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La Lune — 3.1867

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https://doi.org/10.11588/diglit.6786#0098

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1

LA LUtfB

FRÉDÉRICK-LEMAITRE

Les hommes de la génération qui s'en va, vaincue mais glo-
rieuse, se souviennent encore des premiers pas de Frêdérick-
Lemaître clans le mélodrame.

Il était jeune, beau, hardi. II avait à choisir entre les dissimu-
lations de Truguelin, le masque d'Abélino et le poignard de To-
raldi ; il répudia tout cela. Il oublia la démarche saccadée des
tyrans à plumes, les à parte menaçants contre les victimes pri-
sonnières dans dos tours; les fanfaronnades des matamores fran-
çais, mises en mélopées par Cuvclier et psalmodiées par Defresne,
Stockleit ou Marty ; il laissa de côté le vieil oripoau de l'école
routinière, avec ses gestes mesurés et son débit de bonne maison,
pour se livrer corps et âme à ses seules inspirations. Et elles ne
l'ont pas trompé : elles l'ont fait ce qu'il est, avec son naturel
terrible, inimitable, et son exquise pénétration.

La vie de Frédérick, comme celle de tous les grands hommes
destinés à passer plus tard à l'état de nrythes, n'a jamais été
peinte qu'avec les couleurs exagérées, drolatiques, bizarres, du
petit journalisme. Voici l'esquisse simple et vraie :

Frôdérick-Lemaître est né au Hâvre, le 21 juillet 1800, d'une
famille d'artistes. Son grand-père avait été compositeur de musi-
que, et son père, architecte de la ville, était fondateur d'une école
gratuite de dessin et d'architecture que protégea le premier
consul.

M. Lemaître, homme de beauceup d'esprit, mais bâti comme
un hercule et très-entêté, traitait son fils avec le despotisme des
anciens temps. Pour détourner les effets de ses colères fréquentes,
Frédérick lui récitait des vers, et ce moyen était toujours efficace.
Le père, subitement apaisé, drapait son fils avec un rideau ou une
serviette, lui improvisait un diadème de carton, lui mettait à la
main un poignard de bois et lui disait en riant :

— Maintenant que tu es habillé en tragédien, récite-nous la
grande tirade de la Veuve du Malabar.

L'enfant ne se faisait pas prier et débitait les alexandrins avec
une verve bouffonne qui plongeait l'architecte dans le ravisse-
ment.

Dos tirades, Frédéric!; s'attaqua aux scènes, puis aux actes, e}
lorsque son père mourut, le goût de la déclamation était assez dé-
veloppé chez lui pour l'exciter à continuer, sous forme d'étude,
ce qui d'abord n'avait été qu'un jeu.

La veuve de l'architecte vint à Paris, et son fils prit rang parmi
les externes du collège Sainte-Barbe. Chaque matin, Frédérick
passait Son bras dans l'anse d'un panier bourré de tartines, et
prenait courageusement le chemin de l'école ; mais il s'arrangeait
toujours de façon à rencontrer des bambins pénétrés, comme lui,
do la sainte horreur de l'esclavage, et les provisions maternelles
servaient à occuper les entr'actes des jeux qui s'engageaient pour
durer toute la journée.

Désespérée de cet incessant vagabondage, la mère s'entendit
avec l'amiral Hamelin, acheta une petite pacotille, et, un beau
matin, ordonna àson fils de prendre le chemin du Havre, où l'at-
tendait un bâtiment négrier en partance pour la Guinée. Le voyage
Be fit sans accident jusqu'à Rouen ; mais, arrivé dans cette ville,
Frédérick y rencontra Joanny. Les représentations auxquelles il
assista enllammôrent son imagination, et, la Providence ayant
voulu que, trÔ3-fort au billard, il gagnât à ce jeu une somme re-
lativement considérable, Frédérick s'empressa d'oublier le Havre
et mangea gaiement la fortune qui lui tombait du ciel. Quand le
dernier centime eut disparu, Frédéric!; revint à Paris, où il fit sa
rentrée le même jour que Napoléon revenant de l'île d'Elbe.

il nous faut ici, pour ne pas dépasser les limites raisonnables
d'un article, résumer froidement. Frédérick guerroya, comme
volontaire, pendant les Cent-Jours, et, Napoléon tombé, fit ses
premiers pas dans la carrière théâtrale, en paradant aux Funam-
bules sous le modeste nom de Prosper. Le cirque do Franconi le
Vit ensuite figurer dans de nombreuses cavalcades et pièces his-
toriques. Disons, pour rendre hommage à la vérité, qu'il y fut
fréquemment sifflé, mais jamais applaudi, sauf en une occasion.

