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Le Journal d'Abou Naddara = Abū Naẓẓāra = The Man with the Glasses = garīdat abī naẓẓāra = The Journal of the Man with the Glasses = Journal Oriental Illustré — Paris, 1899

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Issue 1 (25.01.1899)
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https://doi.org/10.11588/diglit.56672#0004
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VlNGT-THOISlÈME ANNÉE T
FONDATEUR
Directeur et Rédacteur en Chef I
J. SANÜA ABOU NADDARA !
6, Rue Geoffroy - Marie. PARIS j.

Xc jlonrnaî (P^bon fhddara
Tonte communication et demande d'abonnement doivent être adressées an Directenr dn Journal

T N° 1. — 25 Janvier 1899
I _
ABONNEMENTS S
i Avec la revue Atlawadod
I et suppléments.... tan. 26' »
J Abonnement simple, i an. 15 »

TURQUIE ET FRANCE
M. Bourgeois et M. Constans.
A mon retour de Constantinople, en août 1891, j’ai eu l’honneur d’être
reçu en audience privée par l’honorable M. L. Bourgeois, qui était alors
Ministre de l’instruction publique. Dans cette entrevue, je lui remis un
rapport sur les écoles impériales ottomanes que je venais de visiter,
travail qui m’a valu peu après la décoration d’officier de l’instruction
publique.
Nous parlâmes longuement de S. M. I. le Sultan, du charme de Son
accueil, de Son affection pour la France, de Ses efforts pour le progrès
et l’avancement intellectuel et moral de ses peuples.
Je me souviens que M. L. Bourgeois, qui m’écoutait avec beaucoup
d’attention, manifesta alors le désir de visiter Constantinople. L’éminent
homme d’Etat vient de réaliser ce projet, et je suis heureux de voir par
les journaux turcs qu’il a trouvé un accueil cordial et digne de sa haute
réputation.
S.M. I. le Sultan l’a reçu en. audience particulière et lui a conféré
le grand cordon de l’Osmanié avec plaque en brillants ; le Souverain
l’a invité à visiter la fabrique impériale de tapis et de soieries d’Héréki,
et l’ancien ministre français a reçu un tapis tout aussi beau que celui
qui avait été offert à l'empereur d’Allemagne.
M. Bourgeois a pu, dans ce voyage, se convaincre que tout ce que
j’avais eu l’honneur de lui dire était vrai; il a pu constater les grands

progrès réalisés sous l’égide de S. M. I. le Sultan et entendre de la
bouche même du monarque des attestations sympathiques pour la
France.
J’ai eu un autre sujet de joie en apprenant la nomination de M. Cons-
tans comme ambassadeur à Constantinople. M. Constans, qui m’a
toujours témoigné la plus grande bienveillance et auquel j’ai souvent
parlé de la Turquie et de son Souverain, sera certainement touché du
gracieux accueil que les Ottomans et leur Auguste Empereur lui réser-
vent. Eminent homme d’Etat, à la fois courtois, habile et spirituel, il
verra que la France est aimée sur les bords du Bosphore et il entendra
de la bouche de ses compatriotes de Constantinople l’éloge de
S. M. L le Sultan.
Nous adressons nos vœux t>ien sincères au nouvel ambassadeur de
la République française, et nous espérons le revoir au cours de cette
année, lorsque nous irons déposer nos hommages au pied du trône
impérial. Abou Naddara.

Les Discours d’Abou Naddara. , 3
Notre directeur a clos galamment la série de ses discours cette
année. En vingt - quatre heures, il a pris trois fois la parole : le —
a8 décembre (1898), à dix heures du soir, au Grand-Orient de France.
Le 29, à midi, à son déjeuner égyptien, et à dix heures du soir, au grand a.
banquet du journal : « L’Orient • . La Rédaction. • «fi

— Parce que depuis que les Anglais ont conquis le Soudan \
Idats égyptiens, les Soudanais subissent sur terre toutes T>î\

Le Gérant, G. Lefebvre.

3

(1) Voir une dépêche du Caire du 6 janvier publiée dans les journaux de Londres.
(a) Puis-je tirer sur lui ?
(3) Non, pour l’amour de Dieu.
PARIS. IMF. G. LEFEBVRE, 5 A 7. RUE CLAUDE VELLEFAUX,

