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La Lune — 3.1867

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https://doi.org/10.11588/diglit.6786#0094

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LA LUIfl

L'EXPOSITION GUSTAVE COURBET

Au rond-point do TAlma — à une cigarette du Champ
de Mars, — un peu en retrait du quai de Billy, une bâtisse;
vient do s'improviser en un zeste de temps, qui ne figure
point mal un pâté de ménage — un pâté long — coupé par
le milieu.

La pompe à feu de Chaillot fume à côté, et, dans les envi-
rons, les gindres en culotte rouge, les mitrons en tunique
bleue de la Manutention militaire brassent le pain de l'ar-
mée de Paris.

Au-dessus de l'ouverture — qui regarde la rivière —
on lit :

EXPOSITION GUSTAVE COURBET

Pour suivre une comparaison qui ne saurait ôtre désa-
gréable à ce robuste Franc-Comtois,—lequel préfère de beau-
coup aux gaudes de la cuisine natale, la choucroute et le
boudin des brasseries d'outre-Seine, — j'ajouterai qu'il y a
un peu de tout dans cette « Exhibition» ainsi qu'a l'intérieur
des croûtes grasses et substantielles maçonnées par les ba-
ronnes Brisse de la province : le veau y coudoie le jambon,
le'porc commun et lourd y fraternise avec la perdrix fine et
savoureuse, et les boulettes de charcuterie s'y êlent aux
quenelles de volaille. L'écrevisse traditionnelle n'y manque
pas. Tenez, l'apercevez-vous, ici, à gaucha, en entrant, écar-
late et flamboyante? Cela s'appelle sur le livret : Un coucher
de soleil à Trouville, étude d'après nature. D'après nature,
ce cardinal des mers ! Allons donc! Le grand duc des chandelles,
comrae'disait du Bartas, avait dû s'enluminer ce soir-là d'un
coup de trop dans quelque cabaret de la côte normande.
Ce n'est pas l'astre-roi qui plonge dans l'Océan, radieux et
superbe : c'est le vaudevilliste Orangé qui débarbouille son
nez dans sa cuvette.

Voici les Casseurs de Pierres et Y Enterrement à Ornans...
Je pref'esse pour la première de ces deux toiles une admi-
ration que je ne saurais — heureusement — justifier par
aucune des formules du métier. Comment est-ce peint?
Comment est-ce dessiné? Par quels procédés ces deux hom-
mes vivent-ils? C'est cô dont je me soucie comme de M.
Gustave Doré : ils vivent, et voilà tout! A travers 1^8 trous
dont ils sont vêtus, on voit leurs muscles se raidir peur une
besogne de brute et de machine. Le plus vieux pense pour-
tant; dans les rides dont la sueur, dont les larmes peut-être
ont raviné le bronze de ses joues, coule eu gouttelettes fu-
mantes et eii strophes désolées le lamentable poëme de la
misère et de la résignation. Ses haillons grouillent d'ensei-
menls. La façon morne et impassible dont il brise ses cail-
loux, fiur le bord de la route, est plus éloquente cent, fois
que tous les mouvements oratoires des JuleS Simon et des
Jules Favre. Sa chair parle par une lucarne de sa chemise et
crie au législateur : Et les invalides du travail?

LEnterrement à Ornans me plaît moins. Je trouve cette
composition trop vaste et trop peuplée. Quand Shakespeare
et Delacroix veulent l'aire jaillir l'étincelle philosophique de
la rencontre de la vie et de la mort, ils n'ont pas besoin d'un
cadre de bataille, de vingt personnages et de tout un monde I
d'accessoires : Hamlet, le fossoyeur et le crâne d'Yorick leur
suffisent.

Il y a nombre de portraits à l'Exposition du rond-point de
l'Aima. M, Courbet, quineparaîtpointdégcûtédelui-même,
s'y est reproduit avec complaisance sous des désignations et
dans dos attitudes différentes. Ce ne sont pas les plus mau-
vais morceaux de son œuvre, etjeii'aipu m'empôcher de
sourire en remarquant combien ce peintre, qui se conLenle
d'équarrir les autres à coups de couteau à palette, s'amende,
se contient et se pourléche aussitôt qu'il s'agit de sa propre
personne. Le portrait de M. Champfleury, par exemple, est
traité avec une affectation de négligence et de brutalité
épouvantable. Est-ce une manière de symbole — pour ca-
ractériser l'école à laquelle l'écrivain et l'artiste appartiennent
tous les deux?

