VINGT-TROISIEME ANNEE f
—
FONDATEUR
Directeur et Rédacteur en Chef
J. SANUA ABOÜ NADDARA
6, Rae Geoffroy ■ Marie, P A RIS j.
Xe gwnnl O bon Naddara
Toute communication et demande d'abonnement doivent être adressées au Directeur du Journal
T N° 5. — 25 Mai 1899
_
ABONNEMENTS :
I Avec la revue Atlawadod
I et suppléments.... i an. 26' »
I Abonnement simple, i an. 15 »
DANSERA BIEN QUI DANSERA LE DERNIER
SCÈNE I.
Albion, John Bull et des soldats anglais.
Albion chante
en jouant du tambourin.
God save the Queen ! Buvez, dansez,
Héros de la Grande Bretagne !
Malgré le Russe et le Français
Nôtre est ce pays de cocagne.
John Bull chante
avant de jouer du fifre.
Du whishy, du brandy, versez
Dans vos grands verres de champagne
Hourrah! Nous eûmes du succès
Sur France, Russie, Allemagne.
A deux.
God save the Queen, etc. | Du whisky, du brandy, etc.
Albion (aux soldats anglais qui dansent la gigue). — Ail right ! Buvez en
dansant et criez. Oh yes. Criez et sautez sans vous inquiéter de nos voi-
sins; dorénavant, personne ne vous inquiétera plus. Nous sommes enfin
les maîtres de la vallée du Nil depuis sa source jusqu’à son embou-
chure.
John Bull. — Oui ; c’en est fait ; la France et la Russie ne parleront
plus d’évacuation. Vous le voyez d’ailleurs, nous sommes devenus leurs
amis en signant des arrangements qui règlent nos situations du côté
de l’Afrique française et de la Russie chinoise. Quant au turc nous savons
comment arrêter ses réclamations ; il nous suffira de provoquer des
troubles et des séditions tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre de ses
provinces. Donc, livrez-vous à la joie, ô braves guerriers de Sa Gra-
cieuse Majesté ! (Il joue de son fifre).
Albion (chante en l’accompagnant de son tambourin et les soldats dansent).
Réjouissez-vous, chers enfants !
Grâce à ma ruse britannique,
Russe et Français, j’ai mis dedans
En Asie, ainsi qu’en Afrique.
Ils ne me diront plus : « Sortez ! »
Car je devins propriétaire.
Soldats, en triomphe portez,
Albion, votre illustre Mère !
Je leur fis des concessions
Dans le Haut Nil et dans la Chine
Qui rendent mes possessions
Plus sûres. Ah ! suis-je coquine!
Dear John Bull, o handsome dandy,
Fill their glasses with good brandy;
Let them drink and sing and danse
To vex Russia and teaze France.
Les soldats chantent ce couplet qui signifie : Cher John Bull, beau dandi,
remplis leurs verres de brandy. Qu’ils boivent, chantent et dansent pour vexer
la Russie et enrager la France.
SCÈNE IL
Le Français, le Russe, le Fellah et les précédents.
Le Fellah (tristement au Français et au Russe). — Regardez nos infâ-
mes envahisseurs ! Ils chantent et dansent la bouteille à la main. C’est
notre sang qu’ils boivent. On dirait qu’ils sont chez eux.
Le Français. — Ils ne le seront pas pour longtemps. Mais restons à
l’écart, ne nous mêlons pas à eux.
Le Russe. — Patience, brave Fellah, et laissez-nous faire.
Le Fellah (soupirant). —Voilà dix-sept ans que vous me dites cela.
Je sais que vous êtes mes amis ; mais il s’agit de les chasser d’ici.
Le Français. — Bientôt nous les délogerons de la vallée du Nil.
Le Fellah. — Nous comptions sur vous deux pour aider moralement
notre Souverain national, l’Auguste Sultan, à réclamer l’évacuation de
cette province, car à la fin du compte, l’Egypte est une province otto-
mane, et le Sultan, pour nous, est comme le Tzar et le Pape pour
vous ; il est notre chef spirituel et temporel, et c’est une indigne vio-
lence de vouloir nous séparer de lui. Èt vous, mes chers Français et
Russe, qui avez plus de 4° millions de Musulmans dans vos Etats. ne
pensez-vous donc pas que vous faites peu pour eux pour mériter leurs
sympathies en favorisant l’ennemi, l’oppresseur de tous les Maho-
métans?
Le Français. — Que dis-tu, Fellah? Tu m’affliges, car la France est
la meilleure amie de la Turquie et de son Auguste Souverain.
Lo Russe. — Ignores-tu donc que nous détestons les Anglais?
Le Fellah. — Alors pourquoi, Vous deux, vous êtes-vous arrangés
avec eux ?
