Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

652 LA PHÉNICIE ET SES DÉPENDANCES.

Un des groupes que Fart oriental a le plus souvent reproduits,
c'est celui qui se compose du lion et de la victime, taureau, cerf ou bélier,
sur laquelle il se précipite. On attachait une idée à cette lutte, ou plutôt
à cette victoire du lion, idée que nous pouvons peut-être deviner,
mais qu'aucun texte ancien ne nous a clairement expliquée. Quoi qu'il
en soit, c'était certainement un symbole, et, comme tel, il fut répété
par la plastique, pendant des siècles, des rivages de la Méditerranée
jusqu'aux dernières limites de la Perse. Le plus souvent il garda le
caractère d'une représentation toute conventionnelle, d'une sorte
d'emblème héraldique ; mais dans les siècles et chez les peuples qui
eurent le sentiment du beau, le sculpteur apprécia les ressources que

lui offrait le thème hiératique, traité libre-
ment; il prit plaisir à faire valoir, par le con-
traste, les deux formes animales ainsi mises
en présence ; il comprit quels effets il pour-
rait tirer de la violence des mouvements que
suppose le drame qui se joue entre ces deux
acteurs. C'est ce que nous voyons par exemple
dans une belle pierre gravée qui représente
un griffon attaquant un cerf lancé à pleine
course ; au-dessous, dans le champ, la tête
de la Gorgone (fig. 462). La provenance de
cette pierre est inconnue ; mais il y a tout lieu de penser qu'elle a été
gravée pour le personnage, quelque riche grec de Cypre, dont le nom,
Akestodaros, s'y lit au génitif, gravé en caractères cypriotes. L'exé-
cution de l'image est d'une franchise singulière; ce doit être l'œuvre
de quelque artiste grec de la bonne époque ; si nous l'insérons en cet
endroit, c'est qu'elle répète un motif d'importation orientale dont l'art
de l'île fournit plus d'un exemple. A Golgos, sur un marchepied de
pierre, c'est un lion qui dévore un taureau sur un scarabée trouvé
à Salamine, la victime est un sanglier 2 ; un des types qui reviennent le
plus souvent sur les monnaies des rois de Kition et sur celles d'autres
villes cypriotes, c'est celui d'un lion terrassant un cerf (fig. 297). Il y
a ici une variante ; le griffon a pris la place du lion ; mais cette sub-
stitution est justifiée par des précédents; il y en a plus d'un exemple
dans la sculpture assyrienne 3.

462. — Intaille sur calcédoine.
Dessin au double
de la grandeur réelle.
Collection Danicourt.

1. Cesnola, Cyprus, p. 159.

2. Al. de Cesnola, Salaminia, p. 159.

3. Histoire de F Art, t. II, fïg. 280 et 447.