S A G E S S E , C H A P. I Y. 41
seroit le soc înutile ; le Pilote auroit horreur des dangers ; le
Riche insensîble armeroit son cœur d’un bouclier de fer ; le
Vulgaire impuiiTant périroit ; les Mères, oui, les tendres mères
oublieroient leur tendreise & leurs enfans. Mais , graces aux
Pajfions, les Cœurs sçavent être sensibles malgré eux. La Mère
s’attendrit sur ses enfans ; sa tendresse dévore tout ; sa douleur
même lui plaît, elle est maternelle. Les noms de Père, d’É-
poux, de Frère , de Femme , d’Ami, ne sont plus de vains
noms. Ce ne sont pas plus des Fables, que i’Humanité & îa
Bonne-foi : elles sont connuës desplus barbares nations , qui ,
sensibles aux mêmes revers que nous, témoignent ou feignent
de témoigner que l’Humanité ne leur est point étrangère ,
qu’eiles sont prêtes de nous secourir dans nos maüieurs ; & que
du moins elies ne veuient pas nuire, à qui ne leur nuit pas.
Otez les PaJJions-, que deviennent les Àrts ? tout l’Univers
retombe dans l’Antique Cahos. Rendez-les à l’Homme ; les
Vilies & les Tempîes renaissent de leur ruine ; la Vertu même
revient : Vertu née pour habiter avec les Paffions ; Vertu qui
sçait prendre d’eiles ses plus brillantes couieurs , ia Tendrefîe
dans les Ames tendres , la Vigueur dans les fortes , la Douceur
dans les cœurs bien placés, la Hardieiïe dans les âmes guer-
rières , l’Égalité sî précieuse dans tous ; & cette espèce d’Im-
mutabiiité, qui la mèt au-defîiis des circonilances de l’Humeur.
Tout le monde connoît les PaJJions des hommes , jusqu’à un
certain point : au-delà c’est un Pays inconnu àlaplûpart des gens,
mais où tout ie monde est bien-aise de faire des Découvertes.
Combien les PaJJions ont-elles d’effèts délicats & fns, qui n’ar-
rivent que rarement ; ou qui, quand iis arrivent, ne trouvent
pas d’Observateurs alsez habiîes ? iî suffit de pîus qu’eiies soient
extrêmes, pour nous être nouveües. Nous 11e îes voyons pres-
que jamais que médiocres. Où sont les Hommes parfaitement
TomelL ' F
seroit le soc înutile ; le Pilote auroit horreur des dangers ; le
Riche insensîble armeroit son cœur d’un bouclier de fer ; le
Vulgaire impuiiTant périroit ; les Mères, oui, les tendres mères
oublieroient leur tendreise & leurs enfans. Mais , graces aux
Pajfions, les Cœurs sçavent être sensibles malgré eux. La Mère
s’attendrit sur ses enfans ; sa tendresse dévore tout ; sa douleur
même lui plaît, elle est maternelle. Les noms de Père, d’É-
poux, de Frère , de Femme , d’Ami, ne sont plus de vains
noms. Ce ne sont pas plus des Fables, que i’Humanité & îa
Bonne-foi : elles sont connuës desplus barbares nations , qui ,
sensibles aux mêmes revers que nous, témoignent ou feignent
de témoigner que l’Humanité ne leur est point étrangère ,
qu’eiles sont prêtes de nous secourir dans nos maüieurs ; & que
du moins elies ne veuient pas nuire, à qui ne leur nuit pas.
Otez les PaJJions-, que deviennent les Àrts ? tout l’Univers
retombe dans l’Antique Cahos. Rendez-les à l’Homme ; les
Vilies & les Tempîes renaissent de leur ruine ; la Vertu même
revient : Vertu née pour habiter avec les Paffions ; Vertu qui
sçait prendre d’eiles ses plus brillantes couieurs , ia Tendrefîe
dans les Ames tendres , la Vigueur dans les fortes , la Douceur
dans les cœurs bien placés, la Hardieiïe dans les âmes guer-
rières , l’Égalité sî précieuse dans tous ; & cette espèce d’Im-
mutabiiité, qui la mèt au-defîiis des circonilances de l’Humeur.
Tout le monde connoît les PaJJions des hommes , jusqu’à un
certain point : au-delà c’est un Pays inconnu àlaplûpart des gens,
mais où tout ie monde est bien-aise de faire des Découvertes.
Combien les PaJJions ont-elles d’effèts délicats & fns, qui n’ar-
rivent que rarement ; ou qui, quand iis arrivent, ne trouvent
pas d’Observateurs alsez habiîes ? iî suffit de pîus qu’eiies soient
extrêmes, pour nous être nouveües. Nous 11e îes voyons pres-
que jamais que médiocres. Où sont les Hommes parfaitement
TomelL ' F