J'ai parlé de boulettes, tout à l'heure...

Comment définir autrement les femmes de-:, tableaux de
M. Courbet?

A part la Dame au perroquet, que ehacun connaît, et une
tête d'Irlandaise que le maître a coiffée d'un véritable in-
cendie, tout le reste n'est que charcuteries et torchons. Les
Baigneuses ont des jambons au lieu de cuisses, du gras-
double au lieu de gorge, du boudin blanc pour bras, et,
dans leurs bas de monstrueuses andouillettes ! Les confitures
de roses de Cabanel, les poudres de riz de Diaz, les baudru-
ches de llamon r.e me séduisent, il est vrai, qu'à demi ; mais
si mon épaule devait jamais servir d'oreiller à une muri-
lorne pareille à celle dont l'œil rougeoie et dont la peau ver-
doie sur la toile dite des Amoureux, je n'hésiterais pas un
instant à me faire désarticuler cette épaule le lendemain!
Que diable! je sais bien que Rubens n'est pas Gérôme, ni
Wintherhalter, ni Flandrin; mais il n'est pas Véro-Dodat
non plusi....

Où je trouve dans Courbet un maître, — un maître qui

dépasse Rousseau, égale Rosa Bonheur et rappelle Constable
plus de virilité, de fougue cl de sauvagerie,— c'est dans

sa série de Paysages pris dans le Doubs, dans quelques-uns
de ses Effets de neige, dans ses Cerfs, dans ses Chevreuils et
surtout dans sa Source, une merveille, un chef-d'œuvre ! Tous
ceux que le hasard des voyages amènera en Franche-Comté,
aprè3 avoir visité l'exhibition du quai de Billy ; tous ceux qui
s'en iront se baigner dans l'air pur, le calme profond et puis-
sant des forêts, les soleils glorieux et le ruban d'acier ourlé
de verdure des ruisseaux, reconnaîtront ce portrait de la
nature et, comme Leslie et Purton, les amis de Constable,
en face de fa campagne anglaise, ne pourront s'imaginer,
« avoir contemplé ess splendeurs pour la première fois. »
Un jour notre ami Jules Vallès écrivit dans ce sens une
page qui débordait d'effusion et de vérité. Quelqu'un de-
manda à Courbet :

— Avez-vous l'article de Vallès sur vous?

— Oui, répondit-il, C'EST SON MEILLEUR.

Paul Mahaun.

LES VAUDEVILLISTES CHEZ EUX

RÉVÉLATIONS D'UN PllOTTEUll(l)

Choler (Adolphe.)

— Eh ! quoi! mon Empereur!.... vous avez reconnu votre vieil
Hubert !... (bas) Offre moi une prise, sans avoir l'air..,

— Oui!... oui I... Hubert!... un brave !... un ancien d'Egypte !•••
(bas) Je ne peux pas, je n'ai pas de tabatière...

— Ohl Les Pyramides!... Quarante siècles nous'coatempîaienl. •
(bas). Mets-en une pincée sur le dos de la main... J'aurai l'air de
couvrir ta main de baisers... et je reniflerai.

— Mon vieil Hubert! mon vieux sergent! (bas) Mais ce n'est pas
dans la pièce... (haut) Dans mes bras! dans mes bras!

Et, alors qu'Heuzey pressait le vieux de là vieille sur sa noble
poitrine, Hubert-Clairville de plonger rapidement ses doigts dans
la poche du gilet impérial.

Au moment où Napoléon I" humait sa prise traditionnelle, le
sergont Hubsrt aspirait la sienne.

Et le bon public do s'écrier, comme coda à ce duo de la régie :
Hein?... Aimait-/; assez ses soldats, pour leur permetlre de priser
avec lui.

