IL
La Japonais, l’Américain et le Chinois.
L’Américain. —Je ne m’attendais jamais à me trouver à Constan-
tinople avec vous deux, mes chers amis. A Yeddo, à Pékin et même à
New-York, nous n’aurions pas un temps si délicieux.
Le Chinois (d ! Américain). — Vous avez raison, on ne respire nulle
part un air aussi pur qu’ici. Les Turcs sont heureux d’être nés sous
ce ciel limpide et sur cette terre fleurie. Je les admire. Ils ont brisé le
joug de la tyrannie sous lequel ils étaient courbés depuis tant d’années.
Les voici libres et forts. Ils ont des bons soldats, et des bons marins
aussi.
Le Japonais. — Les grandes et les petites puissances qui convoi-
taient leur pays, n’oseront plus penser à s’emparer d’un pouce de ter-
rain ottoman.
L’Américain. — Toutes les contrées du monde cherchent aujour-
d’hui leur alliance, car elles voient tput prospérer dans la Turquie
d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Buvons à la santé de l’Empire ottoman
et des Jeunes Turcs. (Ils boivent.)
III.
Le Russe, l’Allemand et l’Autrichien.
L’Autrichien. — Je trouve bonne cette bière turque. D’ailleurs, tout
est bon à Constantinople, surtout depuis la Constitution.
Le Russe. — Dont personne que vous n’a profité. Vous vous êtes
annexé sans coup férir deux belles provinces, la Bosnie et l’Herzé-
govine.
L’Allemand. — Tandis que tous ceux qui dictaient la loi à la Tur-
quie avant la Constitution, lui font aujourd’hui la courbette et se disent
ses meilleurs amis.
Le Russe. — Quelle différence entre le vieux et le nouveau régime !
Ces diables de Jeunes Turcs ont vraiment bien travaillé. Et Abdul-
Hamid a eu tort, après avoir proclamé la Constitution, de tow ner ca-*
saque et faire son coup d’Etat. Il expie ses péchés à Salonique.
L’Autrichien. — Les petits Etats balkaniques.veulent faire leurs
malins, c’est trop tard, s’ils bougent l’armée turque n’en fera qu’une
bouchée. Les soldats turcs sont valeureux, surtout depuis leurs der-
niers succès contre la réaction.
Le Russe. — Les Turcs constitutionnels sont les Japonais deJ’Eu-
rope. Il faut que nos gouvernements ouvrent l’œil et y pensent sérieu-
sement.
L’Allemand. — Les peuples d’Europe ne pensent qu’au désarme-
ment. Ils sont sûrs de la paix. En attendant la Turquie se fortifie par
terre et par mer et marche hardiment dans la voie du progrès et de la
civilisation. L’argent ne lui manque pas.
Le Russe. — Ni les hommes politiques et militaires non plus. Je ne
crois pas te ciel couvert de nuages. Que Dieu réalise nos espérances.
IV.
L’Arabe, le Turc et le Persan.
L’Arabe. — Tandis que vous savouriez tranquillement vos deux
bonnes tasses de café moka, j’écoutais la conversation des trois grou-
pes assis à notre droite.
Le Turc. —-Que disaient-ils dé nous?
Le Persan. — Ils ne faisaient pas notre éloge certainement. Ils ne
nous voient d’un bon œil libres et puissants, capables de nous défen-
dre contre n’importe quelle invasion.
Le Turc. — Ils ne pensent plus à toucher à notre intégrité. Ils con-
naissent notre devise de : Liberté, Egalité, Fraternité et Justice, et res-
pectent notre Constitution. Us savent que nous sommes les amis delà
paix et que nous sommes décidés à punir tous ceux qui la troublent.
Le Persan. — Nous avons assez souffert pour acquérir la Constitu-
tion et la mort seule l’arrachera de nos mains. Notre Chah est Jeune,
mais le Régent est un grand homme d’Etat. Il gouverne avec sagesse,
avec justice et guide la population dans la voie de la civilisation. La
Perse d’aujourd’hui est une grande puissance orientale, et ne demande
qu à vivre en, paix avec tous ses voisins d’Orient et d’Occident.
