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La Lune — 3.1867

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https://doi.org/10.11588/diglit.6786#0050

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2

LÀ LUNE

LES IDÉES DE MADAME AUBRAY

Mon cher monsieur Polo,

Vous êtes venu me demander cô malin, encore tout palpi-
tant que j'étais du succès de mon fils et de l'ovation dont
j'avais eu ma part, de vous l'aire le compte rendu de la plf>£8
nouvelle, et d'y joindre mon appréciation gur la talent de
l'auteur. Quoique la tâche fût doublement difficile pour moi,
à cause de la place à peu près égale que noua tenons, moi
dans la littérature de 1830, lui dans celle de 1850, j'ai ac-
cepté, et je vais essayer de m'acquitter le mieux possible de
la tâche entreprise. t

Le véritable précurseur de notre littérature moderne est à
mon avis, non pas Shakspeare , non pas Gœthe, non pas

Schiller, mais Walter Scott.

Avant Walter Scott le roman historique était sans précé-
dent en France; on n'y connaissait que le roman de fantaisie,
le roman d'amour, le roman dramatique, lu roman popu-
laire, le roman pittoresque, comme l'écrivaient Pjgnult-Le-
brun, Mme de Monlaulieu, Victor Ducange, Paul de Kock
et Charles Nodier: l'Enfant du carnaval, Claire d'Albe, Thé-
rèse, Sœur Anne et Jean Sbogard étaient les modèles du
genre !

II y avait bien aussi Manon Lescaut ; mais le roman de
l'abbé Prévost était loin de tenir la place qu'il méritait et
que lui ont donnée depuis les admirateurs de Lelia, do l'En-
fant du siècle el de la Fille aux yeux d'or.

Walter Scott vint et fit son entrée non-seulement dans la
littérature anglaise, mais encore dans la littérature de tous
les peuples, par le roman magistral d'Ivanhoé.

De là date, pour la France, le goût du roman historique,
précurseur du drame historique.

Par bonheur pour l'éeole moderne, Walter Scott, archéo-
logue distingué, peintre savant de caractère, de mœurs,
d'époques, n'est point un peintre de passion. S'il eût été de la
même force sur les passions que sur le reste, il ne nous eût
rien laissé à faire.

'Ihez nous, la littérature historique débuta par des pièces
in jouables. Les Soirées de Neuilly, le Théâtre de Clara Gazul,
les Etats de Dlois, la Mort de Henri ouvrirent, non pas le
théâtre, mais l'avenue du théâtre à Henri J/J, h Christine, à
Hernani et à Marion Delorme.

Laissons de côté ces pièces qui n'ont rien à faire avec celles
dont nous avons à nous occuper; mais disons un mot d'An-
lony et d'Angèle, dont procède le théâtre intime moderne.

La position d'Alexandre en arrivant au théâtre était diffi-
cile. Nous avions, Hugo et moi, des qualités différentes.

Hugo était lyrique et théâtral.

.l'étais dramatique.

Hugo avait besoin, pour faire de l'effet, d'opposer des
chants d'orgie à des chants d'église; des tables couvertes de
fleurs et de flacons à des cercueils drapés de noir; il lui fal-
lait des décorations, des costumes, de la mise en scène, des
portes secrètes, des escaliers dérobés, des échelles de corde,
des trappes.

Moi, je n'avais besoin que de quatre paravents, de quatre
planches, de deux acteurs, d'une passion.

Alexandre étant mon fils, reçut une partie des qualités que
j'avais et les compléta par celles qui lui lui étaient propres.

J'étais né dans une époque poétique et pittoresque.

Je fus idéaliste.

Il était né dans une époque matérialiste et sociale.
11 fut réaliste.

Une seule pièce procède de nos deux manières, — c'est la
première de ses pièces, — la Dame aux camélias.

A partir de la Dame aux camélias, nos deux manières se
séparent.

Diane de Lys marque la ligne de séparation.

Ce qu'il y a de curieux, c'est la différence de procédé qui
existe entre nous depuis la première idée de la pièce jusqu'à
sa complète exécution.

Je prends mon sujet dans le rêve ;

11 prend le sien dans la réalité.

Je travaille les yeux fermés ;

Il travaille les yeux ouverts.

Je m'éloigne du monde que je coudoie;

Il s'identifie avec lui.

Je dessine ;

U photographie.

On cherche inutilement le modèle de mes personnages;
A la rigueur, on pourrait nommer les siens.
L'œuvre se présente à moi par l'idée;
Elle se présente à lui par le fait.

Je me promène rêvant sur le boulevard, et tout à coup je
m'arrête en disant :

« Un amant qui serait surpris par un mari en conversa-
tion criminelle avec sa femme, qui l'assassinerait, et qui,
pour sauver son honneur, dirait :

— Elle me résistait, je l'ai assassinée,
ferait à la fois une action atroce et sublime. »
Six semaines après, An tony est fait.

