Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

LES MATÉRIAUX ET LA CONSTRUCTION. 107

s'écrasent sous ce fardeau; c'est ce qui est arrivé, par exemple, aux
assises qui dans le temple d'Amrit sont interposées entre la base
monolithe et l'énorme dalle qui recouvre l'édicule : elles sont comme
broyées; elles ne tarderont pas à se réduire en poussière. Ajoutez que
l'inégalité des matériaux et les remplissages avec de petites pierres
rendent le mur plus sensible aux tremblements de terre. On n'obtient
pas ainsi cette parfaite adhérence des faces internes et cette finesse
des joints qui a fait la durée de tant de murs d'appareil hellénique.
En se servant de matériaux dont le calibre est bien plus faible, l'ar-
chitecte grec, par la manière dont il les met en œuvre, arrive à bien
mieux imiter la résistance et la solidité
du roc.

L'architecture phénicienne se ressen-
tira, jusqu'au dernier jour, des habitudes
qu'elle a contractées ainsi dans ses pre-
miers essais. Dans la construction grec-
que, chaque pierre a son rôle particulier
dans l'ensemble dont elle fait partie ; c'est
comme le membre d'un corps, et l'on a
senti de bonne heure qu'il n'était pas
naturel et logique de tirer d'une même
pierre plusieurs membres. En Syrie, la
pierre ne répond pas à la ligne voulue
par l'idée; ainsi, quand on y emploie la
colonne, le fût et le chapiteau y sont, comme en Assyrie, taillés dans
un seul bloc. C'était, par exemple, le cas d'un pilier carré qui faisait
partie d'un des édifices de Gebal (fig. 43)*.

De cette tendance à utiliser la pierre telle que le carrier la fournit
auraient dû, ce semble, résulter le goût et l'habitude d'un appareil
à, bossage rustique; il paraîtrait naturel que les maçons phéniciens se
fussent contentés de dresser les bords du joint et qu'ils eussent laissé
volontiers au reste de la face apparente son air de rudesse native,
cette saillie et ces inégalités qui rappellent la physionomie du rocher.
Longtemps en effet on a regardé le bossage et les refends comme les
caractères propres de l'appareil phénicien, comme ceux qui permet-
taient de le mieux définir et de le reconnaître le plus sûrement; on en
prenait comme type l'enceinte de Tortose (fig. 44), le château de

\. Renan, Mission, p. iTo et pl. XXV,