LA LUNH
LA CONSCRIPTION AU VILLAGE, par A. Humbert
Quand les conscrits partiront
Les fillettes pleureront :
EU's auront perdu leurs amants
Qui s'en vont z'au régiment.
P,l>or pcpa et cher' maman,
N'oubliez pas vol' curant;
Envoyez li zi de l'argent
Tant qui s'ra l'an ivgimenl.
Arrivée triomphale do l'uuiquc conscrit de la commune de Frotey-les-Vesoul, accompagné
du ban et de l'arrière-ban de la population : on n'a laissé au village que les femmes et les
abonnés du Petit Journal.
air connu
Paillenqu mit la main dans l'urne,
Paillcnqu mil la main dans l'urne,
Pour savoir qui, qui, qui, etc., etc., etc.
— Mais qu'est-ce que j'ai donc
Tait au bon Dieu pour ramener le
numéro deusseî
„u client le prix d'un article, et en forçant, — comme on force la
carte, — ledit article audit client; soit en écoulant chez la pra-
tique, pour bonnes et neuves, des marchandises avariées et dé-
modées; soit enlin en illusionnant habilement l'acheteur sur la
valeur et la qualité des objets qu'on lui livre. Patrons et commis
partagent fraternellement ces bénéfices,
*
<— Elle lui avait fait déployer tous les châles du magasin pour
lie rien trouver à son goût... Qu'est-ce qu'avise mon„Carpentier?
— Madame, dit-il, nous avons bien un cachemire d'une ampleur,
d'une linesse, d'une beauté et d'une originalité incomparables;
mais je crains que vous n'y vouliez pas mettre le prix; et puis
je crois qu'il est vendu à la princesse de K...
— Pouvez-vous me le montrer?»
— Je vais aller vous le chercher. 11 est sous clef chez le patron.
Vous comprenez que nous ne conservons pas sur les rayons des
articles de cette importance.
Et voilà mon Carpentier qui s'en va déterrer dans les rebuts un
vieux rossignol de 1833, bigarré de toutes les couleurs et qui ne
va'ait pas trois louis...
La dame s'extasie.
— Combien ?
— Cinq mille francs.
— J'en offre quatre mille cinq cents...
— Impossible, La princesse donne les einq mille.
La dame hésite, fait mine de s'en aller, revient et passe au
comptoir...
Ëarpentier a touché ses deux mille cinq cenfs balles...
A l'Ilo.Io
*- tjunrid j' te dis qu'à onze heures il y avait un monsieur chez
tt!i.,.
— A on£e heures? Es-tu bête? C'était pas un monsieur, c'était
taon amant.
Au Casino
Si M. Pilodo, — le chef d'orchestre du Vauxhall, — a les joues
plus grêlées qu'un fermier qui voudrait obtenir une dimiuution
de bail, M. Arban, — son collègue du Casino, — est, sans con-
treiit l'un des mentons les mieux rasés qui soient en France...
Avec son teint d'un rose tendre, ses cheveux tirés au
cordeau, son air digne et discret, son habit noir cossu et sa cra-
vate blanche empesée d'importince, M. Arban ne représente pas
mal un de ces valets de chambre non ralliés, dont la race se perd
de jour en jour, depuis que les larbins de grande maison ont pris
à tache de se modeler sur M. Lassouche, du Palais-Royal...
Là, vrai, toutes les fois que ce professeur au Conservatoire, —
je ne parle pas de M. Lassouche, — apparaît sur l'estrade des mu-
siciens pour adresser à son public un petit salut roide et gourmé,
il me prend des envies de lui crier — respectueusement :
— Monsieur le duc est-il visible ?
Ou :
— Madame la princesse reçoit elle?
* *
M. Daudé, — le très-intelligent et très-affable directeur du Ca-
sino, — est un homme d'esprit.
L'autre soir, un Anglais se présenté au contrôle en compagnie
d'une côcoté d'Un débraillé physique'et moral, motivé par l'ab-
sorption d'an fort pudding-cabinet. '
Le contrôleur arrête le couple au passage: ' ...
— Monsieur, vous ne pouvez pas entrer avec madame..,
— Avec ma miss?... Aoh ! pourquoi ?
— Parce que madame n'est pas dans un étal convenable,
— Moa, jé volais entrer ensemble...
-• — Impossible.
L'Anglais prend position pour boxer.
