2 66 MÉMOIRE
coquillages, par tout ailleurs : le fond, dans bien des endroits, est tapissé de
mousse.
Le lac Menzaleh est très-poissonneux ; l'entrée des bouches est fréquentée par
des marsouins. Nous n'avons pas vu beaucoup d'oiseaux sur le lac, mais bien sur
la plage, le long de la mer, dans les parties que les eaux venoient d'abandonner.
On navigue sur le lac à la voile, à la rame, et à la perche ; le vent contraire
double ou triple le temps d'un trajet, selon que le vent est fort. On mouille
en s'amarrant à deux perches, qu'on enfonce très-aisément, l'une de l'avant et
l'autre de l'arrière.
Les bateaux pêcheurs du lac Menzaleh ont à-peu-près la même forme que ceux
du Nil, c'est-à-dire que leur proue est plus élevée d'environ sept décimètres que
leur poupe. Dans la première, l'arrière trempe encore davantage dans l'eau ; ce
qui donne plus de facilité au pêcheur, debout sur le pont, d'assembler son filet,
de le jeter, et de le retirer. La quille est concave sur sa longueur, à cause de
l'échouage, assez fréquent dans un lac qui se trouve avoir autant de bas-fonds.
Lorsque les habitans de Mataryeh vont faire la pêche loin de leurs îles, ils
prennent de l'eau douce dans de grandes jarres qui sont amarrées au pied des
mâts de leurs djermes : chaque djerme a une de ces jarres.
Les pêcheurs de Mataryeh paroissent former une classe particulière. Comme ils
interdisoient la pêche du iac Menzaleh à leurs voisins, ils avoient avec eux peu
de communication. Presque toujours nus, dans l'eau , et livrés à des travaux
pénibles , ils sont forts, vigoureux et déterminés. Avec de belles formes, ils ont
un air sauvage; leur peau brûlée par le soleil, leur barbe noire et dure, rendent
cet air plus sauvage encore. Lorsqu'ils se trouvent en présence de leurs ennemis,
ils poussent mille cris barbares avec l'accent de la fureur ; ils frappent sur une sorte
de tambourin, sur le pont de leurs bateaux , et sur tout ce qui peut faire du bruit ;
ils embouchent le buccin, et développent le fameux rouhh (i) dans la conque de
ce coquillage. « Si nous étions des miliciens, disoient les volontaires, ce vacarme
y> nous feroit peur, et nous nous jetterions à l'eau. » Ainsi le soldat Français
conserve par-tout sa gaieté, et sauve par un bon mot l'ennui, ou l'idée du danger
des circonstances où il se trouve.
Le lac Menzaleh ne communique avec la mer que par deux bouches prati-
cables, celles de Dybeh et d'Omm-fareg, qui sont les bouches Mendésienne et
Tanitique des anciens.
Entre ces deux bouches, il en existe une troisième, qui auroit communication
avec la mer sans une digue factice, formée de deux rangs de pieux, dont l'in-
tervalle est rempli de plantes marines entassées. On trouve une bouche semblable,
mais comblée, au-delà de celle d'Omm-fareg. Ces ouvertures étoient connues
des anciens, et Strabon les désigne par le nom de ^vh^^-nx. [pseudostomataj,
fausses bouches.
La langue de terre qui sépare la mer d'avec le lac, et qui s'étend depuis la
(i) Rouhh a'nny yâ kelb ! Retire-toi de moi, chien !
coquillages, par tout ailleurs : le fond, dans bien des endroits, est tapissé de
mousse.
Le lac Menzaleh est très-poissonneux ; l'entrée des bouches est fréquentée par
des marsouins. Nous n'avons pas vu beaucoup d'oiseaux sur le lac, mais bien sur
la plage, le long de la mer, dans les parties que les eaux venoient d'abandonner.
On navigue sur le lac à la voile, à la rame, et à la perche ; le vent contraire
double ou triple le temps d'un trajet, selon que le vent est fort. On mouille
en s'amarrant à deux perches, qu'on enfonce très-aisément, l'une de l'avant et
l'autre de l'arrière.
Les bateaux pêcheurs du lac Menzaleh ont à-peu-près la même forme que ceux
du Nil, c'est-à-dire que leur proue est plus élevée d'environ sept décimètres que
leur poupe. Dans la première, l'arrière trempe encore davantage dans l'eau ; ce
qui donne plus de facilité au pêcheur, debout sur le pont, d'assembler son filet,
de le jeter, et de le retirer. La quille est concave sur sa longueur, à cause de
l'échouage, assez fréquent dans un lac qui se trouve avoir autant de bas-fonds.
Lorsque les habitans de Mataryeh vont faire la pêche loin de leurs îles, ils
prennent de l'eau douce dans de grandes jarres qui sont amarrées au pied des
mâts de leurs djermes : chaque djerme a une de ces jarres.
Les pêcheurs de Mataryeh paroissent former une classe particulière. Comme ils
interdisoient la pêche du iac Menzaleh à leurs voisins, ils avoient avec eux peu
de communication. Presque toujours nus, dans l'eau , et livrés à des travaux
pénibles , ils sont forts, vigoureux et déterminés. Avec de belles formes, ils ont
un air sauvage; leur peau brûlée par le soleil, leur barbe noire et dure, rendent
cet air plus sauvage encore. Lorsqu'ils se trouvent en présence de leurs ennemis,
ils poussent mille cris barbares avec l'accent de la fureur ; ils frappent sur une sorte
de tambourin, sur le pont de leurs bateaux , et sur tout ce qui peut faire du bruit ;
ils embouchent le buccin, et développent le fameux rouhh (i) dans la conque de
ce coquillage. « Si nous étions des miliciens, disoient les volontaires, ce vacarme
y> nous feroit peur, et nous nous jetterions à l'eau. » Ainsi le soldat Français
conserve par-tout sa gaieté, et sauve par un bon mot l'ennui, ou l'idée du danger
des circonstances où il se trouve.
Le lac Menzaleh ne communique avec la mer que par deux bouches prati-
cables, celles de Dybeh et d'Omm-fareg, qui sont les bouches Mendésienne et
Tanitique des anciens.
Entre ces deux bouches, il en existe une troisième, qui auroit communication
avec la mer sans une digue factice, formée de deux rangs de pieux, dont l'in-
tervalle est rempli de plantes marines entassées. On trouve une bouche semblable,
mais comblée, au-delà de celle d'Omm-fareg. Ces ouvertures étoient connues
des anciens, et Strabon les désigne par le nom de ^vh^^-nx. [pseudostomataj,
fausses bouches.
La langue de terre qui sépare la mer d'avec le lac, et qui s'étend depuis la
(i) Rouhh a'nny yâ kelb ! Retire-toi de moi, chien !