Perrot, Georges; Chipiez, Charles: Histoire de l'art dans l'antiquité: Egypte, Assyrie, Perse, Asie Mineure, Grèce, Étrurie, Rome (Band 3): Phénice - Cypre (Paris, 1885)

LA PHENICIE ET SES DEPENDANCES.

Le travail de la pose du fil a dû être plus ou moins difficile, suivant
que le dessin était plus ou moins compliqué. Ce qui était le plus aisé,
c'était d'enrouler ce fil, en spirale, autour du corps ou autour du col
du vase (pl. IX, fig. 3 et 1); mais il fallait plus de dexlérité quand il
s'agissait de briser la ligne, comme c'est le cas dans ce qu'on appelle
les verres à chevrons (pl. VIII, fîg. 1,2, 3; pl. IX, fig. 1), à draperies
(pl. VII, fîg. 3) et à barbes de plume ou feuilles de fougère (pl. VII,
fig. I). Là, chaque fois que la direction changeait, au sommet de cha-
cun de ces angles si multipliés, il fallait, pour tendre le fil avant de lui
faire continuer son parcours, un petit coup du crochet avec lequel l'ou-
vrier le tenait et le maniait ; l'opération exigeant une très grande
rapidité pour être achevée pendant que la pâte était encore molle, une
main singulièrement agile pouvait seule obtenir ce résultat. Les vases
ainsi fabriqués étaient donc nécessairement les plus précieux et les
plus chers; on se procurait à bien meilleur compte ceux qui, presque
monochromes, n'ont d'autre ornement qu'un léger filet au col et les
stries de leurs flancs côtelés (pl. VII, tig. 2).

La forme que présentent le plus souvent les verres auxquels ou
est en droit d'attribuer une haute antiquité, c'est celle de l'alabastre;
elle a été de très bonne heure familière à la Phénicie, qui a déposé
dans toutes ses tombes et qui a exporté des vases de cette espèce, en
pierre, enterre émaillée ou peinte; on se rappelle que, sur ses sarco-
phages anthropoïdes, elle a mis l'alabastre dans la main du mort
(fig. 132 et 134). Une des premières préoccupations de l'industrie du
verre a dû être d'imiter ce type en donnant à l'objet plus de valeur
par l'emploi d'une matière plus difficile à travailler, par la magie de la
couleur et par la grâce du dessin; cette forme très simple était d'ail-
leurs d'une exécution facile : de simples trous de suspension sont percés
dans des oreillettes qui font saillie sur les côtés; il n'y a pas d'anses,
au sens propre du mot; c'était bien ce qui convenait aux débuts
d'une industrie qui n'avait pas encore résolu tous les problèmes tech-
niques. La série des alabastres doit donc fournir les plus anciens
produits de la verrerie égyptienne et phénicienne. Consacré par la
tradition des rites funéraires, ce type ne fut jamais abandonné; mais,
avec le temps, les verriers s'enhardirent : ils ne se contentèrent plus
de façonner des vases qu'il fallait suspendre par un fil ou poser sur un
support; ils s'essayèrent à créer des modèles plus variés, à reproduire,
avec les moyens qui leur étaient propres, les types qu'avaient mis à la
mode les progrès de la céramique.