différence dans la manière de rendre les rochers : les
rochers de G sont peints en gouache, ceux de H sont soigneusement dessinés à
la plume et puis coloriés en teintes transparentes, au lavis.
Il serait facile de multiplier les observations de ce genre.
Concluons que H est identique à Johannes van Eyck, dans sa jeunesse.
Au commencement du xvie siècle, on se souvenait encore que Johannes
avait débuté dans la carrière artistique en enluminant des livres ; c’est ce que
nous apprend le témoignage de Pietro Summonte, dans une lettre écrite à Naples
le 20 mars 1524, et adressée à Marco Antonio Michiel (1). Ce précieux renseigne-
ment prête à nos conclusions un appui dont on ne saurait méconnaître la force.
Les peintures dont nous venons de parler sont les seules connues jusqu’à présent
auxquelles ce texte puisse s’appliquer.
*
* *
Hubrecht et Johannes van Eyck ont donc travaillé ensemble aux « Très
belles Heures » en 1416-1417. Leur atelier familial est à comparer à celui des frères
(1) Après avoir cité des œuvres de Rogier van der Weyden, il parle de«... quell’ altro gran Maestro
Joannes, che prima fe l'arte d’illuminare libri, sive ut hodie loquimur miniare ... ». Voy. W. H. James Weale : Hubert
and John van Eyck, p. 208.
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