LE TIBRE.
protège, et il paroît s’abandonner à leur cours. La rame quil tient à la
main, embleme naturel de la navigation, le met au rang des fleuves na-
vigables: l’on sait que les plus grands bâtiments anciens remonloient le
Fibre, et que de ses bords des flottes s’élançoient à la conquête du
monde, et en rapportoient les richesses. Si nous voulions parcourir les
détails de cet admirable monument, nous les arrêterions par-tout avec
plaisir, et nous trouverions autant de goût et de soin dans son exécution
que de grandeur dans sa conception. Les draperies, bien jetées, sont
d’un très beau travail. Tout ce qui est antique dans les deux enfants est
rempli de grâce et de naïveté. La louve, d’une grande vérité, semble s’a-
nimer, et forme un joli groupe avec ses deux illustres nourrissons; on
voit qu’un dieu a dompté en leur faveur la férocité de son caractère; elle
les regarde avec tendresse, et sent qu’elle est chargée des destinées du
monde (i).
Les bas-reliefs qui entourent la plinthe du monument dont nous ve-
nons de nous occuper, quoiqu’on très mauvais état, méritent aussi d’at-
tirer l’attention sous le rapport de l’érudition. On y voit des bâtiments
qui naviguent sur le fleuve, et dont les uns sont tirés par des bateliers,
tandis que d’autres sont en charge. Mais le plus important de ces bas-
reliefs a rapport à la fondation de l’empire romain. Énée est assis sur le
rivage; près de lui est la laie blanche aux trente petits, que le Tibre (2) lui
avoit annoncée, et qui devoit lui indiquer l’endroit où, trente ans après
son arrivée dans le Latium, chez le bon Évandre, Ascagne devoit fon-
der la ville d’Albe. C’est probablement cette ville, ou peut-être même
Rome, que, par anticipation de temps, on aura représentée dans le fond
du bas-relief. Les deux personnages qui fendent les eaux et se dirigent
vers Énée peuvent indiquer ou le Tibre qui lui prédit ses destinées, et
qui se divisoit en deux branches, ou ce fleuve et le Téverone
qui se joint à lui. De l’autre côté, deux figures assises, et qui prennent
part à cette scène, pourroient être des nymphes de Laurentum, aux-
quelles Énée adressa ses prières après que le Tibre lui eut apparu en
songe. Cependant M. Visconti étoit revenu à Vidée que c’étoient des pê-
cheurs qui contemploient l’évènement surprenant dont ils étoient témoins.
(i) La corne d’abondance que soutient le Tibre se
fait remarquer par le style et par le fini de son exécu-
tion. Il est inutile de faire observer que les épis de blé,
le raisin, la pomme de pin, et les autres fruits qui la
remplissent, dénotent la fertilité des campagnes que le
fleuve arrose, et que le soc de charrue qui s’élève au
milieu de ces fruits indique que c’est à l’agriculture que
l’on doit tous ces biens. Je ne puis croire qu’une étoile
gravée sur ce soc, et dontpersonne n’a fait mention, y
ait été mise sans intention. Ne pourroit-elle pas avoir
rapport à l’influence que les astres exercent sur l’a-
griculture; et si, comme je suis porté à le croire, elle
rappeloit cette comète qui, après la mort de César, pa-
rut pendant sept jours, à l’époque des jeux qu'Auguste
fit célébrer à son honneur, ce seroit une indication,lé-
gère il est vrai, de l’époque à laquelle ce groupe a etc
fait, et elle le placeroit sous le règne d’Auguste. Voyez
Virgile, Georg., liv. i, v. i ; Eclog., IX, v. 4 7 ; Suétone,
Cœsar.,S8-, Pline,liv. n, c. xxm; Sénèque, Quœst. nat.,
liv. vn, xvn, etc.
(2) Virgile, Enéid., liv. vm, v. 43, 83.
protège, et il paroît s’abandonner à leur cours. La rame quil tient à la
main, embleme naturel de la navigation, le met au rang des fleuves na-
vigables: l’on sait que les plus grands bâtiments anciens remonloient le
Fibre, et que de ses bords des flottes s’élançoient à la conquête du
monde, et en rapportoient les richesses. Si nous voulions parcourir les
détails de cet admirable monument, nous les arrêterions par-tout avec
plaisir, et nous trouverions autant de goût et de soin dans son exécution
que de grandeur dans sa conception. Les draperies, bien jetées, sont
d’un très beau travail. Tout ce qui est antique dans les deux enfants est
rempli de grâce et de naïveté. La louve, d’une grande vérité, semble s’a-
nimer, et forme un joli groupe avec ses deux illustres nourrissons; on
voit qu’un dieu a dompté en leur faveur la férocité de son caractère; elle
les regarde avec tendresse, et sent qu’elle est chargée des destinées du
monde (i).
Les bas-reliefs qui entourent la plinthe du monument dont nous ve-
nons de nous occuper, quoiqu’on très mauvais état, méritent aussi d’at-
tirer l’attention sous le rapport de l’érudition. On y voit des bâtiments
qui naviguent sur le fleuve, et dont les uns sont tirés par des bateliers,
tandis que d’autres sont en charge. Mais le plus important de ces bas-
reliefs a rapport à la fondation de l’empire romain. Énée est assis sur le
rivage; près de lui est la laie blanche aux trente petits, que le Tibre (2) lui
avoit annoncée, et qui devoit lui indiquer l’endroit où, trente ans après
son arrivée dans le Latium, chez le bon Évandre, Ascagne devoit fon-
der la ville d’Albe. C’est probablement cette ville, ou peut-être même
Rome, que, par anticipation de temps, on aura représentée dans le fond
du bas-relief. Les deux personnages qui fendent les eaux et se dirigent
vers Énée peuvent indiquer ou le Tibre qui lui prédit ses destinées, et
qui se divisoit en deux branches, ou ce fleuve et le Téverone
qui se joint à lui. De l’autre côté, deux figures assises, et qui prennent
part à cette scène, pourroient être des nymphes de Laurentum, aux-
quelles Énée adressa ses prières après que le Tibre lui eut apparu en
songe. Cependant M. Visconti étoit revenu à Vidée que c’étoient des pê-
cheurs qui contemploient l’évènement surprenant dont ils étoient témoins.
(i) La corne d’abondance que soutient le Tibre se
fait remarquer par le style et par le fini de son exécu-
tion. Il est inutile de faire observer que les épis de blé,
le raisin, la pomme de pin, et les autres fruits qui la
remplissent, dénotent la fertilité des campagnes que le
fleuve arrose, et que le soc de charrue qui s’élève au
milieu de ces fruits indique que c’est à l’agriculture que
l’on doit tous ces biens. Je ne puis croire qu’une étoile
gravée sur ce soc, et dontpersonne n’a fait mention, y
ait été mise sans intention. Ne pourroit-elle pas avoir
rapport à l’influence que les astres exercent sur l’a-
griculture; et si, comme je suis porté à le croire, elle
rappeloit cette comète qui, après la mort de César, pa-
rut pendant sept jours, à l’époque des jeux qu'Auguste
fit célébrer à son honneur, ce seroit une indication,lé-
gère il est vrai, de l’époque à laquelle ce groupe a etc
fait, et elle le placeroit sous le règne d’Auguste. Voyez
Virgile, Georg., liv. i, v. i ; Eclog., IX, v. 4 7 ; Suétone,
Cœsar.,S8-, Pline,liv. n, c. xxm; Sénèque, Quœst. nat.,
liv. vn, xvn, etc.
(2) Virgile, Enéid., liv. vm, v. 43, 83.