Le Français. — Mais, bon Fellah, parce qu’il fallait avant tout con-
solider ma situation dans le centre de l’Afrique et unir mes possessions
d Algérie avec le Soudan et le Congo, de manière à être en mesure de
lutter efficacement contre l’Anglais et de le forcer à quitter l’Egypte ;
Tu as bien vu que dans mon arrangement j’ai eu soin de réserver la
la question de la Vallée du Nil, et de ne rien aire qui puisse être invoqué
en faveur de l’occupation britannique.
Le Russe. —» Tu te trompes, brave Fellah, en méjugeant l’allié de
l’Angleterre ; mais il fallait que je termine mon immense chemin de fer
transsibérien et le transcaspien qui me permettront de menacer des deux
côtés les Indes anglaises. Lorsque la France sera maîtresse en Afrique
et moi en Asie, alors il faudra bien que l’Angleterre cède et exécute ses
promesses.
Le Fellah (secouant la tête). — Que le ciel vous entende. Hélas ! je suis
comme le moribond qui s’efforce de croire ce que les médecins lui disent.
Espérons que votre concours ne se fera pas sentir trop tard, lorsque
tout remède sera devenu impossible, et lorsque toutes les vaches grasses
auront été dévorées par les vaches maigres.
Le Français ( à part, au Russe). —- 11 a raison, le malheureux Fellah ;
il faut songer à la délivrance de l’Egypte.
Le Russe (à part, au Français). — Fortifions-nous en Asie et en
Afrique et multiplions nos vaisseaux de guerre.
Le Fellah. — Regardez-les ; ils recommencent.
(Lês soldats dansant au son du tambourin et buvant).
Albion chante :
Honrrah! Buvez, chantez, dansez,
Héros de la Grande-Bretagne,
Malgré le Russe et le Français,
Nôtre est ce pays de cocagne.
Triomphants, nous nous y plantons.
Nous y sommes, nous y restons.
Le Sphynx rugit :
Votre triomphe sera court,
Ô Fils d’Albion, la Perfide,
La Russie et la France, un jour
Du haut de cette pyramide,
Hardis vous précipiteront,
Et l’Egypte au Sultan rendront.
Le Russe (applaudissant). — Bravo !
Le Fellah.. — En attendant les Anglais dansent.
Le Français. — Dansera bien qui dansera le dernier.
Abou Naddara.
LA MOSQUÉE PROVISOIRE DE LONDRES
Nous avons lu avec un vif intérêt, deux beaux articles consacrés par
deux journaux de la Gité : The Morning Herald et The Evening News,
à cette Mosquée provisoire fondée par l’honorable Hadjy Mohammed
Doulié. Elle est devenue aujourd’hui le pieux rendez-vous de tous les fidè-
les Croyants qui vont offrir leurs actions de grâce au Maître de l’univers
et entendre les éloquents sermons de Hadjy Mohammed Doulié. Toutes
nos félicitations pour cet homme de bien qui glorifie Allah et célèbre
son Livre saint en Angleterre et nos vœux pour cette Mosquée provi-
soire afin qu’elle devienne un grand sanctuaire musulman. A. N.
L’ÉGYPTE AU XIXe SIÈCLE
HISTOIRE D’UN PROSCRIT
Par M. Aimé VINGTRINIER; Officier de l’instruction publique et de Medjidieh
(Suite du récit des associations patriotiques d’Abou Naddara en Egypte.)
Aussi, les patriotes affluèrent-ils et, en si grand nombre, qu’au lieu
d’une séance par semaine, promise par les statuts, on fut bien vite
obligé d’en tenir quatre qui ne pouvaient suffire à l’affluence des
auditeurs.
Sans distinction de caste ou de rang, comme toujours, ils assié-
geaient les entrées avant l’heure et se précipitaient dans la salle avec
leur impétuosité méridionale. Pachas, Beys, Cheikhs, Ulémas, Imams,
Cadis, Officiers, Etudiants, jeunesse ardente, riches négociants, ouvriers,
soldats, marins, se poussaient, se pressaient, s’entassaient tumultueuse-
ment, puis, au moment voulu, se taisaient, faisaient un rigoureux silence
et, à l’apparition de l’orateur, lui prêtaient toute leur attention, comme
s’ils eussent été dans la maison de Dieu.
La séance s’ouvrait ; les idées se développaient avec calme, union,
sincérité. On parlait pour le bien de l’Etat, et non pour se faire un titre,
un mérite, un nom, un parti, une position.
D’ailleurs, président élu, administrateurs, assesseurs, conseillers,
appartenaient aux grandes maisons de la ville ; tout se faisait en leur
nom ; ils admettaient les orateurs, acceptaient les propositions, discu-
PARIS.IMP. G. LEFEBVRE, 5 A 7.RUE CLAUDE VELLEFAL'X,
Le Gérant, G. Lefebvre.
