DE FL 0 RENCE. 27
mais digne d'un autre chef que Vitellius. Le Sénat, auffi-tôt qu'il avoit fçu
que les Troupes lui avoient prêté le ferment de fidélité, lui avoit déféré par
un feu! décret tous les honneurs que les Empereurs précédens avoient
fucceffivement acquis dans un règne de plufieurs années. Trop femblable à
Néron , dont il avoit pris le goût pour la débauche à Caprée où il avoit
paffé fa jeuneffe, il l'imita auffi par fa cruauté, & l'on ne peut fe rappeller,
fans frémir, ce qu'il dit en contemplant les cadavres qui couvroient les plaines
de Bédriac, & dont plufieurs fouffroient avec peine la mauvaife odeur, qu'un
ennemi tué eft un parfum pour l'odorat & encore plus un citoyen. Dans l'admi-
nifiration de l'Empire il ne prenoit confeil que d'Hiftrions, de Conducteurs
de chars , & d'affranchis entre lefquels on doit diftinguer Afiaticus qui , tiré
de la baffeffe, abufa de fon crédit, & fut un des principaux inftrumens de la
mifère publique. De tous les vices de ce vil Empereur le plus marqué fut la
gourmandife. C'étoit fa paffion favorite qu'il portoit jufqu'aux excès les plus
honteux. Toute l'Italie étoit tributaire de fa bouche & lui fourniffoit les mets
les plus exquis : il mettoit à contribution pour fa table la terre & les mers :
les Chefs des Villes & les Villes elles - mêmes étoient ruinés pour la fervir , &:
Dion porte à cent douze millions cinq cents mille livres de notre monnoie la
dépenfe de fa nourriture pour les huit mois de fon règne. Sa faim , qu'il fça-
voit renouveller en fe faifant vomir, renaiffoit fans ceffe , & chez lui la
gloutonnerie fe montroit autant que la fenfualité : fouvent il enlevoit fur les
charbons les parties des animaux que l'on brûloir dans les facrifices , &,
dans les rues, il prenoit & mangeoit en marchant des refies de viandes qu'il
trouvoit expofées en vente. De pareilles paffions , jointes à l'indolence & à la
pareffe, ne pouvoient pas pour long-tems lui affûter l'Empire ; auffi dès le
huitième mois de fon règne, il vit s'élever contre lui toutes les Légions d'Orient
qui proclamèrent Vefpafien Empereur & qui furent bientôt imitées par celles
de l'IIIyrie. Envain , & toujours lentement, met-il en campagne les Légions
Germaniques, il efi trahi par Cécina, & voit la plus grande partie de l'Italie &
toutes les Provinces de l'Occident reconnoître fon rival. La guerre s'échauffe alors
de plus en plus. Dans une extrême détreffe, Vitellius, ce lâche Empereur en habit
de deuil, veut publiquement abdiquer l'Empire; mais fes foldats s'y oppofent.
Peu digne d'avoir de pareils Défenfeurs, il remporte fur fes ennemis quelques
avantages ; mais enfin le camp des Prétoriens eft forcé, & tantôt fuyant le Palais
fuivi d'un Boulanger & d'un Cuifinier fidèles , tantôt y retournant accompagné de la
peur, il fe cache enfin dans l'étroite retraite de celui qui gardoit la porte ; mais,
P 2
mais digne d'un autre chef que Vitellius. Le Sénat, auffi-tôt qu'il avoit fçu
que les Troupes lui avoient prêté le ferment de fidélité, lui avoit déféré par
un feu! décret tous les honneurs que les Empereurs précédens avoient
fucceffivement acquis dans un règne de plufieurs années. Trop femblable à
Néron , dont il avoit pris le goût pour la débauche à Caprée où il avoit
paffé fa jeuneffe, il l'imita auffi par fa cruauté, & l'on ne peut fe rappeller,
fans frémir, ce qu'il dit en contemplant les cadavres qui couvroient les plaines
de Bédriac, & dont plufieurs fouffroient avec peine la mauvaife odeur, qu'un
ennemi tué eft un parfum pour l'odorat & encore plus un citoyen. Dans l'admi-
nifiration de l'Empire il ne prenoit confeil que d'Hiftrions, de Conducteurs
de chars , & d'affranchis entre lefquels on doit diftinguer Afiaticus qui , tiré
de la baffeffe, abufa de fon crédit, & fut un des principaux inftrumens de la
mifère publique. De tous les vices de ce vil Empereur le plus marqué fut la
gourmandife. C'étoit fa paffion favorite qu'il portoit jufqu'aux excès les plus
honteux. Toute l'Italie étoit tributaire de fa bouche & lui fourniffoit les mets
les plus exquis : il mettoit à contribution pour fa table la terre & les mers :
les Chefs des Villes & les Villes elles - mêmes étoient ruinés pour la fervir , &:
Dion porte à cent douze millions cinq cents mille livres de notre monnoie la
dépenfe de fa nourriture pour les huit mois de fon règne. Sa faim , qu'il fça-
voit renouveller en fe faifant vomir, renaiffoit fans ceffe , & chez lui la
gloutonnerie fe montroit autant que la fenfualité : fouvent il enlevoit fur les
charbons les parties des animaux que l'on brûloir dans les facrifices , &,
dans les rues, il prenoit & mangeoit en marchant des refies de viandes qu'il
trouvoit expofées en vente. De pareilles paffions , jointes à l'indolence & à la
pareffe, ne pouvoient pas pour long-tems lui affûter l'Empire ; auffi dès le
huitième mois de fon règne, il vit s'élever contre lui toutes les Légions d'Orient
qui proclamèrent Vefpafien Empereur & qui furent bientôt imitées par celles
de l'IIIyrie. Envain , & toujours lentement, met-il en campagne les Légions
Germaniques, il efi trahi par Cécina, & voit la plus grande partie de l'Italie &
toutes les Provinces de l'Occident reconnoître fon rival. La guerre s'échauffe alors
de plus en plus. Dans une extrême détreffe, Vitellius, ce lâche Empereur en habit
de deuil, veut publiquement abdiquer l'Empire; mais fes foldats s'y oppofent.
Peu digne d'avoir de pareils Défenfeurs, il remporte fur fes ennemis quelques
avantages ; mais enfin le camp des Prétoriens eft forcé, & tantôt fuyant le Palais
fuivi d'un Boulanger & d'un Cuifinier fidèles , tantôt y retournant accompagné de la
peur, il fe cache enfin dans l'étroite retraite de celui qui gardoit la porte ; mais,
P 2