L’Arabe. — Dieu, Maître de l’Univers, répands la rosée d’été, céleste
bénédiction, sur la Turquie et sur la Perse, et guide leurs^enfapts dans
te sentier de la rectitude. Protège-les contre leurs ennemis et accorde-
teur le bonheur et la prospérité.
Le Turc et le' Persan. « Amen.
Le Français (se lève et dit .•)
L’Europe, l’Asie et l’Afrique,
Applaudissent les Ottomans.
Cette nation héroïque
§ui brisa le joug des tyrans
t rendit heureuse, prospère
Et libre, la Turquie entière.
Dieu, conserve et bénis la France,
Qui nous aime sincèrement.
Son amitié nous porte chance
Et toujours, nous pousse en avant.
Pour nous, les Français sont des frères
Dans la paix comme dans la guerre.
La Belle constitution,
Les Jeunes Turcs l’ont proclamée
Et des fleurs de l’instruction,
Ce sont eux qui l’ont parfumée.
Seigneur, accorde à leur Croissant,
Un avenir resplendissant I
Français, tant que nous travaillons
A la grandeur de nos Puissances,
De succès, nous couronnerons
Nôtre commerce et nos finances.
D’ailleurs, depuis quatre cents ans,
La France est chère aux Ottomans.
AbOU NADDABA.
Le Turc (se lève et dit .-)
SA HAUTESSE ESSAYED ALI A PARIS
J’ai été un des premiers à publier ici, il y a une vingtaine d’années,
le sympathique portrait et l’intéressante biographie de cet intelligent et
savant Sultah de la Grande Comore, qui daigna m’exprimer sa haute
satisfaction. Son frère Prince Saïdina présida une de mes conférences
arabes à l’Exposition Universelle de 1900 et prononça un disçoqrs
francophile qui eut grand succès.
Sa Hautesse, son fils et son frère le Prince Saïdina viennent de passer,
comme hôtes de la France, un beau mois à Paris, où ils, ont eu un
accueil très cordial. Le Président de la République les a reçus très
gracieusement et admira 1e savoir et l’esprit d’Essayed Ali qui parle
couramment le français.
J’ai eu l’honneur de présenter mes hommages à Sa Hautesse qui,
quoique malade, se leva et me reçut très aimablement.
Notre entretien fut très amical, et les justes éloges que le Sultan de
la Grande Comore, son fils et le Prince Saïdina me firent de la France
et des Français m’ont réjoui.
Je les ai vus tous trois à la brillante soirée de la Fraternité Musulmane
où ils se sont beaucoup amusés, car la soirée était des plus réussies.
Le Prince Saïdina. l’officier distingué qui obtint la Légion d’Honneur
par sa bravoure dans la guerre de Madagascar, nous a visité, vint
prendre congé de nous et nous a présenté les salutations de Sa Hautesse
et de son fils. Nous leur avons souhaité à tous un excellent voyage et
une heureuse arrivée. Abou Naddara.
LEÇONS DU PASSÉ
Sous ce titre, S. E. Nedjib Hadj Bey, consul général de Turquie,
membre de la Société d’Histoire Diplomatique (Paris), vient de publier
à l’imprimerie du Levant Herald, à Constantinople, une brochure que
nous avons lue avec un vif intérêt, car nous y avons vu clairement
expliquées les véritables causes de l’affaiblissement de l’Empire Ottoman
sous le Vieux régime.
Nous recommandons cet ouvrage à tous nos. chers lecteurs amis et
pour les convaincre de son beau style et de ses sages pensées, nous
allons leur en donner quelques extraits :
» L’Europe devra désormais changer de conduite à notre égard. Notre
glorieuse révolution, autant que la force vitale et l’admirable discipline
que viefit de démontrer notre armée, prouvent que l’Empire Ottoman
n’est point l’Homme Malade dont on avait prévu la fin prochaine.
L’énergie et les tendances libérales que témoigne la Nation depuis le
rétablissement de la Constitution, démontrent qu’elle est décidée
dorénavant à défendre ses droits et à ne plus laisser empiéter sur sa
liberté et sur son indépendance.
