Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Perrot, Georges; Chipiez, Charles
Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre — Paris, 1885

DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.11735#0272

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
LA PHÉNIGIE ET SES DÉPENDANCES.

l'image grandiose et confuse de la déesse nature des Syriens s'est,
par degrés, resserrée et comme condensée en une forme mieux défi-
nie, celle de l'Aphrodite grecque1. Les noms de ces fameux sanctuaires,
Paphos et Amathonte, Idalie et Golgos, reviennent sans cesse dans les
vers des poètes grecs et latins; c'est à eux et à d'autres temples fondés
également par les Phéniciens, comme ceux de Cythère et d'Éryx, que
doit ses principaux surnoms la déesse que l'épopée homérique et les
poètes lyriques appellent sans cesse la Cypriote, Ku-piç, Kvwpfc,
K'jTupoyevYiç, Ku-poyévax. Ces temples n'ont pas cessé d'être fréquentés
jusqu'aux derniers temps du paganisme, et l'antiquité s'est mieux
conservée à Gypre que sur la côte de Syrie. Sauf Lamaca, qui occupe

1. On n'est pas arrivé et il ne semble pas que l'on doive réussir à expliquer par le
grec et par les langues aryennes le nom d'Aphrodite; il convient donc de chercher cette
étymologie d'un autre côté, et c'est ce qui nous décide à signaler une conjecture récem-
ment émise par M. Fritz Homme], un des meilleurs assyriologues de l'Allemagne. D'après
lui, il ne faudrait voir dans Aphrodite qu'un doublet d'Astarté; ce serait une altération
d'Ashtoret, forme qu'avait prise, chez les Sémites occidentaux, le nom de la déesse
chaldéo-assyrienne Ishtarit. Les Grecs n'ont jamais eu de consonnes chuintantes; ils sont
encore aujourd'hui tout à fait incapables de prononcer le sh et le j; donc, pour adapter
aux habitudes de leurs organes vocaux le nom de la grande déesse orientale dont ils
trouvaient les temples partout fondés parles Phéniciens, ils auraient, sans même s'aper-
cevoir du changement, substitué au s/i, comme une sorte d'équivalent, l'aspiration labiale,
le tp. C'est au prix de cette modification.que le nom de la déesse serait entré dans leur
langue et que la déesse même serait entrée dans leur Panthéon. Aphrodite viendrait
d'Ashtoret, prononcé Aftoret; puis ensuite, par métathèse, on aurait dit Aphrotet. Plus
tard, bien plus tard, alors que l'on avait perdu le sens de cette identité primitive, on
aurait, par un emprunt réfléchi, adopté une autre transcription du terme phénicien : on
aurait, cette fois : comme le font les Grecs modernes quand ils empruntent des mots
turcs, résolument remplacé la lettre chuintante par une pure sifflante; on aurait ainsi
créé la forme Astarté, que l'on aurait affectée à désigner la déesse, envisagée seulement
comme divinité orientale et phénicienne. Astarté serait un de ces dérivés dus aux lettrés,
dérivés qui toujours, malgré une ressemblance apparente et tout extérieure, sont plus
éloignés du prototype, le reproduisent moins fidèlement que les dérivés populaires,
que ceux qui sont le produit d'une altération naturelle, d'un mouvement organique et
inconscient. Il n'est pas rare de trouver ainsi dans les langues des doublets qui, dérivés
d'un même terme, ont pris, à la longue, des acceptions différentes. Ce n'est pas ici le
lieu de signaler certains faits qui, observés par M. Hommel dans le domaine même des
idiomes sémitiques, semblent venir à l'appui de son hypothèse; nous ne pouvons que
renvoyer à la note qu'il a insérée à ce sujet sous ce titre : Aphrodite-Astarté, dans les
Neue Iahrbûcher fur Philologie, de Fleckeisen, 1882, p. 176, n° 30. M. Hommel se réserve
de revenir ailleurs sur ce sujet avec plus de développement. Nous n'avons pas reproduit
les termes mêmes de sa note, et nous avons présenté, à ce propos, des considérations que
nous ne trouvons pas dans cette note sommaire; mais nous ne croyons pas avoir rien dit
qui s'écarte de la pensée de l'auteur. Nous devons avouer que sa conjecture nous séduit
fort. Il est certain que l'Aphrodite grecque est d'origine orientale; on est donc disposé
d'avance à penser qu'elle a dû tirer de cette source non seulement ses attributs et les
rites qui caractérisent son culte, mais aussi le nom sous lequel l'a adorée, chantée et
figurée le génie de la Grèce.
 
Annotationen