Voilà commo, Marco Saint-Hilairo, sans le savoir, Cîairville a
«joule aux anecdotes populaires de l'Empire : La prise de Schœn-
brmm.

suis

Cîairville prise d'autant plus qu'il fume moins. — J'ai, dit-
essayô pendant trente ans de m'habituer au cigare ; je n'y
jamais parvenu.

On a souvent reproché à notre auteur d'avoir saupoudretti ses
pièces d'autre chose que de sel attique, c'était la conséquence do
ses premières lectures.
| Il a en effet appris à épeler dans une comédie mêlée d'ariettes,
27, rue Bleue. — Choler I" ne donne généralement qu'un po- j jouée au théâtre de la foire et intitulée : la Mère de Claire, ou les
tit acte à la fois, mais son petit acte est toujours un grand succès. ] Cas imprévus. Le dialogue s'engageait ainsi entre la mère et la
Après le théâtre, son dada c'est le jeu. | nll° :

Il partait pour Humbourg, rêvant au numéro qui pourrait bien « Allons, mon enfant, un peu de laisser-aller; pourquoi cette
sortir à la roulette; il rencontre un conscrit portant à son cha- j raideur, au lieu d'aisance ? »
peau le n° 17.

— Je t'achète Ion gibus... — lui propose-t-il.

— Pourquoi l'aire? interroge l'interpellé.

— Peu importe! combien le vends-tu?

— Il n'est pas à vendre.

— Je t'en offre cinq louis.

— Oh ! alors... A ce prix-là, prenez-le...

Et le conscrit de tendre son couvre-chef; puis, se ravisant, il j
se dispose à en retirer le numéro enrubané.

— Non!... non!...— s'écrie Adolphe. — 11 me le faut tel
quel!... Voici les cent francs; maintenant, donne-moi ton nom,
ton adresse.

— Les voilà.

— Don ! si je gagne, tu auras de mes nouvelles.
Arrivé à Hombourg, Choler joua sur le 17 ; son numéro sortil |

plusieurs fois, et notre heureux vaudevilliste empocha une somme
importante; son promier soin fût d'acheter un remplaçant à
l'homme au chapeau.

Une autre plaisanterie, non moins drolatique quô celle de l'ar-
ticle précédent, consiate à appeler Choler : Choléra!

jj Francisque jeune avait, dans sa curieuse collection, un exem-
! plaire de ce singulier ouvrage.

| Cîairville a renoncé à ce genre, n'importe ! il lui a longtemps
.; porté bonheur.

Il avait, du îcstc, fait école, et mon frotteur a retenu ce couplet
^ d'une des anciennes revues de Bobino.
i

dlioïei- (Saint-Agnan).

Même domicile que son frère Adolphe. — Chose bizarre ! Les ]
deux Chokr n'ont jamais travaillé ensemble, sauf une foin : Paris

j s'amuse, joué aux Folies.

Choler II est un de nos plua amusants revuistts ; !î suffit de
rappeler Roule ta bosse, Gare l'eau, Cocher à Bobino et Vlan, ça y
est...

Comment Saint-Agnan n'arrive-t-il pas à sortir des bouibouis?

J' me V demande?

8, rue de l'Echiquier. — Le vaudeville n'existerait pas, Ciair-
ville l'inventerait.

A ce propos, quel est le créateur du genre? Le Français né ma- 1
lin, d'après Boileau. — Pas le moins du moade ; le père du vau- !

deville, c'est AnacrôCtt.

Qui dit cela? Voltaire en personne... Et clans un couplet

Anacréon tic qui le style
Eut souvent un pou familier,
Dit., dans un certain vabw:vh.>.k,
Boit a Daphné, soit à Liathvilr,
Qu'il voudrait être son soulier;
Je révère la Grèce antique,
Ma!:; ce compliment poétique
Paraît celui d'un cordonnier.

AIR ! Noua nous marierons dimanche.

Un jour, nos soldats,
Au fort des combats,
Le br.iv' Cambronne à leur tête,
Sont braqués, truqué.-,
Attaqués, bloqués,
Sans songer il la retraite;
L'Anglais jaloux
Dit : Ucndez-voUs,
Je m' fâche t
l' soldat français,
Qui n' fût jamais

Un lâche,
Riposte avec Bel
Par un mot auquel
I.'onn'ml n' sût pas répondr' : Mâche !

