La situation en Égypte.
— Qui vous a donné l’idée d’entreprendre ce voyage? avous-nous
demandé à Abou Naddara.
— Ce sont surtout les lettres que je recevais d’Egypte qui trahissaient
parfois chez nies amis une sorte ae découragement. J’ai tenu à convaincre
mes compatriotes que leur seule chance de salut réside dans l’entente
franco-turque et les mettre en garde contre la propagande démoralisante
que les Anglais ont entreprise par la presse locale à leur solde et par
leurs agents indigènes grassement payés.
« Ainsi, lorsque, dans l’avant-dernier numéro de mon journal, en mai,
j’ai raconté que j’avais vu dans un rêve le Commandeur des croyants et
que le souverain m’avait réconforté, j’ai reçu des membres au Parti
National égyptien des lettres dans lesquelles ils me suppliaient de réaliser
cette fiction.
« C’est alors que je suis parti, le 6 juin, sans en parler à personne ; '
le i4, j’arrivai à Constantinople à bord du Bralla et je descendais à
l’Hôtel des Colonies,en recommandant de ne pas donner mon nom aux
journaux de Péra. Mais le lendemain, un envoyé du Palais venait
m’annoncer que le Sultan, informé de mon départ, m’avait fait chercher
dans tous les hôtels et entendait que je fusse son hôte. J’allai donc
m’installer dans un superbe appartement que le souverain avait fait
lmp .Lefebvre Base. du Caire 87'89.Baria.
GARE AU LOUP ! L’AGNEAU EST DEVENU LION
Le dessin ci-dessus et la légende qui l’accompagne nous sont
envoyés du Caire par le jeune poète Osman Effendi Chater, un des
chefs les plus influents du Parti National Egyptien; nous respectons
scrupuleusement les intentions de l’auteur en reproduisant le dessin,
la légende arabe et la traduction française qu’il a faite lui-même.
Nous sommes heureux de cet envoi qui, sans commentaires,
démontre qu’en dépit des efforts constants des Anglais, qui multi-
Après tant de siècles de silence, le Sphynx se
fit entendre, et, à son cri retentissant, les
Pyramides mêmes ont tressailli.
Tremble ! a dit sa voix redoutable. Tremble,
ô insatiable Loup britannique !
L’heure du châtiment va sonner.
Fuis, pendant qu’il en est temps encore.
Ce faible agneau dont tu t’es si longtemps
repu, en lion se transforme.
Neuf années déjà, toi et tes enfants, avez
martyrisé ces innocentes victimes.
Elles relèvent la tête aujourd’hui.
Oui, les enfants d’Egypte qui se croyaient
abandonnés et courbaient réchine, impuis-
sants à secouer le joug, voient naître l’espoir
de la délivrance.
Une voix bienfaisante s’est fait entendre,
celle du magnanime Abdul Hamid, du bien-
aimé Commandeur des croyants.
Cette voix a dit :
« Reprenez courage et ayez confiance dans
l’avenir. Allah, tout puissant, nous aidera à
vous délivrer. »
Ne persiste donc pas à rester sur cette rive
où on t’abhore.
Le timide agneau dont tu faisais ta proie
a disparu ; c’est en face d’un lion vengeur que
tu vas te trouver, et si tu ne te hâte, tu auras
ici le même sort qu’au Soudan.
Vas; cours vers la mer, reprends ta barque
et retourne d’où tu es' venu, pour le malheur
de la Vallée du Nil.
Le patient fellah et le paisible citadin ne
veulent plus être tes humbles esclaves et te
laisser jouir du fruit de leur labeur.
Jette les yeuX sut ce pays, si asservi na-
guère, et Vois la résistance se faire jour de
toute part.
Regarde et écoute.
Voici le timide ânier qui élève la voix contre
son tyran :
« Par Allah, lui dit-il, tu ne mettras pas ton pied
immonde dans l’étrier de ma bonne bête sans que je
sache où’ tu veux aller, et combien de piastres tu me
donneras.
« Voilà bientôt neuf ans que, sur le dos de mon âne,
Notre excellent et très aimable confrère, M. Aug. Meulemans,
directeur de la Revue diplomatique, s’est empressé de venir voir
le Cheikh à son retour et, des détails recueillis de sa bouche, a fait
l’article suivant, qu’il a publié dans le numéro du 18 juillet de sa
revue si accréditée. Nous nous faisons un plaisir de le reproduire
pour nos amis d’Egypte en remerciant très sincèrement M. Meu-
lemans. __
TTJT^QTJIE ET ÉGYPTE
Le cheikh égyptien Abou Naddara à Constantinople. — Réception par le Sultan’
Les écoles ottomanes et la langue française.
