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jour eft pris où ils feront confiâtes. Le Ciel, heureufement, fut orageux au’
jour affigné : comme Romulus finiffoit fa prière , un éclair brillant fembla
circuler autour de lui, & tout le peule le reconnut pour Roi.
Romulus, par fon génie, méritoit cet honneur: & les premières Loix qu'il
établit, l'ordre qu'il mit dans fon État naiffant, furent la bafe folide de toute
la gloire que Rome acquit enfuite.
L'appareil du Trône en impofe, ^ cet appareil eft néceffaire : il faut que
l'éclat & la pompe environnent un Roi. Chef de la Religion & revêtu de la
Puiffance Suprême, douze Licteurs précédoient ce nouveau Souverain , armon-
çoient fa présence , exécutaient fes arrêts. Tout le peuple fut claflé par Tribus &
par Curies: puis il diftingua les Nobles des Plébéiens. Par-tout où font raflem-
blés des hommes il faut un Confeil public, il faut des Juges. Toutes les-
Tribus offrirent pour ce noble emploi ce qu'elles avoient de plus prudent,
de plus mûr, de plus vertueux & de plus diftingué, & de cette élite fut formé le
premier Sénat de Rome. La Nobleffe eft la compagnie naturelle du Prince:
elle efi fa garde & la première défenfe de l'Etat; Romulus prit donc encore:
trois cens hommes choifis par les Curies elles-mêmes, de qui, nommés Célères,
pour défigner leurs fondions, composèrent une compagnie militaire, l'origine
des Chevaliers Romains.
Que le peuple foit bien divifé , cela efi néceffaire pour le bon ordre; mais pour
l'harmonie , il faut que toutes les clafl’es de citoyens , quoique diftinguées , foient
unies par des liens peu faciles à rompre. Le nœud qui parut au lage Romulus^
le plus propre à former cette union , fut la mutuelle dépendance du Souve-
rain , du Sénat & du peuple, qui , mettant l'équilibre dans toute l'autorité,
confervoit le pouvoir des Grands, fans bleffer la liberté du peuple. Malheur
à la Nation chez laquelle le Noble eft infolent & le peuple méprifé. Romulus,
pour éloigner ce fléau, les rapprocha l'un de l'autre par le plus puiffant des moyens,
l'intérêt, non ce vil intérêt qui ne fert que trop fouvent de mobile aux
actions humaines; mais cet intérêt né des befoins mutuels qu'autorife & néceffite
la Nature. Sous le nom de Patrons , ils voulut que les Grands furent les Protec-
teurs du peuple : ils dévoient infiruire leurs concitoyens des Loix , prendre
foin de leurs affaires & les défendre comme les leurs propres , les préferver
des moindres attaques injufies, veiller à la légitimité de leurs contrats & les
foutenir dans leurs contefiations ou dans leurs procès. Enfin le repos, la for-
tune , la gloire, le bonheur du peuple devenoit par cette inftitution l'ouvrage
des Grands, qui, trop ordinairement, l'accablent & l'humilient. Sous le nom
jour eft pris où ils feront confiâtes. Le Ciel, heureufement, fut orageux au’
jour affigné : comme Romulus finiffoit fa prière , un éclair brillant fembla
circuler autour de lui, & tout le peule le reconnut pour Roi.
Romulus, par fon génie, méritoit cet honneur: & les premières Loix qu'il
établit, l'ordre qu'il mit dans fon État naiffant, furent la bafe folide de toute
la gloire que Rome acquit enfuite.
L'appareil du Trône en impofe, ^ cet appareil eft néceffaire : il faut que
l'éclat & la pompe environnent un Roi. Chef de la Religion & revêtu de la
Puiffance Suprême, douze Licteurs précédoient ce nouveau Souverain , armon-
çoient fa présence , exécutaient fes arrêts. Tout le peuple fut claflé par Tribus &
par Curies: puis il diftingua les Nobles des Plébéiens. Par-tout où font raflem-
blés des hommes il faut un Confeil public, il faut des Juges. Toutes les-
Tribus offrirent pour ce noble emploi ce qu'elles avoient de plus prudent,
de plus mûr, de plus vertueux & de plus diftingué, & de cette élite fut formé le
premier Sénat de Rome. La Nobleffe eft la compagnie naturelle du Prince:
elle efi fa garde & la première défenfe de l'Etat; Romulus prit donc encore:
trois cens hommes choifis par les Curies elles-mêmes, de qui, nommés Célères,
pour défigner leurs fondions, composèrent une compagnie militaire, l'origine
des Chevaliers Romains.
Que le peuple foit bien divifé , cela efi néceffaire pour le bon ordre; mais pour
l'harmonie , il faut que toutes les clafl’es de citoyens , quoique diftinguées , foient
unies par des liens peu faciles à rompre. Le nœud qui parut au lage Romulus^
le plus propre à former cette union , fut la mutuelle dépendance du Souve-
rain , du Sénat & du peuple, qui , mettant l'équilibre dans toute l'autorité,
confervoit le pouvoir des Grands, fans bleffer la liberté du peuple. Malheur
à la Nation chez laquelle le Noble eft infolent & le peuple méprifé. Romulus,
pour éloigner ce fléau, les rapprocha l'un de l'autre par le plus puiffant des moyens,
l'intérêt, non ce vil intérêt qui ne fert que trop fouvent de mobile aux
actions humaines; mais cet intérêt né des befoins mutuels qu'autorife & néceffite
la Nature. Sous le nom de Patrons , ils voulut que les Grands furent les Protec-
teurs du peuple : ils dévoient infiruire leurs concitoyens des Loix , prendre
foin de leurs affaires & les défendre comme les leurs propres , les préferver
des moindres attaques injufies, veiller à la légitimité de leurs contrats & les
foutenir dans leurs contefiations ou dans leurs procès. Enfin le repos, la for-
tune , la gloire, le bonheur du peuple devenoit par cette inftitution l'ouvrage
des Grands, qui, trop ordinairement, l'accablent & l'humilient. Sous le nom