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La Lune — 3.1867

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https://doi.org/10.11588/diglit.6786#0010

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La JuîOrt.ii

Un galon bourgeois

Cnrpentras et Landernau jouent aux cartes. Romoranlin tisonne.
Mmes Carpentras et Landernau font de la tapisserie. Angélique brode.t
Toto gamine.

carpentras. — Vous dites donc, voisin Landernau, que la
quinte majeure est bonne?... Quinze et six de cartes, vingt-un et
trois as, vingt-quatre, et trois valets, vingt-sept... Je joue vingt-
huit, — vingt-neuf — et soixante...

lande [in au. — Sapristi ! je perds quatre sous!... J'avais gagné
trois sous hier... Je suis à découvert d'un sou.

komorantin. — Lors de mon dernier voyage au chef-lieu du
département, — pour déposer mon cautionnement de percepteur,
— en 1829, la veille de la révolution, — je vis représenter, dans
la salle de spectacle, une comédie nouvelle intitulée Trente ans de
la vie d'un joueur. Il y était question d'un banquier qui assassine
un militaire après avoir dissipé sa fortune au loto. C'était la du-
gazon-corset qui remplissait le rôle du militaire. Depuis ce jour,
j'ai renoncé à toute espèce de divertissement aléatoire. (Il jette du
bois dans la cheminée.)

landernau. — Vous mettez une bûche ?

romorantin. — Mon rhumatisme articulaire marque trois de-
grés et demi...

madame landernau. — T'n châle de trois mille francs, ça? Pas
possible !

madame carpentras. — 11 ne les a pas coûté ; mais il les vaut
presque. Nonobstant, s'il était à moi, je ne voudrais le toucher
qu'avec des pincettes... — Vous savez comme moi que madame
Montbrizon se vante de ne rien acheter en province...

madame landernau. — La femme d'un vérificateur des poids et
mesures 1 si ça ne fait pas transpirer!..,

madame carpentras. — Remarquez qu'elle ne nous a jamais
montré les factures des magasins où elle se fournit à Paris...

madame landernau. — C'est vrai ; il y a là un mystère...

madame carpentras. — Mon cousin Quimperlé, qui fait son
droit, l'a découvert : pour mériter une blague en tapisserie que
je lui avais promise, il a épié madame Montbrizon à Paris, et il
l'a vue entrer au Temple...

madame landernau. — Au Temple !..,

madame carpentras — Elle y a payé son châle cent cinquante
francs; mais il est déchiré à trois places, et — c'est Quimperlé
qui me l'écrit —, il a été porté par l'une de ces créatures qui sont
la honte de notre sexe...

madame landernau. — Fi! l'horreur!

toto, à Angélique. — Veux-tu jouer au mariage ? Je t'épouserai,
et puis tu me disputeras à cause de la bonne...

Angélique, avec dédain. — Une demoiselle de seize ans jouer au
mariage avec un galopin qui n'a pas seulement de moustaches!...

m. carpentras. — La seizième en cœur ne vaut rien ; j'ai la dix-
septième en carreau... Dix-sept et sept, vingt-quatre, et quatorze
de dames, quatre-vingt dix-huit...

m. landernau. — Sapristi ! je suis à découvert de deux sous !

(A Romoranlin). Vous mettez une bûche? (Avec humeur.) Parce
qu'on est célibataire, ce n'est pas une raison pour faire chez les
autres un feu de corps de garde, (Im pendule sonne.)
Tous. — Dix heures I-

Landernau remet avec précipitalion les .cartes et les jetons dans
la boîte à jeu. Mme Landernau baisse" la mèche de la lampe.
Tout le monde t'est levé. Branle-bas général de départ.

landernau, à Romoranlin qui s'approche de la cheminée. — Est-ce
que vous allez eneore mettre une bûche?

romorantin. — Non ; je cherche ma cire, pour ma lanterne. (Se
fouillant ) Ah ! la voici, dans ma poche, sous mon nouveau jour-
nal...

tous. — Un nouveau journal?

romorantin, — Oui, je l'ai acheté deux sous — pour endormir
mon rhumatisme — chez Perpignan, le libraire au coin delà
place d'Armes...

landernau. — Deux sous! Ces vieux garçons ne se refusent
rien !.,,

madame carpentras. — Est-ce qu'il y a des imagos?
romorantin.— Certainement, belle dame, et coloriées même.
toto. — Pais voir un peu, dis, bon ami!..,
Angélique. — Ah ! monsieur Romorantin, je vous en prie,..
m. carpentras. — Quel est le titre de ce papier public!
romorantin. — Il s'appelle la Lune...