— By god! ce était pas dans le prospectious...
M. Daudé intervient poliment :
— Pardon, mylord. Voyez l'affiche : — Toute miss indécente sera
refusée au contrôle,
* * •
La police intérieure du Casino est confiée à deux huissiers.
Malgré leur chaîne d'acier, ces officiers publies se montrent to-
lérants et débonnaires à l'égal du roi d'Yvetot à l'endroit do la
chorégraphie libre et indépendante professée sous ou tur leur
nez, suivant l'occurrence.
— Voyez-vous, monsieur, me disait l'un, je ne me fais raser
que les jours de concert, afin que ma barbe pique rude les jours
de bal.
— Pourquoi?
— Pour empêcher ces dames de m'embrasser, donc 1
*
* * j
Le public boit dans les galeries, — lesquelles, à l'exemple de
celles de Bruxelles, pourraient être placées sous l'invocation de
suint Hubert, patron de la chasse ; — on fume au foyer, un foyer
splendidement groteste, en vérifé !
Figurez-vous, dans l'interstice des glaces, des portraits de
femmes célèbres dus au pinceau d'un Raphaël en bâtiments.
Et quelles femmes !
En ce Tattersall de la galanterie, je comprendrais volontiers
l'effigie de Pomaré, Maria, Mogador et Clara, — les patronnes de
l'inestimable corporation des jambes banales.
Mais Rachel, Georges, Dorval et Jenny Vertpré! Mais la com-
tesse de Staël et la marquise de Sévigné ! Mais mesdames Cam-
pan, Récamier et Emile de Girardin 1...
Si j'avais l'honneur d'être le fils de l'auteur de Corinne ou
d'avoir élé le mari de l'écrivain de Marguerite, je ne laisserais pas
un instant l'image de ma mère, l'image de ma femme exposées à
entendre des choses dans le slyle de celle-ci :
— Ecoute-moi. Je suis la Dame aux camélias...
— Merci ; je ne veux pas être arma/iDÉVAXisÉ.
Ici l'on soupe
On soupe partout!...
Dans les brasseries d'outre-Seine et du fuubourg Montmartre,
bière de Munich, choucroute de Strasbourg, jambon d'York et de
Wesfphalie!
A la Halle, huîtres, chablis, escargots, côtelettes et soupes à
l'oignon, où le fromage file, file, file de telle façon que Blond in
pourrait se promener sur le câble dont il relie l'assiette à la
cuiller !
Dans les caravansérails élégants du boulevard des Italiens, le
perdreau qui marche tout seul et le champagne-/Ja;ar< — retemz
bien ce nom, — le Champagne à la mode, — un breuvage en-
diablé, plein d'étincelles et de parfums!
Alors qu'elles en ont le feu d'artifice dans la Icle, ces dames «3
disent généralement les cent-z-horreurs
In vino verilas !
Toutes femmes à vin franc,
Emile Blondbt.
BIOGRAPHIES DARTI8TES
Par HENRY LECOMTE
Frederick-Lemaitre; — Virginie Déjazet; — Bouffé.
Pour paraître prochainement :
henry monnier,
Photographie de l'Alcuzar, 10, faubourg Poissonnière. —
Pierre Durât. — Nouveau portrait de Gustave Doré. Envoi du por-
trait-carte contre 80 centimes en timbres-posto. Envoi du portrait grand
format contre 3 francs en timbres-poste.
De» troubles nerveux, traité des névralgies opiniatrfs, pal
fa névrosine léchklle, 35, rue Lamartine. (Notice franco.)
Le directeur-gérant : Danibl Lkvt.
paris, — imprimerie internationale DH 9, TOWW1
9, RUE D'ABOUTIR.
LA CONSCRIPTION AU VILLAGE, par A. Humbert
Quand les conscrits partiront
Les fillettes pleureront :
EU's auront perdu leurs amants
Qui s'en vont z'au régiment.
P,l>or pcpa et cher' maman,
N'oubliez pas vol' curant;
Envoyez li zi de l'argent
Tant qui s'ra l'an ivgimenl.
Arrivée triomphale do l'uuiquc conscrit de la commune de Frotey-les-Vesoul, accompagné
du ban et de l'arrière-ban de la population : on n'a laissé au village que les femmes et les
abonnés du Petit Journal.
air connu
Paillenqu mit la main dans l'urne,
Paillcnqu mil la main dans l'urne,
Pour savoir qui, qui, qui, etc., etc., etc.