» D’ailleurs l’Europe elle-même paraît avoir changé d’attitude envers
nous.. La sympathie avec laquelle elle a accueilli notre révolution,
ainsi que l’amitié bienveillante et le précieux concours qu’elle nous
prodigue ces derniers temps pour encourager nos efforts, nous donnent
lieu de croire qu’elle a renoncé spontanément à ses anciennes vues sur
notre pays.
» C’est une sage et juste résolution dont nous devons lui savoir gré.
» Notre siècle n’est point le siècle des conquêtes, du bouleversement
des Empires; c’est.le siècle de la paix, de la civilisation, du progrès.
L’épée a cédé la place à la plume, la guerre à la science ! Aujourd’hui
l’effort commun de toutes les Nations tend au maintien de l’équilibre
européen, comme au plus sur moyen d’assurer la paix indispensable
au développement de l’industrie et du commerce. Les Puissances signent
déjà entre elles des traités d’arbitrage pour atténuer l’effet d’un conflit
et écarter le danger d’une déclaration de guerre.
» En outre les préjugés, le fanatisme, la haine réciproque des races
ne sont plus de notre temps, où régnent la lumière, la tolérance, la
fraternité des peuples. Il n’y a plus ni Chrétiens, ni Musulmans, ni
Européens, ni Asiatiques ! ils n’y a que des hommes, et il ne devrait y
avoir que des frères! Chaque Nation a désorjnais le droit de vivre et de
prendre sa part du progrès qui fait la gloire de notre époque^ Ceux qui
sont déjà arrivés devraient tendrent la main à ceux qui sont restés en
arrière, pour les aider à rattraper le temps perdu.
» Nous sommes de ceux-ci : nous nous sommes déjà relevés, et nous
marchons vaillamment dans la voie que l’Europe a parcourue avant
nous. Nous nourrissons l’espoir que, loin de jeter des bâtons dans les
roues, elle nous aidera à écarter les obstacles qui entravent notre
marche. Ce que nous lui demandons, c’est de ne plus encourager les
visées d’agrandissement des petits Etats voisins aux dépens de nos
possessions, de ne plus intervenir dans nos affaires intérieures, et de
nous faciliter la suppréssion des capitulations qui n’ont plus aujourd’hui
de raison d’être, qui sont contraires au bon sens, à la justice et au
droit des çens.
».En agissant ainsi, elle nous rendrait l’autorité et la liberté d’action,
indispeîisables à un Etat indépendant, elle nous prouverait de la sorte
son désintéressement et son bon vouloir, et nous convaincrait de son
réel désir de maintenir notre intégrité, et de nous voir marcher
résolument vers le progrès et la prospérité. »
Nous sommes sûr que tous ceux qui auront lu ce qui précède, ce
joindront ^ nous pour applaudir Fauteur distingué de ce livre patriotique
et lui présenter leurs sincères compliments. Abou Naddara.
Confèrences et Discours du Cheikh Abou Naddara
(p8me après le ïoooG)
Le Cheikh n’a pu assister aux nombreux banquets auxquels il a été
invité en février et mars derniers à cause de son mal aux yeux. Ces yeux
vont mieux maintenant; autrement il n’aurait pas pu aller au dîner
mensuel de l’Athénée de France donné en l’honneur de la glorieuse
mémoire de Jeanne d’Arc et célébrer par un discours l’héroïsme de cette
grande héroïne qui a sauvé sa patrie bien-aimée par son courage, sa
valeur et son intrépidité. Elle a guidé sa nation au champ d’honneur
et lui a fait briser le joug anglais sous- lequel son peuple gémissait
depuis tant d’années. Le nom de Jeanne d’Arc est inscrit en lettres d’or
dans les annales de FHistoire de France.
Puissent toutes les nations opprimées avoir des sauveurs aussi
merveilleux pour les arracher des griffes de leur tyrans !
La Rédaction.
« La Jeune Égypte »
Eq mettant sous presse le présent numéro,rnous recevons La Jeune
Egypte, grand journal hebdomadaire politique et littéraire, que nous
avons lu avec un vif intérêt et un grand plaisir. C’est notre cher confrère
et excellent ami, M. Gabriel Enkiri de Syrie, éminent écrivain et poète
exquis, qui le dirige, à Alexandrie, avec l’intelligence et le tact qui le
distinguent. Nous lui souhaitons grand succès et prospérité. A. N.
