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Hulin de Loo, Georges
Heures de Milan: troisième partie des Très-Belles Heures de Notre-Dame enluminées par les peintres de Jean de France, Duc de Berry et par ceux du Duc Guillaume de Bavière ...; vingt-huit feuillets historiés reproduits d'après les originaux de la Biblioteca Trivulziana a Milan — Bruxelles [u.a.], 1911

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https://doi.org/10.11588/diglit.42561#0074
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A cause des jeunes garçons, j’avais d’abord pensé à l’épisode des enfants de
Béthel qui, ayant insulté le prophète, furent maudits par lui. Mais il ne peut en être
question, car cet épisode n’a aucun rapport ni avec l’Entrée de Jésus à Jérusalem,
ni avec les Vendeurs chassés du temple. Au contraire, c’est une préfigure bien connue
de la malédiction des Juifs qui insultèrent Jésus lors de la Passion. Déjà Isidore de
Séville nous dit que les deux ours qui massacrèrent 42 des méchants enfants signifient
Vespasien et Titus qui, 42 ans après la mort du Christ, détruisirent Jérusalem. Aussi
ce « type » se trouve-t-il, dans divers recueils typologiques, en regard soit du Portement
de la Croix, soit de Jésus couronné d’épines, subissant les outrages de ses bourreaux. —
D’ailleurs, dans notre bas-de-page, le prophète semble bénir et non maudire ; rien
n’indique que les enfants le raillent, et on ne voit pas les ours qui ne manquent
jamais dans la représentation de ce sujet.
Le R. P. van den Gheyn, à qui je m’étais adressé dans mon embarras, me signala,
dans le magnifique Psautier de Peterborough, de la Bibliothèque Royale, à Bruxelles,
un autre épisode de la vie d’Elisée, représenté à titre de préfigure de Jésus chassant
les vendeurs du temple, comme l’indique le texte qui accompagne la peinture dont
en même temps il fixe le sujet : Elisée chasse son serviteur Giezi, parce que, malgré
son refus, il avait soutiré de riches présents (sacs d’argent et vêtements) à Naaman,
miraculeusement guéri de la lèpre par le prophète. Comme châtiment, Giezi est frappé
de la lèpre, lui et sa descendance. A raison de sa simonie, Giezi est naturellement
comparé aux vendeurs du temple. La peinture exprime bien la situation : c’est Elisée
qui se tient devant la porte ; il fait le geste de renvoyer Giezi, lequel s’éloigne, emportant
les présents.
Malheureusement, on le voit, la composition de la vignette de Milan ne répond
pas à ce sujet.
L’exemple du Psautier de Peterborough est pourtant suggestif en ce qu’il montre
que d’ancienne date, dans une page où se voient l’Entrée à Jérusalem et les Vendeurs
chassés du temple, on représentait, à titre de préfigure, une scène de la vie d’Elisée,
située devant une porte de ville. C’est cette porte de ville, dont la présence n’est pas
justifiée dans l’histoire de Giezi, et qui semble indiquer un parallèle avec l’Entrée
à Jérusalem, qui m’a suggéré une troisième conjecture, que je me permets de proposer,
quoique je ne puisse l’appuyer d’aucun exemple ancien.
Il y a précisément un paysage de la biographie d’Elisée qui se prête fort bien à
un rapprochement avec l’Entrée de Jésus à Jérusalem : Après avoir reçu en lui l’esprit
d’Elie, et avoir fait le miracle de diviser les eaux du Jourdain (épisode que le même
enlumineur a représenté ailleurs), Elisée retourne à Jéricho. Les «fils des prophètes»,
qui habitent cette ville, vont à sa rencontre et se prosternent devant lui.
L’expression « fils des prophètes » peut fort bien avoir conduit le peintre à les
représenter comme de jeunes garçons, et à leur donner la tonsure. L’enfant tire
Elisée par le bras, vraisemblablement pour marquer qu’il l’invite à entrer dans la
ville. Il est vrai qu’un détail manque : les enfants saluent mais sans se prosterner. —
Notre enlumineur n’a probablement pas consulté directement la Bible. Il aura eu
sous les yeux quelque modèle figuré, sans autre légende que le nom «Helyzeus», et
peut-être n’a-t-il pas lui-même parfaitement compris la scène. Je ne considère pas
comme inadmissible que notre vignette et celle du Psautier de Peterborough remontent
à une commune origine : peinture de composition peu claire, non accompagnée du
texte explicatif, et depuis diversement interprétée. Ainsi s’expliquerait la figuration,
dans le Psautier de Peterborough, d’une vue de ville occupant la même place, à
dextre, que dans notre bas-de-page, lequel serait resté plus conforme au sujet primitif.
En faveur de cette conjecture, on peut tirer argument du fait que, dans tous les

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