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Perrot, Georges; Chipiez, Charles
Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre — Paris, 1885

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https://doi.org/10.11588/diglit.11735#0085

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LA RELIGION. 75

de sacrifice était le sacrifice des premiers-nés, ou, plus généralement,
des nouveau-nés. C'était une manière de consacrer à la divinité les
prémices de ses richesses. De la Phénicie, cette habitude s'était in-
troduite, à un certain moment, chez les Hébreux; la Bible parle de
ces enfants que l'on faisait passer par le feu, en l'honneur de Moloch,
c'est-à-dire de ce principe igné et solaire que les Phéniciens adoraient
sous différents noms Dans l'élan avec lequel on se portait à ces
holocaustes entrait aussi l'idée que le feu purifie tout ce qu'il touche,
qu'il enlève toutes les souillures. C'étaient ces sentiments complexes
qui entraînaient les Carthaginois à renouveler ces immolations, avec
un redoublement de ferveur, foutes les fois qu'ils se trouvaient dans
des circonstances critiques; leur fanatisme s'exaltait alors, et des
mains ouvertes de la statue gigantesque de Baal-Hammon, les enfants
des plus nobles familles, livrés par leurs parents comme victimes
expiatoires, tombaient et roulaient dans l'ardent bûcher dont les
flammes léchaient les jambes du colosse l.

L'originalité de la religion phénicienne est surtout dans le carac-
tère violent et passionné de ses rites et dans les contrastes qu'ils
présentent. A des scènes de luxure comme celles qui se répétaient
sans cesse dans les parvis des temples d'Astarté succédaient, à bref
délai, les funèbres accès d'une dévotion barbare et les immolations
meurtrières qu'ils provoquaient3. Pour ne pas parler de ce que nous
trouverons en Grèce, comme les âmes sont ici moins douces et les
sentiments moins tempérés qu'ils ne l'étaient en Egypte ! C'est que
les Phéniciens étaient surtout des commerçants et des marins ; il n'y
avait point de place dans leur vie pour cette culture littéraire et phi-
losophique ni pour ces jouissances de l'art qui élèvent l'esprit, qui
attendrissent et qui modèrent les cœurs. Ces âmes toujours tendues
par l'âpre désir et par l'inquiète espérance du gain avaient de brusques
détentes; à peine échappées au péril de la mer, elles se jetaient dans

1. D'après Tertullien, ces sacrifices s'accomplissaient encore ouvertement, dans l'Afri-
que romaine, au premier siècle de notre ère {Apologie, chapitre ix). Il fallut, pour, les
faire cesser ou tout au moins pour les rendre clandestins, que les empereurs, à partir de
Tibère, édictassent la peine de mort contre les prêtres qui auraient prêté leur ministère à
ces meurtres.

2. II Bois, xvn, 31 ; xxi, 6.

3. Diodore, XX, xiv, 5-6. Justin, XVIII, 6. Plutabque, De super stitione, XIII. Des textes
nombreux témoignent de l'énergie avec laquelle la conscience du monde civilisé protes-
tait contre ces holocaustes. On racontait que Darius (Justin, XIX, 1) et Gélon avaient voulu
imposer par des traités aux Carthaginois l'obligation de renoncer à ces sacrifices (Plu-
tarque, De sera numinis vindicla, 6).
 
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