Tout le monde à Paris connaît notre confrère égyptien J. Sanua,
directeur du journal satirique illustré Y Abou Naddara , qui, depuis tant
d’années, fustige vaillamment les Anglais établis dans la vallée du Nil.
Abou Naddara vient d’effectuer un voyage à Constantinople et il a reçu
du Sultan de telles marques d’estime et de sympathie que la signification
politique de cette excursion ne saurait échapper à personne.
Avec une inépuisable obligeance, notre confrère oriental a bien voulu
nous raconter les détails de son séjour à Stamboul et de sa visite au
Commandeur des croyants.
Le Gérant: G.LEFEBVRE
plient les cours de jour et de soir pour faire adopter leur langue par
les Egyptiens, c’est toujours la langue française que ceux-ci culti-
vent et avec succès, comme nos lecteurs peuvent en juger aujour-
d’hui. Nous éprouvons aussi une grande satisfaction du prodigieux
effet qu’a eu le succès du voyage d’Abou Naddara sur l’esprit des
populations d’Egypte. Ce qui suit en est une preuve indéniable.
une bouteille ; je préfère la briser sur ta tête que te la
laisser vider gratuitement. »
Est-ce un agneau ou un lion qui parle
ainsi?
Et maintenant, pour finir, tu n’as qu’à re-
garder, ô insatiable Loup britannique, la noble
et fière attitude du malheureux fellah, qui est
le plus admirable des producteurs, et à en-
tendre ce qu’il dit à celui qui lui enlève sa
dernière piastre pour assurer le paiement
inique des grasses et nombreuses sinécures que
les Anglais se distribuent chaque nouvelle
lune.
« Que viens-tu faire ici, ô sauterelle rouge, toi qui
fais au fellah plus de mal que ne pourraient lui faire
les criquets de l’Afrique qui s’abattent sur la Vallée du
Nil?
« Viens-tu me demander de nouveaux impôts?
« Si telle est ta mission, ô ogre vorace, je te livre lé
seul morceau de terrain qui me reste". Prends-le; il me
donne à peine cette mince galette de maïs que je trempe
dans le ruisseau voisin pour pouvoir mordre dedans. Je
ne puis plus, hélas! y ajouter un oignon ou un con-
combre.
v Ma maison, où le pèlerin et le voyageur ne man-
quaient jamais de lait ni d’a’gneau, n’existe plus. Je ne
Kossède que cette modeste cabane, où tu trouveras une
otte de paille qui me sert de lit.
œ Tu veux y pénétrer avec’ l’avidé espoir d’y trouver
de l’or ou de l’argent caché dans un coin. Tu"n’y trou-
veras pas même du cuivre.
« Helas! Tu n’y verras que ma pauvre défunte, ma
femme, la fidèle compagne de ma prospérité passée et
dé ma misère présente. Elle est là, morte de douleur
par la péfte de nos deux fils, Ali et Mustapha, les deux
soutiens de notre maison, que vous avez arrachés de nos
bras pour les envoyer à la boucherie du Soudan servir
de bouclier à vos infâmes et lâches guerriers.
« Ne pénétrez pas dans ce sanctuaire de la douleur,
où vos regards impurs profaneraient la sainte dépouillé
qui le rend auguste et vénéré. »
Tel est le courage qui anime le fellah et le
Citadin depuis qu’ils se sentent protégés par
le généreux Cahphe d’Allah.
Tremblé donc! tremble, ô insatiable Loup
britannique.
L’heure du châtiment va sonner.
Fuis pendant qu’il en est temps encore.
Ce faible agneau dont tu t’es âi longtemps
repu, en lion se transforme.
tu parcours les rues de la capitale sans qtïe j’aie vu la
couleur de ta monnaie.
« Que de nuits nous avons passées, mon baudet et
moi, aux portes des tavernes, et à d’autres portes
encore, n’ayant pour récompense que des coups et des
injures!
« Aujourd'hui, je ne te crains pas. J’ai un vaillant
défenseur, un protecteur puissant.
