DE FLORENCE. 47
dans les plus juftes bornes , fon économie ne fe rapprochoit point de l'ava-
rice, &, quoiqu'elle ne lui permit aucune largeffe inconfidérée , quoiqu'elle
lui ait fait, même après une victoire , refufer aux foldats une gratification
qu'ils demandoient impérieufement, il ne regardoit pas les plaifirs du peuple
comme une dépenfe fuperflue. Ennemi des fpeélacles & des jeux dont il feu-
toit la frivolité , il fçavoit en procurer à la multitude qui en étoit avide;
mais il en employoit le tems à des chofes utiles , & purifioit ainfi fa com-
plaifance aux yeux de fa Philofophie. La bonté étoit, pour ainfi dire, l'ef-
fence du caractère de ce Prince, & il la chériffoit tant, qu'il en fit une
Divinité à laquelle il conftruifit un temple dans le Capitole. Peut-être pouffa-
t-il à l'excès cette aimable vertu ; mais s'il fut trop enclin à pardonner, même
à de coupables impofteurs , (ce qui eft un vice dans un Souverain) : s'il fut trop
facile à fe laiffer tromper par les dehors de la Philofophie que l'on emprun-
toit pour le féduire : fi fa conduite fut fi molle à l'égard de fon époufe fcan-
daleufe : n'eft-il pas beau de n'avoir aux yeux d'un peuple qui adore fon
Souverain d'autre crime qu'une trop grande bienfaifance ? Et de combien
de malheurs publics fa douceur fut-elle le remède ! Il étoit né, dit Aurélius
Viétor, pour le bonheur de l'Empire, qui fe fut écroulé s'il n'eut été foutenu
par fes mains. Les Troupes n'avoient point de repos, le feu de la guerre
embrdfoit l'Orient , l'Illyrie , l'Italie , la Gaule : des tremblemens de terre
renverfèrent des Villes, les Fleuves débordés en inondèrent d'autres, les pefes
furent fréquentes , des nuées de fauterelles enlevaient aux Laboureurs le fruit
de leurs travaux, & à l'Etat, fa plus folide nourriture : ce ne pouvait être
que par un bienfait des Dieux que le Souverain fage & bon, qui gouvernait
le genre - humain, lui avait été donné pour tempérer ces fléaux. Cependant
Marc-Aurèle eut une révolte à effuyer: Avidius Caffius voulut ufurper l'Em-
pire; mais il eut le fort que méritoit fa témérité. Déclaré par le Sénat ennemi
public, fes biens furent confifqués, & il fut tué par deux de fes Officiers.
L'Empereur ne put pas même alors fe venger : il rendit aux enfans de Caffius
la moitié de la confifcation, & fit porter l'autre au tréfor de l'État; il brûla,
fans les avoir lus, les papiers de l'Ufurpateur, pour ne pas trouver de com-
plices, & il pardonna aux Villes & aux peuples qui avoient fuivi fon parti.
Enfin après avoir fait mettre Antonin fon prédéceflëur, Vérus fon Collègue,
& Fauftine fon époufe au rang des Dieux, il y fut mis lui-même. Cette apo-
théofe annonce fa mort, arrivée le 17 Mai de l'an de Rome 931, à Vindo-
bona en Pannonie; elle caufa la douleur la plus vive dans l'Empire, & l'on
dans les plus juftes bornes , fon économie ne fe rapprochoit point de l'ava-
rice, &, quoiqu'elle ne lui permit aucune largeffe inconfidérée , quoiqu'elle
lui ait fait, même après une victoire , refufer aux foldats une gratification
qu'ils demandoient impérieufement, il ne regardoit pas les plaifirs du peuple
comme une dépenfe fuperflue. Ennemi des fpeélacles & des jeux dont il feu-
toit la frivolité , il fçavoit en procurer à la multitude qui en étoit avide;
mais il en employoit le tems à des chofes utiles , & purifioit ainfi fa com-
plaifance aux yeux de fa Philofophie. La bonté étoit, pour ainfi dire, l'ef-
fence du caractère de ce Prince, & il la chériffoit tant, qu'il en fit une
Divinité à laquelle il conftruifit un temple dans le Capitole. Peut-être pouffa-
t-il à l'excès cette aimable vertu ; mais s'il fut trop enclin à pardonner, même
à de coupables impofteurs , (ce qui eft un vice dans un Souverain) : s'il fut trop
facile à fe laiffer tromper par les dehors de la Philofophie que l'on emprun-
toit pour le féduire : fi fa conduite fut fi molle à l'égard de fon époufe fcan-
daleufe : n'eft-il pas beau de n'avoir aux yeux d'un peuple qui adore fon
Souverain d'autre crime qu'une trop grande bienfaifance ? Et de combien
de malheurs publics fa douceur fut-elle le remède ! Il étoit né, dit Aurélius
Viétor, pour le bonheur de l'Empire, qui fe fut écroulé s'il n'eut été foutenu
par fes mains. Les Troupes n'avoient point de repos, le feu de la guerre
embrdfoit l'Orient , l'Illyrie , l'Italie , la Gaule : des tremblemens de terre
renverfèrent des Villes, les Fleuves débordés en inondèrent d'autres, les pefes
furent fréquentes , des nuées de fauterelles enlevaient aux Laboureurs le fruit
de leurs travaux, & à l'Etat, fa plus folide nourriture : ce ne pouvait être
que par un bienfait des Dieux que le Souverain fage & bon, qui gouvernait
le genre - humain, lui avait été donné pour tempérer ces fléaux. Cependant
Marc-Aurèle eut une révolte à effuyer: Avidius Caffius voulut ufurper l'Em-
pire; mais il eut le fort que méritoit fa témérité. Déclaré par le Sénat ennemi
public, fes biens furent confifqués, & il fut tué par deux de fes Officiers.
L'Empereur ne put pas même alors fe venger : il rendit aux enfans de Caffius
la moitié de la confifcation, & fit porter l'autre au tréfor de l'État; il brûla,
fans les avoir lus, les papiers de l'Ufurpateur, pour ne pas trouver de com-
plices, & il pardonna aux Villes & aux peuples qui avoient fuivi fon parti.
Enfin après avoir fait mettre Antonin fon prédéceflëur, Vérus fon Collègue,
& Fauftine fon époufe au rang des Dieux, il y fut mis lui-même. Cette apo-
théofe annonce fa mort, arrivée le 17 Mai de l'an de Rome 931, à Vindo-
bona en Pannonie; elle caufa la douleur la plus vive dans l'Empire, & l'on