Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

LES PORTS.

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pointe nord-est, autrefois baignée par la mer, est enveloppée aujour-
d'hui par le marais; en face de cette pointe, au-dessus de la forêt de
roseaux, dans l'axe même de la colline, se dresse une plate-forme d'un
relief assez accusé, que sépare du massif principal une coupure prati-
quée dans le roc, coupure qui a 40 mètres de largeur sur 300 mètres
de longueur. Cette plate-forme représente l'extrémité du promontoire
primitif; elle a été détachée et isolée du continent par un canal taillé
de main d'homme ; on a ainsi créé une île artificielle qui a dû être le
berceau d'Utique, le siège des premiers colons sidoniens et le refuge
inaccessible où ils pouvaient trouver un abri s'ils se sentaient menacés
par les tribus libyennes. En même temps les navires avaient là, dans
ces eaux tranquilles, entre l'île , et le continent, un excellent mouil-
lage, qui dut rester, de tout temps, le port marchand d'Utique.
On distingue la trace d'un second port rectangulaire, qui fut creusé
dans la masse même de File; ce bassin mesure 100 mètres sur 33;
on y a reconnu le premier port fermé que se soit donné la ville nais-
sante. Celle-ci ne pouvait d'ailleurs rester prisonnière dans l'île ; elle
construisit une enceinte fortifiée qui enveloppait une partie de la
colline et les pentes qui, de son double sommet, descendaient vers
la mer, dans la direction de l'est et du nord. Une forte citadelle
couronna le coteau; les maisons, les temples et les autres édifices se
groupèrent entre cette forteresse et le rivage, dont l'ancienne ligne est
encore facile à reconnaître. Un nouveau cothon fut établi sur la face
nord-ouest de l'enceinte ; ce fut le port militaire de cette Utique des
derniers siècles de notre ère qui se résigna toujours si difficilement à
subir la suprématie de sa puissante voisine et qui se hâta toujours de
faire cause commune avec les ennemis de Carthage, qu'ils s'appe-
lassent Agathocle, Régulus ou Scipion.

Ce port présente l'aspect d'un rectangle de 238 mètres sur 125:
les angles en sont arrondis. Les deux petits côtés et le côté principal
qui regarde la mer sont bordés de quais en arrière desquels s'ouvrent
deux étages de loges superposées, en retrait l'un sur l'autre (fig. 271)1.
On a proposé de voir, dans les loges de l'étage supérieur, des magasins
pour les agrès; celles de l'étage inférieur seraient des cales sèches,
où l'on aurait remisé les galères, tirées de l'eau et transportées sur des
rouleaux; ces cales ont 7m,20 de hauteur, 18 mètres de profondeur,
et 4m,60 de largeur. Sont-ce bien là des loges de galères? On peut

I. Le dessin ne représente que la moitié de ce port, le reste se voyant sur le plan
d'ensemble (fig. 270) et la symétrie étant complète de l'une à l'autre moitié.