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No 16.

81 Août 1884.

Vingt-sixième Annee.

JOURNAL DES BEAUX-ARTS

ET DE LA LITTÉRATURE,

DIRECTEUR : M. Ad. SIRET.

membre de l'académie roy. de belgique, etc.

SOMMAIRE. Beaux-Arts : Réflexions opportunes-

— L'exposition de blanc et noir. — L'enfance de
^Iillais. — Nouvelles du pays de l'art. — Les
artistes anglais contemporains. — Collection de
numismatique de Garthe. — Congrès archéolo-
gique à Anvers.—I. ittérature : Poètes nouveaux.

— Chronique générale. — Exposition internatio-
nale de Nurenberg. — Annonces.

Beaux-Arts.

RÉFLEXIONS OPPORTUNES.

A propos du désarroi dans lequel le monde
des artistes se voit chaque jour de plus en
plus empêtre, en présence de ces suicides
continus, de ces misères effrayantes dont sont
frappés les veuves et les orphelins, de ces dé-
sespoirs qui mènent à la folie et au gâtisme,
en présence d'une position presque désespé-
ré, ne serait-il pas temps de pousser vigou-
reusement à l'extension de toutes les mani-
festations de l'art pouvant fournir la plus
grande somme d'ouvrage au plus grand nom-
bre d'artistes? Par quel aveuglement, par
quels conseils pernicieux,par quelle influence
fatale en est-on venu en Belgique à suppri-
mer les grands et féconds travaux de peinture
monumentale? Nous avons chez nous de
quoi entretenir une légion d'artistes de tout
genre rien qu'avec un programme attentive-
ment élaboré des travaux qui pourraient
s'exécuter dans le pays. On ne saurait croire
a quel développement on arriverait du
travail d'art industriel lui-même si on ren-
trait dans la voie suivie naguère en Belgique
et d'où sont, en définitive, sortis les artistes
qui jettent le plus d'éclat sur la patrie.

Tout récemment on a vu qu'en France on
est rentré à pleines voiles dans le système
de faire grand et, rien qu'à l'hôtel de ville de
Paris, on a pu apprécier les commandes im-
portantes qui se sont faites à toute une volée
d'artistes lesquels sont assurés ainsi pour
longtemps de pain et de gloire. Cette réac-
tion a pu faire soulever les criailleries des
modernistes à tous crins, mais, en somme, la
saine partie du public a vigoureusement ap-
plaudi au retour de traditions que vainement
trente années de luttes bruyantes et infécon-
des ont cherché à détruire. Bon gré, mal gré
on reviendra, je ne dis pas à l'ère des con-
ventions académiques,mais à l'ère des grands
enthousiasmes qui éclataient en présence des

paraissant deux fois par mois.

PRIX PAR AN : BELGIQUE : 9 FRANCS.

étranger : 12 fr.

travaux de tout genre où s'allumaient les
fièvres et les aspirations du génie.

Mais qu'on se garde d'être exclusifs! Ce
qui tue l'art en tout c'est l'absolutisme. Le
meilleur système à suivre dans des questions
d'art de ce genre c'est de consulter les tempé-
raments qu'il y a lieu de guider et non les
soifs qu'il faut assouvir. Malheureusement ce
n'est pas le système qui a prévalu et nous
nous en apercevons un peu tard, alors que le
banquisme le plus effréné, le scandale des
ventes et des vols, le spectacle des plus insi-
gnes fumisteries et l'étalage éhonté d'insani-
tés vantées par une presse vendue, ont attristé
tous ceux qui aiment l'art dans sa significa-
tion la plus haute et la plus émue.