— Mais qu'est-ce que j'ai donc
Tait au bon Dieu pour ramener le
numéro deusseî
„u client le prix d'un article, et en forçant, — comme on force la
carte, — ledit article audit client; soit en écoulant chez la pra-
tique, pour bonnes et neuves, des marchandises avariées et dé-
modées; soit enlin en illusionnant habilement l'acheteur sur la
valeur et la qualité des objets qu'on lui livre. Patrons et commis
partagent fraternellement ces bénéfices,
*
<— Elle lui avait fait déployer tous les châles du magasin pour
lie rien trouver à son goût... Qu'est-ce qu'avise mon„Carpentier?
— Madame, dit-il, nous avons bien un cachemire d'une ampleur,
d'une linesse, d'une beauté et d'une originalité incomparables;
mais je crains que vous n'y vouliez pas mettre le prix; et puis
je crois qu'il est vendu à la princesse de K...
— Pouvez-vous me le montrer?»
— Je vais aller vous le chercher. 11 est sous clef chez le patron.
Vous comprenez que nous ne conservons pas sur les rayons des
articles de cette importance.
Et voilà mon Carpentier qui s'en va déterrer dans les rebuts un
vieux rossignol de 1833, bigarré de toutes les couleurs et qui ne
va'ait pas trois louis...
La dame s'extasie.
— Combien ?
— Cinq mille francs.
— J'en offre quatre mille cinq cents...
— Impossible, La princesse donne les einq mille.
La dame hésite, fait mine de s'en aller, revient et passe au
comptoir...
Ëarpentier a touché ses deux mille cinq cenfs balles...
A l'Ilo.Io
*- tjunrid j' te dis qu'à onze heures il y avait un monsieur chez
tt!i.,.
— A on£e heures? Es-tu bête? C'était pas un monsieur, c'était
taon amant.
Au Casino
Si M. Pilodo, — le chef d'orchestre du Vauxhall, — a les joues
plus grêlées qu'un fermier qui voudrait obtenir une dimiuution
de bail, M. Arban, — son collègue du Casino, — est, sans con-
treiit l'un des mentons les mieux rasés qui soient en France...
Avec son teint d'un rose tendre, ses cheveux tirés au
cordeau, son air digne et discret, son habit noir cossu et sa cra-
vate blanche empesée d'importince, M. Arban ne représente pas
mal un de ces valets de chambre non ralliés, dont la race se perd
de jour en jour, depuis que les larbins de grande maison ont pris
à tache de se modeler sur M. Lassouche, du Palais-Royal...
Là, vrai, toutes les fois que ce professeur au Conservatoire, —
je ne parle pas de M. Lassouche, — apparaît sur l'estrade des mu-
siciens pour adresser à son public un petit salut roide et gourmé,
il me prend des envies de lui crier — respectueusement :
— Monsieur le duc est-il visible ?
Ou :
— Madame la princesse reçoit elle?
* *
M. Daudé, — le très-intelligent et très-affable directeur du Ca-
sino, — est un homme d'esprit.
L'autre soir, un Anglais se présenté au contrôle en compagnie
d'une côcoté d'Un débraillé physique'et moral, motivé par l'ab-
sorption d'an fort pudding-cabinet. '
Le contrôleur arrête le couple au passage: ' ...
— Monsieur, vous ne pouvez pas entrer avec madame..,
— Avec ma miss?... Aoh ! pourquoi ?
— Parce que madame n'est pas dans un étal convenable,
— Moa, jé volais entrer ensemble...
-• — Impossible.
L'Anglais prend position pour boxer.
— By god! ce était pas dans le prospectious...
M. Daudé intervient poliment :
— Pardon, mylord. Voyez l'affiche : — Toute miss indécente sera
refusée au contrôle,
* * •
La police intérieure du Casino est confiée à deux huissiers.
Malgré leur chaîne d'acier, ces officiers publies se montrent to-
lérants et débonnaires à l'égal du roi d'Yvetot à l'endroit do la
chorégraphie libre et indépendante professée sous ou tur leur
nez, suivant l'occurrence.
— Voyez-vous, monsieur, me disait l'un, je ne me fais raser
que les jours de concert, afin que ma barbe pique rude les jours
de bal.
— Pourquoi?