Cîairville, s'il faut en croire Monanlet, ne se préoccupe pas des
feuilletons de théâtre bons ou mauvais que l'on écrit sur ses
pièc-s ; on lui demandait s'il avait lu l'article d'un tel, qui érein-
t.'i;t ton dernier vaudeville : Gomment ! l'article d'un tel, — ré-
pliqua Ckdrville. — Ce n'est donc plus Janin qui fait la critique?

On prête à notre vaudevilliste un récent calembour r l'auteur
de Gulliver en répétition au Chàtolet, collaborait en plein jardin
du Palais-Royal (ce qui n'est guère dans ses habitudes), et gesti-
culait comme un beau diable ; une nourrice de se mettre à rire
aux écluts on l'apercevant, ot de négliger complètement son pou-
pon pour faire des gorges chaudes.

— Eh! la nounou! — lui crie le porie-drapeau des vaudevillis-
tes. — Vous feriez-mieux de notirn'r au sein que de nous lire au
nez.

L'interpellation est possible, pourtant notre flonlîonnier ne fait
pas de mots ; il les garde pour ses pièces.

Encore une demi-ligne et je finis : comme frottage, M. Clair-
ville en est encore au chromo-duro-phane.

Justin Lakolois.
(La suite au prochain quartier de la Lune.)

a m

! Grec avec Anacréon, ou Normand avec Bassclin, le vaudeville
i n'en a pas moins son plus joyeux et plus digne représentant dans

!' la peisonne de M. Louis-François Nicolaïe, dit Cîairville aîné.
Cîairville a vu le jour en 1811, l'année de la comète ; de même \
que cet astre bienfaisant devait amener de bons vins, de môme >
son influence devait inspirer plus tard à Cîairville de bonnes t
pièces.

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mai 1867.

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en mandat ou timbres-poste, à M. Daniel Lévy, direc-
teur du journal, 5, cité Bergère, à Paris,

En attendant féclosion de l'auteur dramatique, le jeune Clair- j
ville, à dix ans, débutait comme acteur au Luxembourg. Il passa, j
tant à ce théâtre qu'à celui de l'Ambigu, ses plus balles années, i
Un soir, c'était à Bobim, vers la fin de 1830, .Cîairville, malgré ]
ses dix-neuf ans, remplissait le rôle d'un vieux grognard dans j
Napoléon à Schœnbrunn. j

Heuzey jouait Napoléon — oui, lleuzey 1 — et ne cessait, pour
la vérité historique, do prendre du tabac à même la poche de son
gilet et de priser avec ampleur et majesté.

Cîairville avait, alors comme aujourd'hui, une passion désor-
donnée pour le tabac en poudre; et voici que, en plein 4e acte,
pris d'une furieuse envie de priser, il modifie le ôialog e de la

LES MIETTES DE LA SEMAINE

Dans les suions parisiens la vogue continue à être aux tableaux vivants,
5 aux lutteurs et aux improvisations. Pas de bonne soirée où une maîtiÉ-sse
j de maison qui se respecte ne serve à ses invités la femme de son i.otaire
5 posant la Vénus Cal/ypyge, entre une séance do bouts rimés et un exer-
| cice de lutte à mains plates.

| Dernièrement, dans un raout chez mon concierge, la cuisinière du
j second a eu, en Niote', un très-grand succès de beauté.
l'Auvergnat du coin a ïambe' de la façon

la plus originale le garçon
! charcutier d'en face; et le frotteur du propriétaire s'est fait jeter une
façon suivante et amène Heuzey aux répliques imprévues ci- i douzaine de rimes, à l'aide desquelles il a confectionné un madrigal des
après : i Plus ga^nts à l'adresse de la femme de ménage du troisième.

_----------_------. j Je ne puis résister à la démangeaison do vous citer cette suave poésie.

(!) V;>!rlc» numéros des 21 et 3! mars, Ht 21 «t 23 avril, 19>t28 mai. , On avait donné au frotteur les rimes suivantes : Cassine — IssOHtHe—
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