Je cause avec un de mes amis, un jeune médecin, Achille
Comte; tout à coup je m'arrête et lui dis :

Un jeune médecin qu'on viendrait chercher pour un ac-
couchement, à qui l'on banderait les yeux, qui accoucherait
une jeune tille qu'il aime, réduite par un autre, et qui, le
lendemain, dans la malade près de laquelle une mère in-
quiète l'appellera, reconnaîtrait sa patiente de la nuit: il y
aurait la une idée dramatique.

Trois mois après Anyèle était jouée.
.'" Tout autre chose est la manière do procéder d'Aloxaridpfl :
tout lui est un sujet d'étude, et surtout lui-même,—la Dame
pu Camélias, Diane de Lys, le Demi-Monde, sont des souve-
nirs personnels; —la Question d'argent, c'est un portrait
d'après nature ; — l'Ami des femmes, c'est lui-même.

Seule, sa dernière pièce, Madame Aubray, appartient, non
plus au domaine des faits, mais au domaine du rêve.

De là vient peut-être qu'elle est la meilleure.

Mais avant d'arriver à elle, après avoir parlé de la diffé-
rence qui existe entre nous dans la conception, parlons de
celle qui existe dans l'exécution.

Ju travaille de tôle et, presque toujours, exécute la piège
tout entière dans mon esprit avant de apmmoncor.

Alexandre s'y me! dès" qu'il a une musse a Puu Pro3
gmssje. Il voit sa statue sortir peu à peu du bloc, à force de
CQupf» de ciseau el de coups de maillet. Je l'ai vu faire dix
actes au lieu de cinq. Celui qui devait être d'abord le pre-
mier devenait le troisième ; le cinquième, le deuxième; le
quatrième, le premier; lel personnage qui commençait par
Sire un comédien, finissait par être un notaire; toi autre qui
débutait par être un poëte, au deuxième ou troisième rema-
niement, était métamorphosé en agent de change.

De là une grande fatigue et, à la suite de cette fatigue, par-
fois des défaillances.

Il fallait l'admirable, le puissant, l'invincible moral
d'Alexandre pour terrasser la lassitude.

Dieu merci, dans cette dernière pièje, rien de pareil.
Comme dans Antony, comme dans Angèle, la fable en est
empruntée à Vidée, non au fait. Aussi le plan a-t-il été fait
en deux mois, et la pièce écrite en trois semaines.

Jamais pièce de théâtre, avant celle-ci, n'avait porté si
avant sur la scène le problème des idées morales, sociales et
philosophiques : cette grande question de la place misérable
qu'occupe la l'emme dans la sociélé, à côté de la place glo-
rieuse qu'elle devrait y occuper, y est discutée avec une cha-
leur, une logique, une poésie qui saisissent d'autant plus
qu'elles émanent de l'auteur de la Dame au camélias et du
Demi-Monde. C'est plus que la réhabilitation de la femme
par l'homme, c'est-à-dire pur la passion et l'aveuglement;
c'est la réhabilitation de la fergme par la femme, c'est-à-dire
par la justice et par la raison.

La pièce, quoiqu'une des mieux construites de celles
d'Alexandre, paraît peu mouvementée ; c'est que le mouve-
ment, au lieu d'être dans les péripéties du drame, est dans
les sentiments des acteurs.

Inutile do parler do l'esprit semé dans la pièce. On con-
naît sous ce rapport la prodigalité d'Alexandre.. Seulement,
un progrès remarquable : c'est que chaque personnage a
l'esprit do son rôle, et non pas l'esprit de l'auteur.

Le style est éblouissant de limpidité et de concision, les
mots y sont incrustés comme des pierreries de toutes les
couleurs dans une glace de Venise. Si quelque-un des
spectaleurs de la veille se trouvait là le lendemain, il a dû
se croire transporté non-seulement dans un autre théâtre,
mais dans un autre monde.

Sous co rapport, la pièce est non-seulement un succès,
mais une vengeance.

Les artistes ont été adorables : Mlle Delaporte, chargée
du rôle de la pièce, rôle difficile, rôle à croire impossible
quand on le lira, Mlle Delaporte, a joué avec une
douceur, un charme, une humilité, une tendresse, une poé-
sie, une maternité, une vaillance enfin qui la mettent au
rang de nos plus grandes artistes, non-seulement vivantes,
mais mortes. Je serai bien heureux le jour où je verrai
Mlle Delaporte jouer Adèle d'Hervey ou Angèle. J'espère voir
cela un jour.

Mme Pasca a été parfaite d'un bout à l'autre de son rôle,
peu difficile, mais cependant dangereux au dénoûment. Tout
en elle a été-en harmonie avec le rôle qu'elle créait : si toi-
lette, ses gestes, sa coiffure, sa voix ; elle a eu deux ou trois
élans dans ce rôle si puissamment évangélique, et elle a ad-
mirablement dit ces quatre mots si difficiles à dire : Elle
ment ! epouse-la.

Il y a là une jeune fille charmante qui doit en être à ses
premiers débuts, Mlle Baralaud. Elle a eu son succès à
part, dans un petit roman que l'auteur avait fait exprès pour
elle. C'est une ravissante ingénue.