Angélique, avec càlinerie — Eh bien, monlrez-nous •■o!ro Lune!...
tous. — Oui, la Lune! la Lune!

Romorantin tire le journal et le déploie. — Une femme en sort : truc
imaginé par Gédéon. — Coup de tam-tam.. Tableau.
la lune. — La Lune, la voilà ! !

tous. — Ciel!!!

landernau, — QugIIo est cette jeune personne qui s'insinue
dans mes lares d'une façon aussi insolite ?

LA LUNE.— Qui jO SUis?

Air. de a Corde sensible.

Moi ? (mi je suis ? — A Paris, tout le monde
Vou» le dira. — Qui je suis ? — La gailé,
Le mot joyeux qui circule à la ronde,
Le trait sans fiel et sans méchanceté,

La bonne humeur, la légère satire,

Le sans-façon, l'esprit franc et gatilois,

La fantaisie ailée et le vrai rire,

Le rire sain, le rire d'autrefois 1 r

Je suis la Lime! Eh ! oui, mon Dieu, la Lune,
Muse des fous et des lestes propos,
Lampe d'argent égayant la nuit brune,
Masque rieur faisant la nique aux sots I

Je suis la Lune : un journal excentrique,
Sans embarras, bon enfant et bavard,
Très-illustré, blagueur, railleur, comique,
Le vrai journal de Paris-Boulevard I

Pas plus qu'ailleurs on n'y fait de bévues ;
Mes rédacteurs, malgré leur ton badin,
Quand il le faut, comme ceux des Revues,
Parlent le grec et citent le latin.

En soulevant celte folle livrée
On trouverait »ous le masque moqueur
Plus d'un poète à la plume dorée,
D'an écrivain de talent et de cœur!...

romorantin. — Elle est fort jolie, cette petite. Elle me rappelle
la dugazon-corset, — avec cette différence qu'elle n'en porte
pas...

landernau, saluant.—Mademoiselle, enchanté!.., Qui est-ce
qui nous procure l'avantage?...

la lune. — Je suis, vous le savez, une grande indiscrète.
Musset l'a dit, et les amoureux, les voleurs ou les maris que je
taquine de ma lumière l'ont mille fois répété après lui. Or, tout
à l'heure, en plongeant dans votre intérieur un regard curieux,
je me suis aperçue d'une chose : c'est que vous vous ennuyez
horriblement... Eh bien, pour vous contenter tous, pour vous
distraire, pour vous charmer, je vous emmène...

tous. — Où cela ?

la lune. — A Paris.

tous. — A Paris !

la lune. — Oh! rassurez-vous, il ne vous en coûtera que SIX
FRANCS, — le prix d'un abonnement d'un an pour la province!...
Quant aux longueurs de la route, aux lassitudes, à la monotonie,
aux dangers du wagon, aux embarras du départ, de l'arrivée, du
retour, je les supprime ! (Donnant un coup de sifflet.) Machinistes !
au changement!...

landernau

la lune. -

vard Projeté

— Où sommes-nous?
- Dans le plus beau quartier de Paris, sur le boule-
qui relie en ligne droite Asnières a Charenlon.

landernau, regardant autour de lui. — Ah! ça,-mais, il me
paraît bien désert, votre plus beau quartier de Paris! Je ne le
vois peuplé que de bancs, et il n'est habité que par des réver-
bères...

la lune. — Oui; mais quelle rectitude! quelle perspective!
quelle lumière !

romorantin. — C'est magnifique !...

Air de Masanicllo.

Oui, j'en conviens, la voie ouverte

Fait circuler l'air, la s.'inlo...

Pourtant les jardins, l'herbe verte

Avaient aussi leur bon côté*.

Quelle grande métamorphose !

O rues aux vasles horizons,

Il vous manque encore quoique chose...

