LA SAINTE FAMILLE.
le caractère de la virginité consacrée n’a été plus empreint dans tout son
maintien, ne lui a imposé autant de réserve. Ses paupières baissées voilent
le regard qu’elle attache sur son enfant, le sourire craint d’effleurer ses
lèvres; il sembleroit qu elle évite de se laisser trop aller au charme des
caresses de ce fils adoré, mais qu elle veut adorer comme l’ordonne le
Seigneur qui l’a chargée d’un si précieux dépôt. L’enfant, de son côté,
ne lui a jamais montré une tendresse si vive, si complaisante; sa grâce
enfantine n’a pas l’air de demander les caresses, mais de les encourager.
Z
Derrière le petit Jésus, qui n’est occupé que de sa mère, sainte Elisabeth,
à genoux , fait joindre les mains à son fils, dont l’expression, remplie de
dévotion, rend plus touchant cet hommage, qui ne demande meme pas
d être remarqué. Deux anges portent également ce caractère d’un amour
contenu par le respect; et saint Joseph, dont la figure est d’une beauté
remarquable, contemple, la tête appuyée sur sa main, les promesses de
cet avenir prédit à la terre. Ainsi deux personnages seulement occupent
la scène, la mère et l’enfant; mais la mère, reportant à son fils toute son
existence, n’est plus qu’un premier témoignage, un premier accessoire de
sa grandeur. Raphaël possède, entre tous les peintres, ce caractère de con-
centration sur une idée unique dans le présent, mais rayonnante de passé
et d’avenir; sur une expression simple, pure, et féconde, à laquelle
il fait aboutir et concourir jusqu’aux moindres détails de sa composi-
tion. «Raphaël, dit Mengs, dans l’invention de ses ouvrages, s’est at-
« taché d’abord à l’expression, de manière qu’il n’a jamais donné à un
« membre un mouvement qui ne fût précisément nécessaire, et qui
« n’eût de l’expression. Bien plus, dans aucune figure et dans aucun
« membre, il n’a jamais donné un coup de pinceau sans une intention
« relative à l’expression principale : depuis la structure de l’homme jus-
« qu’à son moindre mouvement, tout, dans les ouvrages de Raphaël,
« se rapporte à son principal motif, et il en rejette tout ce qui ne sert
« pas à l’expression (i). » En même temps il sait donner, comme l’ob-
serve encore Mengs (2), une expression différente à chacun de ses per-
sonnages, selon qu’elle convient à la place qu’il occupe dans l’idée
générale; sachant concevoir, dit I^anzi, « avec le sentiment le plus vif,
et comme par un transport d’admiration {^quasi un estro), les aspects
que produit l’activité momentanée de la passion. »
Ce tableau, peint d’abord sur bois, a ensuite été remis sur toile.
(1) Tome I, pages 45 et 4 6. —(2) Ibid.
Proportions I Hauteur, 2mètres 14centim- = 6pieds 5poDces-
I Largeur, 1 38 — 4 3
le caractère de la virginité consacrée n’a été plus empreint dans tout son
maintien, ne lui a imposé autant de réserve. Ses paupières baissées voilent
le regard qu’elle attache sur son enfant, le sourire craint d’effleurer ses
lèvres; il sembleroit qu elle évite de se laisser trop aller au charme des
caresses de ce fils adoré, mais qu elle veut adorer comme l’ordonne le
Seigneur qui l’a chargée d’un si précieux dépôt. L’enfant, de son côté,
ne lui a jamais montré une tendresse si vive, si complaisante; sa grâce
enfantine n’a pas l’air de demander les caresses, mais de les encourager.
Z
Derrière le petit Jésus, qui n’est occupé que de sa mère, sainte Elisabeth,
à genoux , fait joindre les mains à son fils, dont l’expression, remplie de
dévotion, rend plus touchant cet hommage, qui ne demande meme pas
d être remarqué. Deux anges portent également ce caractère d’un amour
contenu par le respect; et saint Joseph, dont la figure est d’une beauté
remarquable, contemple, la tête appuyée sur sa main, les promesses de
cet avenir prédit à la terre. Ainsi deux personnages seulement occupent
la scène, la mère et l’enfant; mais la mère, reportant à son fils toute son
existence, n’est plus qu’un premier témoignage, un premier accessoire de
sa grandeur. Raphaël possède, entre tous les peintres, ce caractère de con-
centration sur une idée unique dans le présent, mais rayonnante de passé
et d’avenir; sur une expression simple, pure, et féconde, à laquelle
il fait aboutir et concourir jusqu’aux moindres détails de sa composi-
tion. «Raphaël, dit Mengs, dans l’invention de ses ouvrages, s’est at-
« taché d’abord à l’expression, de manière qu’il n’a jamais donné à un
« membre un mouvement qui ne fût précisément nécessaire, et qui
« n’eût de l’expression. Bien plus, dans aucune figure et dans aucun
« membre, il n’a jamais donné un coup de pinceau sans une intention
« relative à l’expression principale : depuis la structure de l’homme jus-
« qu’à son moindre mouvement, tout, dans les ouvrages de Raphaël,
« se rapporte à son principal motif, et il en rejette tout ce qui ne sert
« pas à l’expression (i). » En même temps il sait donner, comme l’ob-
serve encore Mengs (2), une expression différente à chacun de ses per-
sonnages, selon qu’elle convient à la place qu’il occupe dans l’idée
générale; sachant concevoir, dit I^anzi, « avec le sentiment le plus vif,
et comme par un transport d’admiration {^quasi un estro), les aspects
que produit l’activité momentanée de la passion. »
Ce tableau, peint d’abord sur bois, a ensuite été remis sur toile.
(1) Tome I, pages 45 et 4 6. —(2) Ibid.
Proportions I Hauteur, 2mètres 14centim- = 6pieds 5poDces-
I Largeur, 1 38 — 4 3