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graphie biblique, à des analogies conjecturales plus ou moins heureuses; nous laissons ce travail aux
savants, ou plutôt nous nous le réservons pour le temps où nous serons commodément assis dans le
fauteuil du cabinet; en selle, et sur ce sol accidenté qui fait trébucher les montures, on a d'autres préoc-
cupations.
Nous nous arrêtons au misérable village d'El-Birch, situé sur une hauteur. Il a une église qui date des
eroisades et qui devait être assez belle; mais aujourd'hui elle est en ruines, et c'est tout au plus si on
en peut retrouver la disposition primitive, qui n'a rien de particulier. El-Birch a aussi des citernes
antiques, car, suivant les vicissitudes des temps, elle fut une ville riche ou un pauvre village.
Nous sommes logés chez le cheik, dans une maison neuve. 11 nous reçoit amicalement, et semble
vouloir exercer à notre égard les devoirs de l'hospitalité qui sont une vertu familière à l'Orient; mais
la nuit, pendant que nous dormons, il vient fouiller dans nos poches et jusque sous nos têtes. Un
des drogmans heureusement était éveillé et il se leva plusieurs fois pour intimider cet hôte singulier;
cependant il ne put l'empêcher de soustraire, d'une de nos sacoches, un objet de peu de valeur pour
lui et de grande importance pour nous, un petit thermomètre.
Nous nous remettons en selle, auiourd'hui 11 avril 1827, avec un véritable sentiment d'allégresse. Dans deel-birch
j / ° , . v a jérusalem
trois heures nous verrons Jérusalem, et, pendant ces trois heures de marche, nos yeux ne regardent ni à 3 heures de mardi,
droite ni à gauche; ils cherchent à percer les collines, ils voient la ville sainte avant même qu'elle
apparaisse.
JERUSALEM (Planche LXV, 142
Vue générale, prise de la route de Naplouse et de Damas.
Jérusalem ne frappe pas tout d'un coup les regards de son immense développement de coupoles et de
campaniles, comme Rome s offrant à la vue du voyageur qui débouche par la roule du nord; mais il
point peu à peu d'une contrée rocailleuse, grisonnante, plantée d'oliviers poudreux, et, en somme,
d'assez monotone aspect. C'est tout d'abord une déception; l'imagination d'une dévotion exaltée aurait
dépassé l'impossible, et la réalité ne répond pas même à l'attente de l'artiste, ou à la simple curiosité
d'un amateur de pittoresque. Rien à noter dans cette contrée pierreuse et en demi-deuil; un mouvement
continu et mesquin de vallées et de vallons qui étend la vue et la resserre, qui fait espérer, à chaque
instant, un vaste tableau, et ne donne, à chaque nouveau pli de terrain, qu'un aspect semblable de
demi-aridité, de demi-désert, le tout confondu dans la teinte grise des rochers et la végétation poudreuse
des oliviers. L'imagination cependant est si souple, si docile, qu'elle se prête à toutes les déceptions; et,
lorsque nous approchons des murailles, elle a déjà fait fraterniser l'histoire et les malheurs de Jérusalem
avec cette contrée d'âpreté et de misère.
Ada El-Qods, nous crient nos Arabes. Nouvelle déception; le grand nom de Jérusalem, ce nom
connu du monde entier, que nos enfants bégayent, que les vieillards retiennent quand tout échappe à
leur mémoire, ce saint nom est ignoré sur celte terre; aussi,-jusqu'à ce qu'on nous apprenne qu El-
Qods: signifie la sainte, nous maudissons la mémoire oublieuse des hommes et leur mépris des choses
les plus sacrées.
JÉRUSALEM (Planche LXV, i43).
Vue de la ville, prise hors de la porte de Damas.
La ville se dégage des collines et grandit au travers des oliviers. Abstraction faite des impressions que
chacun sent en soi et dont il vient lui rendre hommage, Jérusalem se présente dignement quand on
cherche son entrée par la porte de Damas. Deux fortes tours crénelées avec mâchicoulis en surplomb
forment l'imposant cadre de cette porte, qui rappelle aussi bien Godefroy de Bouillon que Saladin.
Les styles arabe et français avaient alors entre eux autant d'analogie que les Sarrasins et nos croisés
offraient de ressemblance dans leur accoutrement et leurs armures. C'est un bon spécimen d'architec-
ture sarrasine greffé sur une partie de l'ancienne enceinte de Jérusalem. L'appareil de la construction
marque où l'une finit, où l'autre commence.
Nous allons demeurer au couvent latin. Je passe sous silence tout ce qui concerne le matériel de
notre vie; après les innombrables récits de nos pèlerins, ces détails ne seraient que des répétitions.
