532, Aüteurs
Essai SUR l’ArcHitecture. Paris, Duchêne, iyb3-, ïn-iil
Les premiers principes de tous les Arts sont puises dans la nature ;
tout le monde croit les connoître , mais ce sont des secrèts qu’elle ne
révèle qu’à une petit nombre d’âmes privilégiées ; peu de gens sçavent
s’élever jusqu’à cette source primitive des vraies beautés &c des dé-
sauts heureux. Ouvrons la plupart des Livres composés pour rinstruc-
tion des ArtiRes en tout genre, qu’y trouvons-nous ? Des modèles
proposés plûtôt que des préceptes inspirés par le goût ; mais ces mo-
dèles ose-t-on les discuter ? N’éxige-t-on pas pour eux un respèèt trop
servile ? N’étend-t-on pas trop loin le conseil de les imiter ? Ce qu’ils
ont fait n’esl-il pas trop souvent donné , pour unique règle de ce qu’il
faut faire ? Cette méthode timide & rempante rend les productions
de l’Art trop uniformes , consacre presque également ies grands défauts
ies grandes beautés , confond les idées du goût, & charge le génie
d’entraves rigoureuses qui retardent sa course , qui le tiennent dans
une enfance perpétuelie, qui l’empêche de s’élancer au-delà des bornes
de ia médiocrité. Si quelque nouveauté subüme s’introduit, ce ne
peut-être qu’en vioiant ces règles importunes ; mais le trop docile
Artiste n’ose les violer, toujours disciple, toujours imitateur , il n’ose
devenir Maître & modèle lui-même. L’Auteur de i’as-réable & utile
Ouvrage que nous citons ici , croit que cette Théorie imparfaite ÔC
fondée sur l’imitation , est ie partage de la seule Architèèiure ; ii se
trompe , c’est un malheur commun à tous les Arts, malheur qui ne doit
être attribué qu’à l’extrême rareté des génies originaux.
Vitruve , dit-on dans la Préface , ne nous a proprement appris que
ce qui se pratiquoit de son temps ; ies Modernes n’ont fait que com-
menter Vitruve & le suivre dans ses égaremens , M de Cordemoy seul
a apperçû la vérité ; son court Traité d’Architèfture renferme des prin-
cipes éxcellens , & des vûës extrêmement résséchies : notre Auteur efl:
fâché qu’ii ne les ait pas développés un peu davantage , & qu’il n’en
ait pas tiré des conséquences qui auroient répandu un grand jour sur les
obscur-ités de son Art,
Après s’être servi d’un tour élégant ÔC ingénieux pour faire entendre
avec modeflie , qu’il se propose d’achever l’Ouvrage ébauché par M. de
Cordemoy ; ii rend compte de la méthode qu’ii a suivie , & nous
osons
Essai SUR l’ArcHitecture. Paris, Duchêne, iyb3-, ïn-iil
Les premiers principes de tous les Arts sont puises dans la nature ;
tout le monde croit les connoître , mais ce sont des secrèts qu’elle ne
révèle qu’à une petit nombre d’âmes privilégiées ; peu de gens sçavent
s’élever jusqu’à cette source primitive des vraies beautés &c des dé-
sauts heureux. Ouvrons la plupart des Livres composés pour rinstruc-
tion des ArtiRes en tout genre, qu’y trouvons-nous ? Des modèles
proposés plûtôt que des préceptes inspirés par le goût ; mais ces mo-
dèles ose-t-on les discuter ? N’éxige-t-on pas pour eux un respèèt trop
servile ? N’étend-t-on pas trop loin le conseil de les imiter ? Ce qu’ils
ont fait n’esl-il pas trop souvent donné , pour unique règle de ce qu’il
faut faire ? Cette méthode timide & rempante rend les productions
de l’Art trop uniformes , consacre presque également ies grands défauts
ies grandes beautés , confond les idées du goût, & charge le génie
d’entraves rigoureuses qui retardent sa course , qui le tiennent dans
une enfance perpétuelie, qui l’empêche de s’élancer au-delà des bornes
de ia médiocrité. Si quelque nouveauté subüme s’introduit, ce ne
peut-être qu’en vioiant ces règles importunes ; mais le trop docile
Artiste n’ose les violer, toujours disciple, toujours imitateur , il n’ose
devenir Maître & modèle lui-même. L’Auteur de i’as-réable & utile
Ouvrage que nous citons ici , croit que cette Théorie imparfaite ÔC
fondée sur l’imitation , est ie partage de la seule Architèèiure ; ii se
trompe , c’est un malheur commun à tous les Arts, malheur qui ne doit
être attribué qu’à l’extrême rareté des génies originaux.
Vitruve , dit-on dans la Préface , ne nous a proprement appris que
ce qui se pratiquoit de son temps ; ies Modernes n’ont fait que com-
menter Vitruve & le suivre dans ses égaremens , M de Cordemoy seul
a apperçû la vérité ; son court Traité d’Architèfture renferme des prin-
cipes éxcellens , & des vûës extrêmement résséchies : notre Auteur efl:
fâché qu’ii ne les ait pas développés un peu davantage , & qu’il n’en
ait pas tiré des conséquences qui auroient répandu un grand jour sur les
obscur-ités de son Art,
Après s’être servi d’un tour élégant ÔC ingénieux pour faire entendre
avec modeflie , qu’il se propose d’achever l’Ouvrage ébauché par M. de
Cordemoy ; ii rend compte de la méthode qu’ii a suivie , & nous
osons