La Japonais, l’Américain et le Chinois.
L’Américain. —Je ne m’attendais jamais à me trouver à Constan-
tinople avec vous deux, mes chers amis. A Yeddo, à Pékin et même à
New-York, nous n’aurions pas un temps si délicieux.
Le Chinois (d ! Américain). — Vous avez raison, on ne respire nulle
part un air aussi pur qu’ici. Les Turcs sont heureux d’être nés sous
ce ciel limpide et sur cette terre fleurie. Je les admire. Ils ont brisé le
joug de la tyrannie sous lequel ils étaient courbés depuis tant d’années.
Les voici libres et forts. Ils ont des bons soldats, et des bons marins
aussi.
Le Japonais. — Les grandes et les petites puissances qui convoi-
taient leur pays, n’oseront plus penser à s’emparer d’un pouce de ter-
rain ottoman.
L’Américain. — Toutes les contrées du monde cherchent aujour-
d’hui leur alliance, car elles voient tput prospérer dans la Turquie
d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Buvons à la santé de l’Empire ottoman
et des Jeunes Turcs. (Ils boivent.)
III.
Le Russe, l’Allemand et l’Autrichien.
L’Autrichien. — Je trouve bonne cette bière turque. D’ailleurs, tout
est bon à Constantinople, surtout depuis la Constitution.
Le Russe. — Dont personne que vous n’a profité. Vous vous êtes
annexé sans coup férir deux belles provinces, la Bosnie et l’Herzé-
govine.
L’Allemand. — Tandis que tous ceux qui dictaient la loi à la Tur-
quie avant la Constitution, lui font aujourd’hui la courbette et se disent
ses meilleurs amis.
Le Russe. — Quelle différence entre le vieux et le nouveau régime !
Ces diables de Jeunes Turcs ont vraiment bien travaillé. Et Abdul-
Hamid a eu tort, après avoir proclamé la Constitution, de tow ner ca-*
saque et faire son coup d’Etat. Il expie ses péchés à Salonique.
L’Autrichien. — Les petits Etats balkaniques.veulent faire leurs
malins, c’est trop tard, s’ils bougent l’armée turque n’en fera qu’une
bouchée. Les soldats turcs sont valeureux, surtout depuis leurs der-
niers succès contre la réaction.
Le Russe. — Les Turcs constitutionnels sont les Japonais deJ’Eu-
rope. Il faut que nos gouvernements ouvrent l’œil et y pensent sérieu-
sement.
L’Allemand. — Les peuples d’Europe ne pensent qu’au désarme-
ment. Ils sont sûrs de la paix. En attendant la Turquie se fortifie par
terre et par mer et marche hardiment dans la voie du progrès et de la
civilisation. L’argent ne lui manque pas.
Le Russe. — Ni les hommes politiques et militaires non plus. Je ne
crois pas te ciel couvert de nuages. Que Dieu réalise nos espérances.
IV.
L’Arabe, le Turc et le Persan.
L’Arabe. — Tandis que vous savouriez tranquillement vos deux
bonnes tasses de café moka, j’écoutais la conversation des trois grou-
pes assis à notre droite.
Le Turc. —-Que disaient-ils dé nous?
Le Persan. — Ils ne faisaient pas notre éloge certainement. Ils ne
nous voient d’un bon œil libres et puissants, capables de nous défen-
dre contre n’importe quelle invasion.
Le Turc. — Ils ne pensent plus à toucher à notre intégrité. Ils con-
naissent notre devise de : Liberté, Egalité, Fraternité et Justice, et res-
pectent notre Constitution. Us savent que nous sommes les amis delà
paix et que nous sommes décidés à punir tous ceux qui la troublent.
Le Persan. — Nous avons assez souffert pour acquérir la Constitu-
tion et la mort seule l’arrachera de nos mains. Notre Chah est Jeune,
mais le Régent est un grand homme d’Etat. Il gouverne avec sagesse,
avec justice et guide la population dans la voie de la civilisation. La
Perse d’aujourd’hui est une grande puissance orientale, et ne demande
qu à vivre en, paix avec tous ses voisins d’Orient et d’Occident.