Il jouait le rôle du confident Béid-Abdoul dans une pièce à
spectacle intitulée la Mort de Kléber, quand, au milieu d'un récit
pathétique, l'acteur représentant le général français l'interrompit
par un rire convulsif, qui se communiqua bientôt à tous les per-
sonnages en scène et au public. Profitant d'une pause, Frédérick,
intrigué, demanda bas au général la cause de cette hilarité, si

peu en situation.

— La barbe de votre joue droite est tombée, parvint à répon-
dre l'officier.

— N'est-ce qus cela? reprit Frédérick; et, levant et abaissant
le bras gauche pour accentuer énergiquement une phrase indi-
gnée, il enleva prestement le reste des poils malencontreux, qu'il
ensevelit dans son burnous, au grand contentomont des spec-
tateurs qui payèrent sa présence d'esprit par d'unanimes bravos.

Les derniers tâtonnements de Frédérick se firent à l'Odéon ; en
1822, l'Ambigu l'appela. De oette époque date sa réputation euro-
péenne et colossale.

Frêdêric-Lemaîtro possède, a un suprême degré, les qualités
les plus rares et les plus dissemblables. Il a !a mobilité de phy-
sionomie, l'éloquence du regard, la souplesse de corps, l'ampleur
de geste, la justesse d'intonation, la science du costume. Il peut
à volonté, provoquer les rires ou les larmes, persifler, émouvoir,
séduire ou glacer. Puissant de terreur dansie Joueur et Richard
Darlington; noble, pathétique et grand dans la Mère et la pie et
Ruy-Blas, il s'est, clans César de Bazan et dans Robert Macaire,
élevé à une vertigineuse hauteur de comique.

Incarnation vivante du théâtre, résumé glorieux de l'histoire
dramatique d'un siècle, il est resté debout et ferme, portant
comme une dignité sa belle vieillesse, insoucieux du temps qui a
blanchi sa tète, mais n'a pu la courber. •

Uknhy Lboomtb,

BOURDES DÉPARTEMENTALES

11 y a eu l'autre jour à la Châtre un coup de foudre qui a laissé un ter-
rible écho dans celui de l'Indre, journal dont je vais répéter la prose
dans sa noble simplicité.

On ne se figure pas jusqu'où peut aller le tonnerre quand il tombe
dans l'Indre, et un rédacteur de l'Echo quand il parle dudit tonnerre.

La foudre, ébranlant la tête d'une cheminée, perforant les
plafonds, brisant quelques vitres, une chaise et transportant,
sans qu'on ait pu comprendre comment, du rez-de-chaussée, uno
assiette à mort aux rats, qui, bien que vaisseau fragile, et mal-
gré son prompt voyage aérien et à travers les plafonds, fut re-
trouvée intacte.

Qu'on vienne maintenant révoquer en doute les nombreux
tours de force que l'on attribue au tonnerreI...

Partons de là pour répéter ici ces deux beaux vers :

« Croire que l'on sait tout est uno erreur profonde,
« C'est prendre l'horizon ponr les bornes du monde. »

La Châtre se souviendra longtemps de ce terrible fracas de ton-
nerre.

du bois de la ramade.

Eh bien, et la Lune donc! croyez-vous qu'on s'y rappellera de la foudre
de la Châtre!
La recotte est trop précieuse :

Quand vous aurez besoin d'un joli fait divers d'été, — on no sait pas ce
qui peut arriver, — prenez un orage, une assiette pleine do mort aux
rats, deux vers classiques bien sentis, une maison de La Châtre et l'Echo
de l'Indn-, battez le tout, mêlez bien, faites revenir et servez chaud.

— Un fait - la Châtre pour un ?

— Boum!

* *

Mcficz-vous de la France centrale, vous allez voir jusqu'où peut aller
ce journal de Lilois quand il en veut à quelqu'un :

« Dernièrement, dit-il, il a été accordé à tous les instituteurs
du Loiret un congé de huit jours. C'est très-bien; mais les parents
seront-ils indemnisés? Autrefois, les habitants des campagnes
donnaient 1 fr. ou 1 fr. 25 c. par mois; aujourd'hui, c'est 2 fr,;
et pour celui qui a plusieurs enfants, la charge devient un peu
lourde. Au moins les mois devraient-ils être complets.