— Pour empêcher ces dames de m'embrasser, donc 1
*
* * j
Le public boit dans les galeries, — lesquelles, à l'exemple de
celles de Bruxelles, pourraient être placées sous l'invocation de
suint Hubert, patron de la chasse ; — on fume au foyer, un foyer
splendidement groteste, en vérifé !
Figurez-vous, dans l'interstice des glaces, des portraits de
femmes célèbres dus au pinceau d'un Raphaël en bâtiments.
Et quelles femmes !
En ce Tattersall de la galanterie, je comprendrais volontiers
l'effigie de Pomaré, Maria, Mogador et Clara, — les patronnes de
l'inestimable corporation des jambes banales.
Mais Rachel, Georges, Dorval et Jenny Vertpré! Mais la com-
tesse de Staël et la marquise de Sévigné ! Mais mesdames Cam-
pan, Récamier et Emile de Girardin 1...
Si j'avais l'honneur d'être le fils de l'auteur de Corinne ou
d'avoir élé le mari de l'écrivain de Marguerite, je ne laisserais pas
un instant l'image de ma mère, l'image de ma femme exposées à
entendre des choses dans le slyle de celle-ci :
— Ecoute-moi. Je suis la Dame aux camélias...
— Merci ; je ne veux pas être arma/iDÉVAXisÉ.
Ici l'on soupe
On soupe partout!...
Dans les brasseries d'outre-Seine et du fuubourg Montmartre,
bière de Munich, choucroute de Strasbourg, jambon d'York et de
Wesfphalie!
A la Halle, huîtres, chablis, escargots, côtelettes et soupes à
l'oignon, où le fromage file, file, file de telle façon que Blond in
pourrait se promener sur le câble dont il relie l'assiette à la
cuiller !
Dans les caravansérails élégants du boulevard des Italiens, le
perdreau qui marche tout seul et le champagne-/Ja;ar< — retemz
bien ce nom, — le Champagne à la mode, — un breuvage en-
diablé, plein d'étincelles et de parfums!
Alors qu'elles en ont le feu d'artifice dans la Icle, ces dames «3
disent généralement les cent-z-horreurs
In vino verilas !
Toutes femmes à vin franc,
Emile Blondbt.
BIOGRAPHIES DARTI8TES
Par HENRY LECOMTE
Frederick-Lemaitre; — Virginie Déjazet; — Bouffé.
Pour paraître prochainement :
henry monnier,
Photographie de l'Alcuzar, 10, faubourg Poissonnière. —
Pierre Durât. — Nouveau portrait de Gustave Doré. Envoi du por-
trait-carte contre 80 centimes en timbres-posto. Envoi du portrait grand
format contre 3 francs en timbres-poste.
De» troubles nerveux, traité des névralgies opiniatrfs, pal
fa névrosine léchklle, 35, rue Lamartine. (Notice franco.)
Le directeur-gérant : Danibl Lkvt.
paris, — imprimerie internationale DH 9, TOWW1
9, RUE D'ABOUTIR.
Werk/Gegenstand/Objekt
Titel
Titel/Objekt
La conscription au village, par A. Humbert
Weitere Titel/Paralleltitel
Serientitel
La Lune
Sachbegriff/Objekttyp
Inschrift/Wasserzeichen
Aufbewahrung/Standort
Aufbewahrungsort/Standort (GND)
Inv. Nr./Signatur
S 25/T 14
Objektbeschreibung
Maß-/Formatangaben
Auflage/Druckzustand
Werktitel/Werkverzeichnis
Herstellung/Entstehung
Künstler/Urheber/Hersteller (GND)
Entstehungsdatum
um 1867
Entstehungsdatum (normiert)
1862 - 1872
Entstehungsort (GND)
Auftrag
Publikation
Fund/Ausgrabung
Provenienz
Restaurierung
Sammlung Eingang
Ausstellung
Bearbeitung/Umgestaltung
Thema/Bildinhalt
Thema/Bildinhalt (GND)
Literaturangabe
Rechte am Objekt
Aufnahmen/Reproduktionen
Künstler/Urheber (GND)
Reproduktionstyp
Digitales Bild
Rechtsstatus
Public Domain Mark 1.0
Creditline
La Lune, 3.1867, Nr. 52, S. 52_4
Beziehungen
Erschließung
Lizenz
CC0 1.0 Public Domain Dedication
Rechteinhaber
Universitätsbibliothek Heidelberg