« Le Sultan, qu’AUah nous conserve, a dit à notre
cheikh Abou Naddara, qu’il pense à nous et qu’il ne nous
abandonnera pas, et les paroles du Caliphe d’Allah sont
sacrées.
» Donne-moi donc un peu de l’argent que tu puises
dans notre trésor, et je te laisserai monter sur mon
âne.
« Ne lève pas la main sur moi; ou, par Allah! tu sen-
tiras le poids de la mienne sur ta figure.
« Tant que vous ne nous insulterez pàs, ô Anglais,
nous observerons la patience et la modération qu’Abou
Naddara nous recommande; mais si vous nous traitez
comme bêtes de somme, nous vous montrerons que
nous sommes des hommes comme vous. »
Eh! insatiable Loup britannique, que penses-
tu de ce fier langage ?
R y a une lune, le bourriquier, qui se fait
respecter aujourd’hui, aurait aidé ton louve-
teau insolent à monter sur son baudet sané
ùn murmuré et résigné à son triste sort.
C’est qu’alors il se croyait condamné à su-
bir indéfiniment les exigences des envahis-
seurs ; mais aujourd’hui qû’il se sent soutenu,
il proteste avec toute son énergie.
Et maintenant écoute aussi ce que dit le
tavernier à son ennemi :
« Dans toute sa longueur, tu peux mp montrer ta
langue, ô chien altéré ! tu ne boiras plus une goutte de
ce brandy, de ce whisky qui te font envie.
« Que de bouteilles tu as vidées sans me payer même
lé prix des bouchons !
« Que de fois’, tu es tomtié ivre-mort sur le seuil de
ma taverne, et rien dans tes poches ; pas un para !
« Vous entassez, ô Anglais, dans vos coffres, l’or que
vous nous extorquez, et vous vous dites : « L’Egyptien
doit nous loger dans des palais, nous nourrir princiè-
rement et nous donner les meilleurs boissons pour étan-
cher notre soif. » N’est-ce pas ?
« Eh bien ! détrompez-vous, messieurs.
a Si tu as soif, le Nil est grand et son eau est déli-
cieuse; tu peux y aller éteindre le feu dont ton corps
est dévoré.
« N’essaie pas, comme c'est ton habitude, d’emporter
— Qui vous a donné l’idée d’entreprendre ce voyage? avous-nous
demandé à Abou Naddara.
— Ce sont surtout les lettres que je recevais d’Egypte qui trahissaient
parfois chez nies amis une sorte ae découragement. J’ai tenu à convaincre
mes compatriotes que leur seule chance de salut réside dans l’entente
franco-turque et les mettre en garde contre la propagande démoralisante
que les Anglais ont entreprise par la presse locale à leur solde et par
leurs agents indigènes grassement payés.
« Ainsi, lorsque, dans l’avant-dernier numéro de mon journal, en mai,
j’ai raconté que j’avais vu dans un rêve le Commandeur des croyants et
que le souverain m’avait réconforté, j’ai reçu des membres au Parti
National égyptien des lettres dans lesquelles ils me suppliaient de réaliser
cette fiction.
« C’est alors que je suis parti, le 6 juin, sans en parler à personne ; '
le i4, j’arrivai à Constantinople à bord du Bralla et je descendais à
l’Hôtel des Colonies,en recommandant de ne pas donner mon nom aux
journaux de Péra. Mais le lendemain, un envoyé du Palais venait
m’annoncer que le Sultan, informé de mon départ, m’avait fait chercher
dans tous les hôtels et entendait que je fusse son hôte. J’allai donc
m’installer dans un superbe appartement que le souverain avait fait
lmp .Lefebvre Base. du Caire 87'89.Baria.
GARE AU LOUP ! L’AGNEAU EST DEVENU LION
Le dessin ci-dessus et la légende qui l’accompagne nous sont
envoyés du Caire par le jeune poète Osman Effendi Chater, un des
chefs les plus influents du Parti National Egyptien; nous respectons
scrupuleusement les intentions de l’auteur en reproduisant le dessin,
la légende arabe et la traduction française qu’il a faite lui-même.
Nous sommes heureux de cet envoi qui, sans commentaires,
démontre qu’en dépit des efforts constants des Anglais, qui multi-
Après tant de siècles de silence, le Sphynx se
fit entendre, et, à son cri retentissant, les
Pyramides mêmes ont tressailli.