« Voulez-vous un aperçu du mois do mai : Cinq dimanches,
cinq jeudis et cinq jours de congés extraordinaires!

« Quinze jours sans classe! il faudra payer le mois entier.
Quand je veux faire une gracieuseté, je ne prends pas dans la
bourse de mon voisin l'argent nécessaire. »

Nous connaissions la semaine des trois jeudis, mais le mois des einq
jeudis et des cinq dimanches réunis, c'est un peu fort. Au plus bas mot
cela fait 32 jours! !

Je vous le répète! méfiez-vous. Une feuille périodique quotidienne qui
ne recule pas devant des mois de trente-deux jours est capable de toutI

* *

Le Semajihorc de Marseille ne s'élève pas à cette hauteur, mais il mé-
rite une petite place par sa manière noble et digne de raconter lis

choses.

Vous et moi, et bien d'autres pauvres gens encore, si nous avions été
témoins du fait que raconte lo périodique phocéen, nous eussions dit :

« Un individu s'est cassé le cou hier sur les marches du grand escalier! »

Ah, que vous connaissez peu les Marseillais du Sémaphore ; bagasse!
faut voir comme ils vous conte ça, té!

Hier matin, à quatre heures, le grand escalier qui relio la rue
Impériale aux vieux quartiers, a servi d'instrument de supplice
à un ancien cordonnier décidé à se détruire. Ce malheureux s'est
précipité du sommet de cet escalier sur la voie publique, 20 mètres
de hauteur environ.

Il faut admirer et se taire.

*

* *

Pour finir, une petite affiche à la main cueillie à Périgueux :

Logement à louer sur le derrière du boulanger qu'on peut cou-
per en deux.

Après ça, si les morceaux sont bons 1

Georgfs Stenne.

LES VAUDEVILLISTES CHEZ EUX

RÉVÉLATIONS D'UN FIU)TTEUR(l)

Cegnîartî (frères)

( llippûlyto ) 36, rue de Bondy — (Thôdore) 8, rue do Lancry.
— Les ex-Siamois du succès. — Ce qu'ils ont dépensé d'esprit
aux anciennes Folies-Dramatiques et à l'ancien Palais-ltoyal
ferait la fortune de dix vaudevillistes.

Colliot

05, rue Blanche — homme de lettres doublé d'un homme d'af-
faires.—Ancien chef du triumvirat Colliot, Bourdois et Ltpointc,
connu par ses triomphes sous la direction Carprier.

Commerson

74, rue Chariot. — Vous pénétrez dans le cabinet de travail,
vous n'y voyez goutte ; les rideaux des croisées sont hermétique-
ment clos, vous avancez à tâtons; prenez garde !... un homme

est étendu à plat ventre sur le tapis, un petit banc lui sert de pu-
pitre.... Et il écrit.

pet homme, qui doit avoir des yeux de chat, cet albinos litté-
raire, c'est le rédacteur en chef du Tintamarre, c'est Commerson.
H y a bien, auprès de lui, une'petite chaise basse devant un petit
bureau sans pieds, mais c'est encore trop haut, trop élevé pour
notre capricieux écrivain et la |osition par lui adoptée pour écrire
sa copie lui semble infiniment plus commode.

C'est ainsi que Commerson est arrivé ventre à terre à la
célébrité.

Vous finissez par vous faire à ce demi-jour bizarre et vou3
apercevez dans une grande bibliothèque les œuvres complètes de
Commerson : Le demi-cent de vaudevilles qu'il a fait applaudir,
les collections du Tam-tam et du Tintam...., les Rêveries d'un éta-
meur et les Pensées d'un emballeur et surtout les RinUtes contem-
poraines.

Les soixante portraits-charges crayonnés par Nadar pour ce
dernier ouvrage, portraits aujourd'hui rares et peu connus,
attirent vos regarda ; deux immenses passe-partout, contenant
chacun trente binettes, sont pendus à la muraille.

Voici Allaroche, appuyé sur l'Odéon, qui jadis s'est appuyé
sur lui.

Dumas père et Maquet, en Mousquetaires.