Le Fellah.
grâce aux soldats égyptiens, __ ,
les tortures de l’enfer réservées aux oppresseurs des fidèles Croyants 1
Lord Gromer (tendrement aux Soudanais). — Est-ce vrai, mes chers
amis, que vos frères d’Angleterre vous maltraitent? Répondez-moi sans 3
crainte.
Un vieux Soudanais. — Nous nous résignons aux décrets du Très-
Haut qui, pour éprouver notre foi ou pour châtier nos péchés, dérouta
notre armée et livra notre pays à l’invasion étrangère.
Lord Gromer. — Mais nous ne vous traitons pas en vaincus. Nous
remplissons envers vous notre sainte devise : Equité, Honnêteté,
Humanité.
Le Fellah (ironiquement). — Tes frères civiles et militaires font mentir
cette devise. Demande, ô seigneur Pacha anglais, à l’officier qui est à
ta droite, si c’est de l’équité d’assommer de boxes et de coups de pied
le major Aly, mon neveu. Et ils étaient trois Anglais contre un seul
Égyptien.
Le colonel Lachewil. — Oh, yes ! Nous l’avons battu. Il a osé me
dire devant mes officiers que ce sont les troupes égyptiennes, et non
pas les nôtres, qui ont vaincu les Derviches.
Le Fellah (à lord Cromer). — Qu’en dis-tu, seigneur Pacha anglais?
Ai-je raison de dire que l’équité britannique n’est qu’un vain mot ?
Lord Cromer. — Le colonel et ses officiers feront des excuses au
major égyptien.
Le Fellah. — Trop tard hélas! Le major Aly est à l’agonie. Passons
à l’honnêteté, s’il te plaît. D’ailleurs John Bull est là pour prouver qu’elle
n’existe pas. Je l’ai vu aux pillages de Khartoum et d’Oumdourman
empêchant les soldats égyptiens, les vainqueurs des batailles, de tou-
cher au moindre objet, tandis qu’ils permettaient à vos guerriers de
parade de tout prendre, de tout enlever.
Un jeune Soudanais. — Toutes les richesses de nos Emirs sont déjà
en route pour le pays de la vieille souveraine des frères de Gordon.
Lord Cromer. — Ce sont des faits regrettables.
Le Fellah. — Quant à la troisième partie de la sainte devise, l’hu-
manité, ton Excellence n’a qu’à demander au médecin militaire, que je
vois à ta gauche, si lui et ses honorables collègues exercent cette vertu
divine envers les blessés soudanais qu’ils soignent. Oh ! les infâmes !
Ils les assassinent au lieu de panser leurs blessures.
Le Docteur Assassinton. — Goddem! Ce sont eux qui se lancent
contre nous comme des bêtes féroces et nous empêchent d’examiner leurs
plaies. Ils voudraient nous étrangler et alors pour sauver notre
vie...
Le Fellah. — Vous les assassinez par un coup de bistouri au cœur.
Voilà l’humanité anglaise dont se vantent ceux qui prétendent nous
civiliser.

ÉQUITÉ, HONNÊTETÉ, HUMANITÉ.
Réception des indigènes par Lord Cromer au palais dé
Lord Kitchener à Oumdourman au Soudan égyptien.
John Bull (faisant entrer les indigènes). — Soudanais ! AU right ! (bar-
rant le chemin au Fellah) Goddem! Egyptien n’entrera pas. Va-t-en.
Le Fellah (culbutant John Bull). — Brigand! Tu ne m’empêcheras
pas d'entrer (il entre en criant). Vive le Sultan ! Vive le Khédive. A bas
les envahisseurs '
John Bull (suppliant). — Pour l’amour de ton Allah, tais-toi ! Voilà
Sa Seigneurie.
Lord Cromer (entre suivi du Docteur Assassinton et du colonel Lachewil).
— Soyez les bienvenus, ô nobles fils du Soudan ! Je vous félicite d’être
délivrés de la tyrannie des Derviches. Vous remarquerez que les
pavillons britannique et égyptien flottent aujourd’hui côte à côte. Cela
est une indication que dans r avenir vous serez gouvernés par la reine
d'Angleterre et le khédive d’Egypte (i).
John Bull (crie en applaudissant). — Vive la Grande-Bretagne! Bravo,
Lord Cromer! Voilà une déclaration formelle du protectorat anglais sur
la vallée du Nil.
Lord Cromer (a John Bull). — Shut up, man! Pas de politique dans
une réception amicale.
Le Feffah — Mais c’est toi, seigneur Pacha anglais, qui parles poli-
tique. Sache que les Egyptiens et les Soudanais n’accepteront jamais le
protectorat britannique. Sais-tu pourquoi ? Parce que nous ne recon-
naissons d’autres souverains que S. M. I. le Sultan Ghazy Abd-ul-Hamid
Khan II, l’Auguste Khalife des 3oo millions de Musulmans, dont vous,
oh ! Anglais, opprimez plus que la moitié. Nous avons assez de votre
joug. Voilà 17 ans que vous occupez notre malheureuse patrie et y
semez la ruine et la désolation. Au lieu de féliciter les infortunés Sou-
danais d’être délivrés de la tyrannie des Derviches, tu devrais, ô Cromer,
les plaindre d’être tombés dans les griffes du léopard britannique.
Le colonel Lachewil (à part à lord Cromer). — Mylord, shall I shoot
him ? (2).
Lord Cromer (àpart au Colonel). — No, for God’s sake (3).
John Bull (d lord Cromer). — Faut-il faire expulser ce fou qui ose
élever la voix en présence de l’honorable représentant de notre Reine
bien-aimée.
Lord Cromer. — Non (au Fellah). Pourquoi dois-je plaindre les Sou-
danais ?
 
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