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Lafond, Paul; Bosch, Hieronymus [Ill.]
Hieronymus Bosch: son art, son influence, ses disciples — Paris, 1914

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https://doi.org/10.11588/diglit.26139#0044
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la sensation par des figurations que son imagination ne comprend que sous des
formes très particulières qui n’ont rien à voir, malgré la communauté de race et
de pays, avec celles adoptées par les van Eyck, les Roger van der Weyden et les
Memling. Ce serait une profonde erreur de croire, comme l’ont prétendu nombre
d’écrivains flamands, que les agissements des représentants des souverains
espagnols furent pour quelque chose dans l’état d’esprit des populations des
Pays-Bas. La même pensée, les mêmes préoccupations hantaient le reste de
l’Europe et les habitants des terres wallonnes et néerlandaises, des bords de la
Meuse et de l’Escaut, n’étaient certes pas plus à plaindre que ceux de l’Alle-
magne, si divisée, et de la France, à peine sortie de l’effroyable crise de la guerre
de Cent ans, qui avait arrêté la vie et la civilisation d’un peuple.

Comme tout bon Brabançon, proche des régions wallonnes, toujours bercé
d’étranges rêves, ainsi que l’a justement fait observer H. Pirenne (i), Jérôme Bosch
a le caractère indépendant, mais en même temps il est mystique, d’un mysticisme
particulier, porté à des imaginations délirantes et drolatiques que son pinceau
cherche à rendre palpables. La ville où il passa sa vie, Bois-le-Duc, n’est pas très
éloignée de l'antique forêt de l’Ar-Denn, qui accueillit l’exil de Tristan et d’où
sortit le chevalier du Cygne et Ogier l’Ardennais. Les vieilles légendes furent
toujours populaires dans ces régions embrumées. Près de trois quarts de siècle
après la mort de Jérôme Bosch, ne voyons-nous pas Peter Breugel dessiner le
Combat d Ourson et de Valentin (2), tiré des poèmes du cycle de Charlemagne.
Il convient d’ajouter que dans les Pays-Bas, au XVIe siècle, la vogue allait
surtout aux ouvrages traduits du français ; en plus de La Chanson de Roland, aux
Quatre fils A y mon ; aux romans de l’antiquité, La Destruction de Troye, Les
Sept Sages de Rome, etc.

Rêveur et crédule à la fois, amateur des choses neuves et épris des
anciennes, notre homme cherche à tout amalgamer, à ne rien laisser en dehors
de son champ d’investigation. Les superstitions, les peurs, les hallucinations qui
hantèrent les cerveaux flamands et brabançons à la jfin du Moyen âge n’em-
pêchèrent pas chez eux — constatation étrange et d’apparence paradoxale —
l’esprit caustique et gouailleur, comme en témoignent maintes vieilles chansons.
La complète expression de cette mentalité, nous la trouvons dans les oeuvres de
Jérôme Bosch qui la reflètent, dans son incohérence, avec la fidélité d’un miroir.

Les monstres, les diables, les larves, les lémures, les fantômes, les esprits
volants, les dédoublements de corps, les cercles démoniaques qui peuplaient

(1) H. Pirenne. Histoire de Belgique. 2 vol. In-8°, Bruxelles, 1900-1904.

(2) René van Bastelaer. Peter Bruegel l’ancien, son œuvre et son temps, étude historique, suivie
des catalogues de son œuvre dessiné et gravé, et par Georges H. de Loo, du catalogue de son œuvre
peint. In-folio. G. Van Oest, Bruxelles, 1907, p. io5.

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