Tremble ! a dit sa voix redoutable. Tremble,
ô insatiable Loup britannique !
L’heure du châtiment va sonner.
Fuis, pendant qu’il en est temps encore.
Ce faible agneau dont tu t’es si longtemps
repu, en lion se transforme.
Neuf années déjà, toi et tes enfants, avez
martyrisé ces innocentes victimes.
Elles relèvent la tête aujourd’hui.
Oui, les enfants d’Egypte qui se croyaient
abandonnés et courbaient réchine, impuis-
sants à secouer le joug, voient naître l’espoir
de la délivrance.
Une voix bienfaisante s’est fait entendre,
celle du magnanime Abdul Hamid, du bien-
aimé Commandeur des croyants.
Cette voix a dit :
« Reprenez courage et ayez confiance dans
l’avenir. Allah, tout puissant, nous aidera à
vous délivrer. »
Ne persiste donc pas à rester sur cette rive
où on t’abhore.
Le timide agneau dont tu faisais ta proie
a disparu ; c’est en face d’un lion vengeur que
tu vas te trouver, et si tu ne te hâte, tu auras
ici le même sort qu’au Soudan.
Vas; cours vers la mer, reprends ta barque
et retourne d’où tu es' venu, pour le malheur
de la Vallée du Nil.
Le patient fellah et le paisible citadin ne
veulent plus être tes humbles esclaves et te
laisser jouir du fruit de leur labeur.
Jette les yeuX sut ce pays, si asservi na-
guère, et Vois la résistance se faire jour de
toute part.
Regarde et écoute.
Voici le timide ânier qui élève la voix contre
son tyran :
« Par Allah, lui dit-il, tu ne mettras pas ton pied
immonde dans l’étrier de ma bonne bête sans que je
sache où’ tu veux aller, et combien de piastres tu me
donneras.
« Voilà bientôt neuf ans que, sur le dos de mon âne,
Notre excellent et très aimable confrère, M. Aug. Meulemans,
directeur de la Revue diplomatique, s’est empressé de venir voir
le Cheikh à son retour et, des détails recueillis de sa bouche, a fait
l’article suivant, qu’il a publié dans le numéro du 18 juillet de sa
revue si accréditée. Nous nous faisons un plaisir de le reproduire
pour nos amis d’Egypte en remerciant très sincèrement M. Meu-
lemans. __
TTJT^QTJIE ET ÉGYPTE
Le cheikh égyptien Abou Naddara à Constantinople. — Réception par le Sultan’
Les écoles ottomanes et la langue française.
Tout le monde à Paris connaît notre confrère égyptien J. Sanua,
directeur du journal satirique illustré Y Abou Naddara , qui, depuis tant
d’années, fustige vaillamment les Anglais établis dans la vallée du Nil.
Abou Naddara vient d’effectuer un voyage à Constantinople et il a reçu
du Sultan de telles marques d’estime et de sympathie que la signification
politique de cette excursion ne saurait échapper à personne.
Avec une inépuisable obligeance, notre confrère oriental a bien voulu
nous raconter les détails de son séjour à Stamboul et de sa visite au
Commandeur des croyants.
Le Gérant: G.LEFEBVRE
plient les cours de jour et de soir pour faire adopter leur langue par
les Egyptiens, c’est toujours la langue française que ceux-ci culti-
vent et avec succès, comme nos lecteurs peuvent en juger aujour-
d’hui. Nous éprouvons aussi une grande satisfaction du prodigieux
effet qu’a eu le succès du voyage d’Abou Naddara sur l’esprit des
populations d’Egypte. Ce qui suit en est une preuve indéniable.
une bouteille ; je préfère la briser sur ta tête que te la
laisser vider gratuitement. »
Est-ce un agneau ou un lion qui parle
ainsi?
Et maintenant, pour finir, tu n’as qu’à re-
garder, ô insatiable Loup britannique, la noble
et fière attitude du malheureux fellah, qui est
le plus admirable des producteurs, et à en-
tendre ce qu’il dit à celui qui lui enlève sa
dernière piastre pour assurer le paiement
inique des grasses et nombreuses sinécures que
les Anglais se distribuent chaque nouvelle
lune.
« Que viens-tu faire ici, ô sauterelle rouge, toi qui
fais au fellah plus de mal que ne pourraient lui faire
les criquets de l’Afrique qui s’abattent sur la Vallée du
Nil?