Dumas fils, un panier aux bras et vendant des pêches à 15 sous.
Thiers, avec ses œuvres pour piédestal.
Paul de Kock, en coq gaulois.

Le bibliophile Jacob, en frac, monocle à l'œil et suivi d'un jovial
squelette dansant une polka macabre qu'il joue sur le violon.

Lamartine, dans les brouillards de la Seine.

Nadar, une téte d'homme sur des pattes de faucheux.

Commerson lui-même, papillonnant au sein des roses..._ Tel

encore, le premier lundi de chaque mois, il batifole avec les Pier-
rcltes au banquet des Folies-Marigmj.

Plus cinquante autres tous plus illustres les uns que les autres

Paris , rendez-vous de l'univers, donne de l'actualité à cette
pensée de Commerson, mise par lui sur l'album d'Adrien Tour-
nachon alors qu'il avait pris pour devise : Des pensées sans
compter :

a Bizarrerie de notre langue! On dit : avoir le cœur sur la
« main, et aller à Francfort sur le Mein; comment diable les
« étrangers peuvent-ils s'y reconnaître? »

Excepté lessoire de première représentation, Commerson subit
l'influence du marais et se couche à dix heures.

Il est propriétaire au Raincy et n'en est pas plus fier pour ça.

Son commerce est des plus agréables, et l'on est heureux de lui
dire : Commerçons.

Cor m on

A Sablonville.— Le copain de Orangé, avant que ce dernier ne
devint celui de Thiboust, a abandonné le Vaudeville, qui lui avait
valu vingt ans de bravos forcés, pourl'Opéra-Comique ; il est vrai
quo les Dragons de Villars ont dû singulièrement l'y encourager.

Va faire jouer les Bluets au Lyrique, et un Robinson au théâtre
Favart; celte dernière pièco sera nécessairement représentée un
vendredi.

On prétond que notre librettiste, lorsqu'il est en colère contre
un directeur, a adopté pour juron : Cormon de Dieu!

Courcy (Charles de)

Gandin de lettres, — Prétentions littéraires quelquefois justi-
fiées, témoins sa première comédie : Le Chemin le plus long fit son
drame de Daniel Lambert, — N'en appartient pas moins au clan
des vaudevillistes par une pochade on un acte : Entre hsHtmes,
jouée aux Folies-Dramatiques et par On fera des Crêpes, farce re-
présentée aux Variétés. — Mais ce sont des exceptions que l'au-
teur de Diane de Yalneuil oss à peine avouer; il vise plus haut.

Son père s'est contenté d'être bon chansonnier et amusant
vaudevilliste ; la double renommée de Frédéric de Courcy vit en-
core.

Justin Lan glois.
{La suite au prochain quartier de la Lune.)

(1) Voir les numéros des 24 et 31 mars, li, 21 et 28 avril, 19 et 26
mai, et 9 juin.

APRES MOI

LA VIE POSTHUME DU SIEUR X.. , POÈTE ET ROMANCIER

racontés par lui-MiiME

— L'histoire de la vie posthume de mes œuvres et de mon nom,
me disait un soir, avec une gaieté panachée de tristesse, notre
cher X..., un grand poète et un romancier délicat, la voici :

Un jour, dans quelques années, le Figaro à la mode annt|iccra
à se3 lecteurs que je viens de tomber malade et quo mes amis
« conservent peu d'espoir de..., etc. »

Huit jours après, on lira dans le même journal bien informé :
— « Notre célèbre poète X... vient de mourir au sein de l'opu-
« lenco... » —Tous les véritables amis de l'art tiendront à ac-
compagner... — On se réunira... On est prié de considérer le pré-
sent avis..., etc.

L'avis sera répété clans toutes les feuilles publiques, avec de3
variantes flatteuses. — Un journaliste désolé commencera même
son article nécrologique, pour le lendemain, par ces mois : « Et
de cinq ! —

— « Malgré une pluie fine et persistante, » dira le jour sui-
vant le Figaro d'alors, « une foule considérable suivait le mode? te
« corbillard... — A l'église notre inépuisable A. Dumas a fait un
« mot que nous répétons plus bas.. — Les cordon3 du poêle
<t étaient tenus par... — Trois discours ont été prononcés sur...
« On a remarqué que les poètes étaient en minorité à cet enter-
« rêment... Une députation du Quartier-Latin s'était jointe au
« cortège... Quelques dames, voile3 baissés, pleuraient autour de
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