Quoi donc'? — Ehl j'y suis : des maisons!

carpentras. — Il est certain que, si l'on désirait se rafraîchir..,
la lune.— Se rafraîchir? Hé ! cher monsieur, vous n'avez que

l'embarras du choix! Approchez-vous de ces clôtures de planches

et consultez les enseignes qui les pavoisent !...

carpentras, lisant.— «Incessamment l'ouverture du vafé-brasse-

rie-restaurant de Shang-IIaï. Bières nouvelles de bois de cèdre et de

santal ; billards chinois ; soupes aux nids d'hirondelles les soirs de bal

à Vilodo. »

landernau, idem. — « Incessamment l'ouverture du grand hôtel du
Lapin-Blanc, ci-devant dans la Cité, et du Demi-Monde reunis. Ap-
partements de famille ; pension bourgeoise ; inutile de se présenter si
l'on ne jouit pas des nitilleurcs références. » »

romorantin, idem. — «Incessamment l'ouverture du théâtre des
Fantaisies-Auvergnates. Administration : rue du Sabot, chez le mar-
chand de fin, au premier au-dessus du cinquième entre-sol. »

un monsieur, sortant de derrière une clôture. — Si ces dames dé-
sirent voir des appartements.

madame carpentras. — Des appartements ? Où sont-ils?

le monsieur. - Dans ma poche. (Il en tire un papier.) Vous
pouvez choisir sur plan. Voici, d'abord, un charmant petit second
étage sur le boulevard, — avec télégraphie privée, salle de con-
cert, bains russes, tourne-broche à vapeur, éclairage électrique
et water-closet parfumé. L'escalier est en laque et les écuries en
marquetterie...

madame carphntras. — Combien de fenêtres ?

le monsieur. — Autant que vous voudrez. Vous donnerez vos
ordres aux maçons.

madame landernau. — C'est délicieux !

le monsieur. — Prix net : trois cent, quarante mille francs.

landernau. — Diable! c'est un peu cher!

le monsih r. — Nous avons aussi un cabinet de demoisell
mansardé, sur la cour: vingt-cinq louis...

lkndernau. — Par an ?

le monsieur. — Par mois. C'est à. prendre ou à laisser.
landernau, vivement. —Nous le laissons, sapristi ! nous le lais-
sons! (Le monsieur se retire.) Oh! ces propriétaires!
la lune, souriant. — Ce n'est pas un propriétaire.
landernau. — Alors, c'est l'architecte du bâtiment...
la lune. — Pas davantage : c'est un portier,
landernau. — Ah! par exemple!...

air :

Un portier de celte prestance, » e
Avec ce pardessus fourré,
Cet habit noir, cette élégance
Et ce pince-nez tout doré !...
Même il m'a semblé décoré !•..
Ah! l'aventure serait bonne!
O (icier, commandeur!... Mais non ! / i

la lune, parlé — Pourquoi donc? (Achevant l'air.).

Cela n'étonnerait per onne
Qu'un portier eût un grand cordon.

(Prêtant l'oreille.) Oh ! oh I voici que s'avance le cortège des-
faits divers do 18G(i. Ils accompagnent l'année défunte vers ces ré-
gions du passé et de l'oubli que, sur terre, on appelle les vieilles-
hiin's, et que nous appelons, chez nous, l'esprit des hommes, le
cœur des femmes!... — Nous sommes à merveille ici pour assis-
ter au défilé...

*

'les faits divers passent en chantant

Signes des temps ! Signes des temps t
Après avoir douze ou quinze ans
[ci-baa Icnu tant de place,
Enfin la crinoline passe.
Bildbeschreibung

Werk/Gegenstand/Objekt

Titel

Titel/Objekt
Revue de l'année 1866
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Grafik

Inschrift/Wasserzeichen

Aufbewahrung/Standort

Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Universitätsbibliothek Johann Christian Senckenberg
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14

Objektbeschreibung

Maß-/Formatangaben

Auflage/Druckzustand

Werktitel/Werkverzeichnis

Herstellung/Entstehung

Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Gill, André
Entstehungsdatum
um 1867
Entstehungsdatum (normiert)
1862 - 1872
Entstehungsort (GND)
Paris

Auftrag

Publikation

Fund/Ausgrabung

Provenienz

Restaurierung

Sammlung Eingang

Ausstellung

Bearbeitung/Umgestaltung

Thema/Bildinhalt

Thema/Bildinhalt (GND)
Zeitung <Motiv>
Mond <Motiv>
Kartenspiel <Motiv>
Frankreich
Boulevard
Karikatur
Satirische Zeitschrift
La Lune (Zeitung, Paris)

Literaturangabe

Rechte am Objekt

Aufnahmen/Reproduktionen

Künstler/Urheber (GND)
Universitätsbibliothek Heidelberg
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 3.1867, Nr. 45, S. 45_2

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Erschließung

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CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
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