PRÉFACE

L’histoire de l’Art ne présente pas de problème plus surprenant
que celui de la brusque éclosion de l’art eyckien. Certes, l’époque qui
précède, dès la fin du xive siècle, est pour l’art occidental une époque de
crise intense, favorable à la naissance de formes nouvelles ; certes, dès le
seuil du xve siècle, se dessine une transformation rapide de la peinture,
au point de vue tant de la conception que de l’exécution : les traditions
sont abandonnées, une vive effervescence se manifeste ; les recherches se
multiplient dans les sens les plus divers. — Mais, entre ces intentions^ ces
tentatives^ et les pleines et magistrales réalisations qu’apportèrent les frères
van Eyck, la distance est si grande et si rapidement franchie, le progrès
est si gigantesque, que nous ne connaissons pas d’autre exemple d’un tel
hiatus dans la continuité de l’évolution historique.
Tout est mystère dans cette génération soudaine et d’apparence
spontanée. L’histoire la rattache aux noms de deux hommes, deux frères :
Hubrecht et Johannes d’Eyck-sur-Meuse. Quelle fut la part de chacun ?
Il n’est pas besoin de rappeler ici la longue liste d’opinions divergentes
qui ont été émises à ce sujet.
Mais ce n’est point là la seule question que nous pose le sphynx.
Même si nous renoncions à la résoudre, si nous nous résignions
à considérer l’œuvre eyckien comme un tout indivisible, les points
d’interrogation les plus déconcertants se dresseraient encore.
De quelles origines immédiates cet art est-il sorti ? dans quel milieu,