« Viens-tu me demander de nouveaux impôts?
« Si telle est ta mission, ô ogre vorace, je te livre lé
seul morceau de terrain qui me reste". Prends-le; il me
donne à peine cette mince galette de maïs que je trempe
dans le ruisseau voisin pour pouvoir mordre dedans. Je
ne puis plus, hélas! y ajouter un oignon ou un con-
combre.
v Ma maison, où le pèlerin et le voyageur ne man-
quaient jamais de lait ni d’a’gneau, n’existe plus. Je ne
Kossède que cette modeste cabane, où tu trouveras une
otte de paille qui me sert de lit.
œ Tu veux y pénétrer avec’ l’avidé espoir d’y trouver
de l’or ou de l’argent caché dans un coin. Tu"n’y trou-
veras pas même du cuivre.
« Helas! Tu n’y verras que ma pauvre défunte, ma
femme, la fidèle compagne de ma prospérité passée et
dé ma misère présente. Elle est là, morte de douleur
par la péfte de nos deux fils, Ali et Mustapha, les deux
soutiens de notre maison, que vous avez arrachés de nos
bras pour les envoyer à la boucherie du Soudan servir
de bouclier à vos infâmes et lâches guerriers.
« Ne pénétrez pas dans ce sanctuaire de la douleur,
où vos regards impurs profaneraient la sainte dépouillé
qui le rend auguste et vénéré. »
Tel est le courage qui anime le fellah et le
Citadin depuis qu’ils se sentent protégés par
le généreux Cahphe d’Allah.
Tremblé donc! tremble, ô insatiable Loup
britannique.
L’heure du châtiment va sonner.
Fuis pendant qu’il en est temps encore.
Ce faible agneau dont tu t’es âi longtemps
repu, en lion se transforme.
tu parcours les rues de la capitale sans qtïe j’aie vu la
couleur de ta monnaie.
« Que de nuits nous avons passées, mon baudet et
moi, aux portes des tavernes, et à d’autres portes
encore, n’ayant pour récompense que des coups et des
injures!
« Aujourd'hui, je ne te crains pas. J’ai un vaillant
défenseur, un protecteur puissant.
« Le Sultan, qu’AUah nous conserve, a dit à notre
cheikh Abou Naddara, qu’il pense à nous et qu’il ne nous
abandonnera pas, et les paroles du Caliphe d’Allah sont
sacrées.
» Donne-moi donc un peu de l’argent que tu puises
dans notre trésor, et je te laisserai monter sur mon
âne.
« Ne lève pas la main sur moi; ou, par Allah! tu sen-
tiras le poids de la mienne sur ta figure.
« Tant que vous ne nous insulterez pàs, ô Anglais,
nous observerons la patience et la modération qu’Abou
Naddara nous recommande; mais si vous nous traitez
comme bêtes de somme, nous vous montrerons que
nous sommes des hommes comme vous. »
Eh! insatiable Loup britannique, que penses-
tu de ce fier langage ?
R y a une lune, le bourriquier, qui se fait
respecter aujourd’hui, aurait aidé ton louve-
teau insolent à monter sur son baudet sané
ùn murmuré et résigné à son triste sort.
C’est qu’alors il se croyait condamné à su-
bir indéfiniment les exigences des envahis-
seurs ; mais aujourd’hui qû’il se sent soutenu,
il proteste avec toute son énergie.
Et maintenant écoute aussi ce que dit le
tavernier à son ennemi :
« Dans toute sa longueur, tu peux mp montrer ta
langue, ô chien altéré ! tu ne boiras plus une goutte de
ce brandy, de ce whisky qui te font envie.
« Que de bouteilles tu as vidées sans me payer même
lé prix des bouchons !
« Que de fois’, tu es tomtié ivre-mort sur le seuil de
ma taverne, et rien dans tes poches ; pas un para !
« Vous entassez, ô Anglais, dans vos coffres, l’or que
vous nous extorquez, et vous vous dites : « L’Egyptien
doit nous loger dans des palais, nous nourrir princiè-
rement et nous donner les meilleurs boissons pour étan-
cher notre soif. » N’est-ce pas ?
« Eh bien ! détrompez-vous, messieurs.
a Si tu as soif, le Nil est grand et son eau est déli-
cieuse; tu peux y aller éteindre le feu dont ton corps
est dévoré.
« N’essaie pas, comme c'est ton habitude, d’emporter