L’Arabe. — Dieu, Maître de l’Univers, répands la rosée d’été, céleste
bénédiction, sur la Turquie et sur la Perse, et guide leurs^enfapts dans
te sentier de la rectitude. Protège-les contre leurs ennemis et accorde-
teur le bonheur et la prospérité.
Le Turc et le' Persan. « Amen.
Le Français (se lève et dit .•)
L’Europe, l’Asie et l’Afrique,
Applaudissent les Ottomans.
Cette nation héroïque
§ui brisa le joug des tyrans
t rendit heureuse, prospère
Et libre, la Turquie entière.
Dieu, conserve et bénis la France,
Qui nous aime sincèrement.
Son amitié nous porte chance
Et toujours, nous pousse en avant.
Pour nous, les Français sont des frères
Dans la paix comme dans la guerre.
La Belle constitution,
Les Jeunes Turcs l’ont proclamée
Et des fleurs de l’instruction,
Ce sont eux qui l’ont parfumée.
Seigneur, accorde à leur Croissant,
Un avenir resplendissant I
Français, tant que nous travaillons
A la grandeur de nos Puissances,
De succès, nous couronnerons
Nôtre commerce et nos finances.
D’ailleurs, depuis quatre cents ans,
La France est chère aux Ottomans.
AbOU NADDABA.
Le Turc (se lève et dit .-)
SA HAUTESSE ESSAYED ALI A PARIS
J’ai été un des premiers à publier ici, il y a une vingtaine d’années,
le sympathique portrait et l’intéressante biographie de cet intelligent et
savant Sultah de la Grande Comore, qui daigna m’exprimer sa haute
satisfaction. Son frère Prince Saïdina présida une de mes conférences
arabes à l’Exposition Universelle de 1900 et prononça un disçoqrs
francophile qui eut grand succès.
Sa Hautesse, son fils et son frère le Prince Saïdina viennent de passer,
comme hôtes de la France, un beau mois à Paris, où ils, ont eu un
accueil très cordial. Le Président de la République les a reçus très
gracieusement et admira 1e savoir et l’esprit d’Essayed Ali qui parle
couramment le français.
J’ai eu l’honneur de présenter mes hommages à Sa Hautesse qui,
quoique malade, se leva et me reçut très aimablement.
Notre entretien fut très amical, et les justes éloges que le Sultan de
la Grande Comore, son fils et le Prince Saïdina me firent de la France
et des Français m’ont réjoui.
Je les ai vus tous trois à la brillante soirée de la Fraternité Musulmane
où ils se sont beaucoup amusés, car la soirée était des plus réussies.
Le Prince Saïdina. l’officier distingué qui obtint la Légion d’Honneur
par sa bravoure dans la guerre de Madagascar, nous a visité, vint
prendre congé de nous et nous a présenté les salutations de Sa Hautesse
et de son fils. Nous leur avons souhaité à tous un excellent voyage et
une heureuse arrivée. Abou Naddara.
LEÇONS DU PASSÉ
Sous ce titre, S. E. Nedjib Hadj Bey, consul général de Turquie,
membre de la Société d’Histoire Diplomatique (Paris), vient de publier
à l’imprimerie du Levant Herald, à Constantinople, une brochure que
nous avons lue avec un vif intérêt, car nous y avons vu clairement
expliquées les véritables causes de l’affaiblissement de l’Empire Ottoman
sous le Vieux régime.
Nous recommandons cet ouvrage à tous nos. chers lecteurs amis et
pour les convaincre de son beau style et de ses sages pensées, nous
allons leur en donner quelques extraits :
» L’Europe devra désormais changer de conduite à notre égard. Notre
glorieuse révolution, autant que la force vitale et l’admirable discipline
que viefit de démontrer notre armée, prouvent que l’Empire Ottoman
n’est point l’Homme Malade dont on avait prévu la fin prochaine.
L’énergie et les tendances libérales que témoigne la Nation depuis le
rétablissement de la Constitution, démontrent qu’elle est décidée
dorénavant à défendre ses droits et à ne plus laisser empiéter sur sa
liberté et sur son indépendance.