T. S. V. P.
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FONDATEUR
Directeur et Rédacteur en Chef
J. SANUA ABOÜ NADDARA
6, Rae Geoffroy ■ Marie, P A RIS j.
Xe gwnnl O bon Naddara
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T N° 5. — 25 Mai 1899
_
ABONNEMENTS :
I Avec la revue Atlawadod
I et suppléments.... i an. 26' »
I Abonnement simple, i an. 15 »
DANSERA BIEN QUI DANSERA LE DERNIER
SCÈNE I.
Albion, John Bull et des soldats anglais.
Albion chante
en jouant du tambourin.
God save the Queen ! Buvez, dansez,
Héros de la Grande Bretagne !
Malgré le Russe et le Français
Nôtre est ce pays de cocagne.
John Bull chante
avant de jouer du fifre.
Du whishy, du brandy, versez
Dans vos grands verres de champagne
Hourrah! Nous eûmes du succès
Sur France, Russie, Allemagne.
A deux.
God save the Queen, etc. | Du whisky, du brandy, etc.
Albion (aux soldats anglais qui dansent la gigue). — Ail right ! Buvez en
dansant et criez. Oh yes. Criez et sautez sans vous inquiéter de nos voi-
sins; dorénavant, personne ne vous inquiétera plus. Nous sommes enfin
les maîtres de la vallée du Nil depuis sa source jusqu’à son embou-
chure.
John Bull. — Oui ; c’en est fait ; la France et la Russie ne parleront
plus d’évacuation. Vous le voyez d’ailleurs, nous sommes devenus leurs
amis en signant des arrangements qui règlent nos situations du côté
de l’Afrique française et de la Russie chinoise. Quant au turc nous savons
comment arrêter ses réclamations ; il nous suffira de provoquer des
troubles et des séditions tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre de ses
provinces. Donc, livrez-vous à la joie, ô braves guerriers de Sa Gra-
cieuse Majesté ! (Il joue de son fifre).
Albion (chante en l’accompagnant de son tambourin et les soldats dansent).
Réjouissez-vous, chers enfants !
Grâce à ma ruse britannique,
Russe et Français, j’ai mis dedans
En Asie, ainsi qu’en Afrique.
Ils ne me diront plus : « Sortez ! »
Car je devins propriétaire.
Soldats, en triomphe portez,
Albion, votre illustre Mère !
Je leur fis des concessions
Dans le Haut Nil et dans la Chine
Qui rendent mes possessions
Plus sûres. Ah ! suis-je coquine!
Dear John Bull, o handsome dandy,
Fill their glasses with good brandy;
Let them drink and sing and danse
To vex Russia and teaze France.
Les soldats chantent ce couplet qui signifie : Cher John Bull, beau dandi,
remplis leurs verres de brandy. Qu’ils boivent, chantent et dansent pour vexer
la Russie et enrager la France.
SCÈNE IL
Le Français, le Russe, le Fellah et les précédents.
Le Fellah (tristement au Français et au Russe). — Regardez nos infâ-
mes envahisseurs ! Ils chantent et dansent la bouteille à la main. C’est
notre sang qu’ils boivent. On dirait qu’ils sont chez eux.
Le Français. — Ils ne le seront pas pour longtemps. Mais restons à
l’écart, ne nous mêlons pas à eux.
Le Russe. — Patience, brave Fellah, et laissez-nous faire.
Le Fellah (soupirant). —Voilà dix-sept ans que vous me dites cela.
Je sais que vous êtes mes amis ; mais il s’agit de les chasser d’ici.
Le Français. — Bientôt nous les délogerons de la vallée du Nil.
Le Fellah. — Nous comptions sur vous deux pour aider moralement
notre Souverain national, l’Auguste Sultan, à réclamer l’évacuation de
cette province, car à la fin du compte, l’Egypte est une province otto-
mane, et le Sultan, pour nous, est comme le Tzar et le Pape pour
vous ; il est notre chef spirituel et temporel, et c’est une indigne vio-
lence de vouloir nous séparer de lui. Èt vous, mes chers Français et
Russe, qui avez plus de 4° millions de Musulmans dans vos Etats. ne
pensez-vous donc pas que vous faites peu pour eux pour mériter leurs
sympathies en favorisant l’ennemi, l’oppresseur de tous les Maho-
métans?
Le Français. — Que dis-tu, Fellah? Tu m’affliges, car la France est
la meilleure amie de la Turquie et de son Auguste Souverain.
Lo Russe. — Ignores-tu donc que nous détestons les Anglais?
Le Fellah. — Alors pourquoi, Vous deux, vous êtes-vous arrangés
avec eux ?