Berton, je le lui ai dit à lui-même à l'une des dernières ré-
pétitions, est à peu près le seul de nos jeunes amoureux qui
ait été doté par le ciel d'un rayon de poésie. Il a des larmes
plein le cœur et plein la voix. Il a dit avec uno tendresse fi-
liale profonde tous ses mots de sentiment. S'il y a quelques
observations à lui faire, je les lui ferai quand je serai assez
heureux pour qu'il ait un rôle dans une de mes pièces.

M. Porel a déployé un grand talent dans son rôle de co-
codès. Il dit bien. Il a fait valoir les quelques mots drôles
dont son rôle est incrusté, et il a eu sa bonne part des ap-
plaudissements de la soirée.

Mais que dire d'Arnal, de ce grand artiste qui a. créé deux
cents rôles peut-être, et qui a donné à chacun des rôles qu'il

a créés un cachet particulier. Son triomphe à lui a été com-
plet. U est impossible d'être plus M. Barantin, mari d'une
femme légère, abandonné par elle, qu'il ne l'a été en éten-
dant son rôle jusqu'à l'extrême frontière du naturel; il a fait
gagner à la pièce un degré de surface.

Il n'y a pas jusqu'au Prince-bleu — enfant de cinq ou six
ans — qui n'ait concouru à l'immense succès de l'ouvrage.

Alexandre a refusé de paraître, peut-être a-t-il eu peur
que la salle croulât sous, les applaudissements. Voilà déjà
cinq ou six de ces terreurs-là qui lui prennent. — Il devrait
cependant être guéri!

Ne le voyant pas revenir, le public s'est vengé de lui
m'applaudissant. Je présume que c'est comme auteur
l'auteur.

ALEXANDRE DUMAS.

en
do

BRI]

DIS LA L.IJNH!

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an à la. Lunb recevra gratuitement en prime tous les
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teur du journal, 5, cité Bergère, à Paris.

LES

VAUDEVILLISTES CHEZ EUX

RÉVÉLATIONS D'UN fROTTEUR

L'almanach des 500,000 adressas n'indique pas ia demeure de
la plus grande partie des vaudevillistes.
Pourquoi?

Messieurs du vaudeville craignent font bonnement l'invasion
des collaborateurs inconnus: ils redoutent Je déluge à domicile
des manuscrits, ignorés.

N'importe ! Il faut aider les jeunes et leur donner le moyen
d'arriver au gr and jour de la rampe.

Donc

An clair de la Lune,
Mou ami I'qi.o,

Je vais, si vous Je voulez bien, conduiro les néophytes jus-
qu'au seuil des jlvjloH-ien en vogue, telle rue, tel numéro ; en-
trebâiller, à l'usage des (j ai.vi le et dgs Lambert de l'avenir, l'huis
des heureux de la ritournelle, et jeter, dans les lares respectifs
de ces dieux du soir, une suite d'indiscrels coups d'œil.

Parions une sottj-C a Vvigi.on — musique d'Eugène Déjazet —
que, avant deux termes de loyer révolus, tous les vaudevillistes
seront déménagés.

Mais, rno dira-t-on, à qui devez-vous les indiscrétions que vous
allez commettre?

A mon frotleup, aidé de ses confrères.

Mon frotleur est une autprlté, c'est le bâtonnier de l'ordre.

Il exerce la profession chez des banquiers dorés sur tranche,
des plus riches ténor,;, des epeodes à quatre épingles, des actrices
à huit-ressorts... rides auteurs dramatiques.

Dans le demi-monde, quelquefois ; dans la bourgeoisie, ja-
mais 1

Il se regarde comme le roi des frotteurs, — à preuve — con-
clut-il — tous Beg clients le tutoyent et lui disent ; Cirk.
Il a travaille chez M. Arsène Iloussuyc.

— C'est pour cela — ojmue-t-il enco:e — qu'il est frotté de lit-
térature.

Mon trotteur enfin pherche à être amusant, mais pas médisant ;
il ne tient en aucune façon à se mettre muï'avoc le parquet.

Ses notes étaient panachées d'auvergnat, j'ai essayé de les
ffuro passer dans la langue de Mlle Léonin Leblanc, voilà tout.

Et maintenant, au rideau I...

Al>out (Edmond)

10, rue do Boulogne, tient aux vaudevillistes par Ri-ctte ou les
Millions d>. la mansarde.

Cueillons une fleur dans le jardin de oetio nouvelle Itnnyl'ou-
viiére; cela me paraît normal.

Est-ce assez neuf
santé?

« A Paria, près de Pantin,
et assez trouvé, comme géographie amu-

n Je naquis un beau matin

<< De décembre ;
u Pour clu-ser le froid, la f;tim,
« Nous n'avions ni fou, ni pin

« Dans la chambré.
« Papa disait à maman :
« Elle a mal pris ?on moment,

« Ta fillette !...

A qui la faute?

if Mais le soleil, par les trous
« Du toit, descendait chez rous :

Le propriétaire s'oblige cependant à tenir ses locataires clos et
couverts.

Et, de ses yeux les plus doux,
Eh eh !.,. voilà qui a de l'œil.

o Nous faisait à tous
« Risette (fer). »
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