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graphie biblique, à des analogies conjecturales plus ou moins heureuses; nous laissons ce travail aux
savants, ou plutôt nous nous le réservons pour le temps où nous serons commodément assis dans le
fauteuil du cabinet; en selle, et sur ce sol accidenté qui fait trébucher les montures, on a d'autres préoc-
cupations.
Nous nous arrêtons au misérable village d'El-Birch, situé sur une hauteur. Il a une église qui date des
eroisades et qui devait être assez belle; mais aujourd'hui elle est en ruines, et c'est tout au plus si on
en peut retrouver la disposition primitive, qui n'a rien de particulier. El-Birch a aussi des citernes
antiques, car, suivant les vicissitudes des temps, elle fut une ville riche ou un pauvre village.
Nous sommes logés chez le cheik, dans une maison neuve. 11 nous reçoit amicalement, et semble
vouloir exercer à notre égard les devoirs de l'hospitalité qui sont une vertu familière à l'Orient; mais
la nuit, pendant que nous dormons, il vient fouiller dans nos poches et jusque sous nos têtes. Un
des drogmans heureusement était éveillé et il se leva plusieurs fois pour intimider cet hôte singulier;
cependant il ne put l'empêcher de soustraire, d'une de nos sacoches, un objet de peu de valeur pour
lui et de grande importance pour nous, un petit thermomètre.
Nous nous remettons en selle, auiourd'hui 11 avril 1827, avec un véritable sentiment d'allégresse. Dans deel-birch
j / ° , . v a jérusalem
trois heures nous verrons Jérusalem, et, pendant ces trois heures de marche, nos yeux ne regardent ni à 3 heures de mardi,
droite ni à gauche; ils cherchent à percer les collines, ils voient la ville sainte avant même qu'elle
apparaisse.
JERUSALEM (Planche LXV, 142
Vue générale, prise de la route de Naplouse et de Damas.
Jérusalem ne frappe pas tout d'un coup les regards de son immense développement de coupoles et de
campaniles, comme Rome s offrant à la vue du voyageur qui débouche par la roule du nord; mais il
point peu à peu d'une contrée rocailleuse, grisonnante, plantée d'oliviers poudreux, et, en somme,
d'assez monotone aspect. C'est tout d'abord une déception; l'imagination d'une dévotion exaltée aurait
dépassé l'impossible, et la réalité ne répond pas même à l'attente de l'artiste, ou à la simple curiosité
d'un amateur de pittoresque. Rien à noter dans cette contrée pierreuse et en demi-deuil; un mouvement
continu et mesquin de vallées et de vallons qui étend la vue et la resserre, qui fait espérer, à chaque
instant, un vaste tableau, et ne donne, à chaque nouveau pli de terrain, qu'un aspect semblable de
demi-aridité, de demi-désert, le tout confondu dans la teinte grise des rochers et la végétation poudreuse
des oliviers. L'imagination cependant est si souple, si docile, qu'elle se prête à toutes les déceptions; et,
lorsque nous approchons des murailles, elle a déjà fait fraterniser l'histoire et les malheurs de Jérusalem
avec cette contrée d'âpreté et de misère.
Ada El-Qods, nous crient nos Arabes. Nouvelle déception; le grand nom de Jérusalem, ce nom
connu du monde entier, que nos enfants bégayent, que les vieillards retiennent quand tout échappe à
leur mémoire, ce saint nom est ignoré sur celte terre; aussi,-jusqu'à ce qu'on nous apprenne qu El-
Qods: signifie la sainte, nous maudissons la mémoire oublieuse des hommes et leur mépris des choses
les plus sacrées.
JÉRUSALEM (Planche LXV, i43).
Vue de la ville, prise hors de la porte de Damas.
La ville se dégage des collines et grandit au travers des oliviers. Abstraction faite des impressions que
chacun sent en soi et dont il vient lui rendre hommage, Jérusalem se présente dignement quand on
cherche son entrée par la porte de Damas. Deux fortes tours crénelées avec mâchicoulis en surplomb
forment l'imposant cadre de cette porte, qui rappelle aussi bien Godefroy de Bouillon que Saladin.
Les styles arabe et français avaient alors entre eux autant d'analogie que les Sarrasins et nos croisés
offraient de ressemblance dans leur accoutrement et leurs armures. C'est un bon spécimen d'architec-
ture sarrasine greffé sur une partie de l'ancienne enceinte de Jérusalem. L'appareil de la construction
marque où l'une finit, où l'autre commence.
Nous allons demeurer au couvent latin. Je passe sous silence tout ce qui concerne le matériel de
notre vie; après les innombrables récits de nos pèlerins, ces détails ne seraient que des répétitions.
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