» D’ailleurs l’Europe elle-même paraît avoir changé d’attitude envers
nous.. La sympathie avec laquelle elle a accueilli notre révolution,
ainsi que l’amitié bienveillante et le précieux concours qu’elle nous
prodigue ces derniers temps pour encourager nos efforts, nous donnent
lieu de croire qu’elle a renoncé spontanément à ses anciennes vues sur
notre pays.
» C’est une sage et juste résolution dont nous devons lui savoir gré.
» Notre siècle n’est point le siècle des conquêtes, du bouleversement
des Empires; c’est.le siècle de la paix, de la civilisation, du progrès.
L’épée a cédé la place à la plume, la guerre à la science ! Aujourd’hui
l’effort commun de toutes les Nations tend au maintien de l’équilibre
européen, comme au plus sur moyen d’assurer la paix indispensable
au développement de l’industrie et du commerce. Les Puissances signent
déjà entre elles des traités d’arbitrage pour atténuer l’effet d’un conflit
et écarter le danger d’une déclaration de guerre.
» En outre les préjugés, le fanatisme, la haine réciproque des races
ne sont plus de notre temps, où régnent la lumière, la tolérance, la
fraternité des peuples. Il n’y a plus ni Chrétiens, ni Musulmans, ni
Européens, ni Asiatiques ! ils n’y a que des hommes, et il ne devrait y
avoir que des frères! Chaque Nation a désorjnais le droit de vivre et de
prendre sa part du progrès qui fait la gloire de notre époque^ Ceux qui
sont déjà arrivés devraient tendrent la main à ceux qui sont restés en
arrière, pour les aider à rattraper le temps perdu.
» Nous sommes de ceux-ci : nous nous sommes déjà relevés, et nous
marchons vaillamment dans la voie que l’Europe a parcourue avant
nous. Nous nourrissons l’espoir que, loin de jeter des bâtons dans les
roues, elle nous aidera à écarter les obstacles qui entravent notre
marche. Ce que nous lui demandons, c’est de ne plus encourager les
visées d’agrandissement des petits Etats voisins aux dépens de nos
possessions, de ne plus intervenir dans nos affaires intérieures, et de
nous faciliter la suppréssion des capitulations qui n’ont plus aujourd’hui
de raison d’être, qui sont contraires au bon sens, à la justice et au
droit des çens.
».En agissant ainsi, elle nous rendrait l’autorité et la liberté d’action,
indispeîisables à un Etat indépendant, elle nous prouverait de la sorte
son désintéressement et son bon vouloir, et nous convaincrait de son
réel désir de maintenir notre intégrité, et de nous voir marcher
résolument vers le progrès et la prospérité. »
Nous sommes sûr que tous ceux qui auront lu ce qui précède, ce
joindront ^ nous pour applaudir Fauteur distingué de ce livre patriotique
et lui présenter leurs sincères compliments. Abou Naddara.
Confèrences et Discours du Cheikh Abou Naddara
(p8me après le ïoooG)
Le Cheikh n’a pu assister aux nombreux banquets auxquels il a été
invité en février et mars derniers à cause de son mal aux yeux. Ces yeux
vont mieux maintenant; autrement il n’aurait pas pu aller au dîner
mensuel de l’Athénée de France donné en l’honneur de la glorieuse
mémoire de Jeanne d’Arc et célébrer par un discours l’héroïsme de cette
grande héroïne qui a sauvé sa patrie bien-aimée par son courage, sa
valeur et son intrépidité. Elle a guidé sa nation au champ d’honneur
et lui a fait briser le joug anglais sous- lequel son peuple gémissait
depuis tant d’années. Le nom de Jeanne d’Arc est inscrit en lettres d’or
dans les annales de FHistoire de France.
Puissent toutes les nations opprimées avoir des sauveurs aussi
merveilleux pour les arracher des griffes de leur tyrans !
La Rédaction.
« La Jeune Égypte »
Eq mettant sous presse le présent numéro,rnous recevons La Jeune
Egypte, grand journal hebdomadaire politique et littéraire, que nous
avons lu avec un vif intérêt et un grand plaisir. C’est notre cher confrère
et excellent ami, M. Gabriel Enkiri de Syrie, éminent écrivain et poète
exquis, qui le dirige, à Alexandrie, avec l’intelligence et le tact qui le
distinguent. Nous lui souhaitons grand succès et prospérité. A. N.