Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

LES TEMPLES DE GAULOS ET DE MALTE. 303

que solide ; n'est-il pas plus simple d'admettre que, si les colons phé-
niciens de Malte ont pris ce parti, c'est qu'ils ont trouvé quelque
agrément à l'effet qu'ils obtenaient par ce moyen? Ce même décor a
été observé clans certaines parties du temple de Gozzo{. Dans ce travail
de l'outil, dans ces milliers de points qu'il a marqués en creux sur le
parement, il ne faut voir, croyons-nous, qu'un ornement comparable
à la ciselure que, dans d'autres constructions dues à des ouvriers de la
même race, on a pris soin de ménager, sur la face apparente du mur,
tout le long des joints.

Ces piqûres se voient encore sur deux fragments qui ont été ramas-
sés dans la première salle du temple (A), fragments que l'on conserve
aujourd'hui à la Bibliothèque
publique de Malte. L'un d'eux
est une dalle dont le décor
rappelle celui d'une des pierres
de la Giganteja. Au-dessous
d'un bandeau qui fait une
légère saillie, pend un objet
conique, qui ressemble à la
moitié d'un citron ou au petit
bout d'un œuf ; à droite et à
gauche, deux ornements sy-
métriques et pareils qui ont la forme d'une crosse épiscopale (fig. 227).
On a aussi voulu voir là un symbole; le sculpteur aurait figuré sous
cet aspect l'œuf d'où est sorti le monde -. Avouez que, si telle était son
intention, il a rendu bien peu clairement sa pensée. Pourquoi s'est-il
contenté d'une moitié d'œuf? Pourquoi a-t-il comme caché cet emblème
entre ces enroulements qui ont un plus fort relief et qui attirent
davantage le regard? Pour nous, il n'y a encore là qu'un pur motif
de décoration ; c'est une ove d'un dessin grossier, entre deux de ces
enroulements qui jouent un si grand rôle dans tous les systèmes d'or-
nementation dont le caractère est enfantin et primitif; on sait quelle
place ils tiennent dans l'art de Mycènes.

L'autre monument, qui provient de la même pièce, est un autel
d'une forme assez singulière (fîg. 228). Ce qu'il a de plus remarquable,
c'est la rainure concave que présente sa face antérieure. Dans ce creux,
un ciseau qui ne manque pas d'une certaine adresse a figuré une plante

I. La Marmora, pl. 1, liy. h.
i. Caruana, Report, pp. 10-1 i.