Le Français. — Mais, bon Fellah, parce qu’il fallait avant tout con-
solider ma situation dans le centre de l’Afrique et unir mes possessions
d Algérie avec le Soudan et le Congo, de manière à être en mesure de
lutter efficacement contre l’Anglais et de le forcer à quitter l’Egypte ;
Tu as bien vu que dans mon arrangement j’ai eu soin de réserver la
la question de la Vallée du Nil, et de ne rien aire qui puisse être invoqué
en faveur de l’occupation britannique.
Le Russe. —» Tu te trompes, brave Fellah, en méjugeant l’allié de
l’Angleterre ; mais il fallait que je termine mon immense chemin de fer
transsibérien et le transcaspien qui me permettront de menacer des deux
côtés les Indes anglaises. Lorsque la France sera maîtresse en Afrique
et moi en Asie, alors il faudra bien que l’Angleterre cède et exécute ses
promesses.
Le Fellah (secouant la tête). — Que le ciel vous entende. Hélas ! je suis
comme le moribond qui s’efforce de croire ce que les médecins lui disent.
Espérons que votre concours ne se fera pas sentir trop tard, lorsque
tout remède sera devenu impossible, et lorsque toutes les vaches grasses
auront été dévorées par les vaches maigres.
Le Français ( à part, au Russe). —- 11 a raison, le malheureux Fellah ;
il faut songer à la délivrance de l’Egypte.
Le Russe (à part, au Français). — Fortifions-nous en Asie et en
Afrique et multiplions nos vaisseaux de guerre.
Le Fellah. — Regardez-les ; ils recommencent.
(Lês soldats dansant au son du tambourin et buvant).
Albion chante :
Honrrah! Buvez, chantez, dansez,
Héros de la Grande-Bretagne,
Malgré le Russe et le Français,
Nôtre est ce pays de cocagne.
Triomphants, nous nous y plantons.
Nous y sommes, nous y restons.
Le Sphynx rugit :
Votre triomphe sera court,
Ô Fils d’Albion, la Perfide,
La Russie et la France, un jour
Du haut de cette pyramide,
Hardis vous précipiteront,
Et l’Egypte au Sultan rendront.
Le Russe (applaudissant). — Bravo !
Le Fellah.. — En attendant les Anglais dansent.
Le Français. — Dansera bien qui dansera le dernier.
Abou Naddara.
LA MOSQUÉE PROVISOIRE DE LONDRES
Nous avons lu avec un vif intérêt, deux beaux articles consacrés par
deux journaux de la Gité : The Morning Herald et The Evening News,
à cette Mosquée provisoire fondée par l’honorable Hadjy Mohammed
Doulié. Elle est devenue aujourd’hui le pieux rendez-vous de tous les fidè-
les Croyants qui vont offrir leurs actions de grâce au Maître de l’univers
et entendre les éloquents sermons de Hadjy Mohammed Doulié. Toutes
nos félicitations pour cet homme de bien qui glorifie Allah et célèbre
son Livre saint en Angleterre et nos vœux pour cette Mosquée provi-
soire afin qu’elle devienne un grand sanctuaire musulman. A. N.
L’ÉGYPTE AU XIXe SIÈCLE
HISTOIRE D’UN PROSCRIT
Par M. Aimé VINGTRINIER; Officier de l’instruction publique et de Medjidieh
(Suite du récit des associations patriotiques d’Abou Naddara en Egypte.)
Aussi, les patriotes affluèrent-ils et, en si grand nombre, qu’au lieu
d’une séance par semaine, promise par les statuts, on fut bien vite
obligé d’en tenir quatre qui ne pouvaient suffire à l’affluence des
auditeurs.
Sans distinction de caste ou de rang, comme toujours, ils assié-
geaient les entrées avant l’heure et se précipitaient dans la salle avec
leur impétuosité méridionale. Pachas, Beys, Cheikhs, Ulémas, Imams,
Cadis, Officiers, Etudiants, jeunesse ardente, riches négociants, ouvriers,
soldats, marins, se poussaient, se pressaient, s’entassaient tumultueuse-
ment, puis, au moment voulu, se taisaient, faisaient un rigoureux silence
et, à l’apparition de l’orateur, lui prêtaient toute leur attention, comme
s’ils eussent été dans la maison de Dieu.
La séance s’ouvrait ; les idées se développaient avec calme, union,
sincérité. On parlait pour le bien de l’Etat, et non pour se faire un titre,
un mérite, un nom, un parti, une position.
D’ailleurs, président élu, administrateurs, assesseurs, conseillers,
appartenaient aux grandes maisons de la ville ; tout se faisait en leur
nom ; ils admettaient les orateurs, acceptaient les propositions, discu-
PARIS.IMP. G. LEFEBVRE, 5 A 7.RUE CLAUDE VELLEFAL'X,
Le Gérant, G. Lefebvre.
T. S. V. P.