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Perrot, Georges; Chipiez, Charles
Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre — Paris, 1885

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https://doi.org/10.11588/diglit.11735#0495

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LA SITUATION, LE SOL ET LE CLIMAT DE L'ILE. 485

comme dans tout l'Orient, l'homme a misérablement gaspillé ce capital.
Pour défricher un petit champ, le laboureur brûle tout un bois : l'œuvre
de destruction qu'a commencée l'incendie est achevée par les pâtres et
par la dent avide de leurs chèvres, puis par les nuées de sauterelles
qui s'abattent périodiquement sur l'île. Pendant longtemps, les pouvoirs
qui s'étaient succédé dans l'île avaient su protéger les forêts, au moins
dans certaines régions; ils avaient dû édicter des règlements analogues
à ceux dont la trace nous a été conservée, tout près de là, dans le
Liban, par ces nombreuses inscriptions latines qui se lisent sur le roc,
en différents endroits des districts à'A/wura et de Kartaba, inscrip-
tions que M. Renan a recueillies et qu'il a expliquées d'une manière si
plausible1. Ces textes gravés en grandes lettres qui frappaient tous les
yeux réservaient au gouvernement le droit d'abattre et d'employer
pour les constructions publiques quatre essences précieuses entre
toutes. Les autres bois, de moindre valeur, restaient à la disposition
des particuliers, ceteraprivata.

Sans ces défenses, il eût été difficile de conserver des réserves en
haute futaie capables de fournir aux maîtres successifs de Cypre les
grandes pièces qu'ils en ont toujours tirées, soit pour la quille et la
mâture de leurs navires, soit pour les planchers et les combles de leurs
édifices. Or Cypre a toujours été célèbre par ses chantiers maritimes
et par l'excellence des bois que l'on y mettait en œuvre2. Un peu plus
tard, si les Ptolémées font de si grands efforts pour conquérir Cypre
sur Antigone et Démétrius, puis pour s'y maintenir contre les Séleu-
cides, c'est qu'ils ont besoin des forêts de l'île ; sans elles, où construi-
raient-ils ces escadres qui leur assureront l'empire du bassin oriental
de la Méditerranée? Dans des temps plus rapprochés de nous, les Lusi-
gnans ont été de grands bâtisseurs; pendant plus d'un siècle, dans
leur royaume, ils ont élevé partout châteaux et palais, grandes églises
ogivales aujourd'hui changées en mosquées, abbayes dont les ruines
pittoresques, dont les nefs et les clochers gothiques donnent au voya-
geur, dans certaines vallées cypriotes, l'impression et presque l'illusion
d'un paysage occidental. Toutes ces constructions somptueuses, qui

1. Mission de Phênicie, pp. 259-281. La formule complète est ARBOREM GENERA IV
CETERA PRIVATA; mais le plus souvent elle est écrite en abrégé.

2. Ammien Marcellin (XIV, 27), vantant les richesses naturelles de Cypre, dit que l'on
peut y construire et y gréer un grand navire, de la quille à la mâture et aux voiles, sans
y faire entrer aucune matière qui ne soit le produit du sol même de l'île. Avec les forêts
de pins, on avait aussi le goudron à discrétion. D'après Théophraste [Ristoirc des Plantes,
v, 9), les cèdres y étaient plus grands que ceux mêmes de Liban.
 
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