Pendant longtemps ceux de nos artistes
sérieux tenus à l'écart ont cherché à l'étranger
ce qui pouvait les fortifier dans leurs convic-
tions et les aider à l'existence Bon nombre
de ceux-là,et des meilleurs,sont émigré et sont
morts dans cet exil forcé. D'autres ont sacri-
fié au Dieu du jour et ont vécu de peu de
gloire et de peu d'argent, mais enfin ils ont
vécu; d'autres encore ont succombé à la peine
et ont glissé dans la nuit sans que l'on sût ce
qu'ils étaient devenus. Il en est enfin qui,
grâce à des influences productives, ont assez
bien arrondi leur enclos et agrandi la mai-
son. Ne parlons point de ceux là, tout le
monde les nomme, nul ne les connaît.

Ces réflexions nous sont venues non point
à propos du salon que nous n'avons pas en-
core visité, mais à propos de deux faits qui,
sans avoir une importance capitale, renfer-
ment cependant une leçon dont nous de-
vrions savoir profiter. L'un est celui d'une
fabrique d'église allemande qui vient chez
nous chercher un peintre d'histoire pour dé-
corer une église importante. L'autre est celui
d'une sérieuse maison de librairie qui pu-
blie un album d'après douze compositions
d'un artiste belge que nous connaissons à
peine chez nous et qui s'est taillé à l'étranger
une légitime réputation.

Celui qui va peindre l'église de St-Laurent
à Steele, près de Dusseldorf, est M. Joseph
Janssens que quelques portraits ont signalé
à l'attention des critiques bien vite réduits au
silence par le motif que leur auteur était un
peintre d'histoire religieuse. On avait vu de
lui à l'exposition de Gand une délicieuse
Education de Jésus traitée dans un style

ADMINISTRATION et CORRESPONDANCE

A S'-NICOLAS (BELGIQUE).

adapté au sujet, de plus une Sainte Barbe
d'une composition poétique et travaillée dans
une manière qui imitait celle du divin
Raphaël. Il n'en fallait guère plus pour
condamner, dans le clan de nos puissants
faiseurs, le peintre au silence à perpétuité.
C'est ce que l'on fit avec ce succès impudent
que savent s'attribuer si bénévolemment les
pressiers, guides et inspirateurs du goût pu-
blic, mais à mesure qu'on appuyait sur
l'homme pour le faire disparaître sous le ni-
veau, il reparaissait à l'étranger qui le salua
et le fêta. C'est ainsi que M. Joseph Janssens
est en train de devenir hors de chez lui un
Belge que la Belgique ignore.

L'autre est aussi un artiste sérieux qui
peint le portrait, le genre et surtout l'histoire
religieuse. C'est Théophile Lybaert qui pro-
duisit naguère une Madame Elisabeth en
prières,petit chef d'œuvre de style et de pein-
ture, un à la Porte du palais où éclatait une
étonnante liberté et flexibilité de pinceau,
puis d'autres œuvres pensées, mais on se tut,
parce que, ici encore, l'artiste avait sa tare et
puis, disons le hardiment, on en avait peur.
Là bas, en Bavière où ne règne pas au même
degré ni de la même manière,les petits senti-
ments dont nous nous regalons méchamment,
Théophile Lybaert est montré aux artistes et
à la foule et, à son insu, on publie ses œu-
vres et son portrait.

Nous pourrions citer d'autres faits tout
aussi probants, mais il nous suffit pour au-
jourd'hui de consigner dans nos colonnes
ceux que nous venons de faire connaître
pour donner à nos lecteurs une idée de ce
qui passe chez nous. Les récompenses hono-
rifiques et matérielles sont dispensées en
Belgique avec une parcimonie que nous ne
blâmons pas, mais ce qui a le droit de nous
affliger, c'est la manière dont ces dispensa-
tions sont faites. Les honneurs? Nous avons
toujours été d'avis, et nous le sommes en-
core, qu'il faudrait les supprimer au moins
comme corollaire obligé de nos expositions.
Les commandes? Nous les voudrions com-
prises de manière toute différente et de façon
à mécontenter le moins possible, car en cette
matière rien de plus facile que de ne conten-
ter personne, même le favorisé.

Si nous voulons conserver nos artistes, si
nous voulons leur assurer dans une mesure
compatible avec nos ressources, un bien-être
 
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