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Pirenne, Henri; Cohen, Gustave; Focillon, Henri
(Histoire du moyen âge ; 8): La civilisation occidentale au Moyen Âge du XIe au milieu du XVe siècle — Paris, 1933

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https://doi.org/10.11588/diglit.45395#0654

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L’ART A LA FIN DU MOYEN AGE

comme à Bourges, capitale de la monarchie française menacée, à
Anvers, à Augsbourg, à Dijon. C’est elle que nous retrouvons, dans les
bois rudement taillés de la Chronique de Nüremberg, c’est elle encore qui
sé masse mystérieusement, proche et lointaine à la fois, sur le rocher au
pied, duquel médite le saint Jérôme de Durer.
II. — Sluter et Van Eyck.
Dans ce décor singulier, un monde nouveau de figures. Deux grands
noms, Sluter, Van Eyck. L’un et l’autre tiennent au Moyen Age par
des fibres profondes, l’un et l’autre annoncent et propagent une con-
ception nouvelle de l’homme et de la nature. Ils portent en eux une
pensée profondément occidentale et médiévale, mais ils lui confèrent
une telle puissance et par de tels moyens qu’elle se retourne en quelque
sorte contre elle-même et qu’elle détruit l’ordre ancien. Sluter conçoit
la sculpture comme un grand peintre et comme un poète épique ; il
substitue à la règle monumentale, dont l’instinct le possède encore, une
autre règle qui ne tire sa force que de l’œuvre elle-même et de sa qualité
expressive; il crée un style. Van Eyck approfondit l’espace derrière les
images; il invente une dimension nouvelle, la transparence, et, dans
un univers que plus rien ne limite, que la vue possède de toutes parts,
sa rigoureuse analyse fixe la figure de l’homme et de l’objet; il inaugure
un ordre de la vérité plus intense que l’ordre de la vie même et que
le « réalisme » ne définit pas.
Tous deux, l’un à Dijon, l’autre à Bruges, appartiennent à cette
grande Bourgogne ducale étendue aux Flandres et qui connut, à la fin
du XIVe siècle et dans la première moitié du xve, la plénitude de sa vie
historique. Philippe le Bon, Philippe le Hardi sont de la même souche,
ils ont le même instinct et le même besoin de magnificence que Jean de
Berry, avec des vues plus larges, une action politique appuyée sur un
plus puissant apanage. Ils aimaient les belles choses, non comme des
collectionneurs, mais en princes pour qui elles sont une sorte de fonc-
tion nécessaire et font partie de l’art de vivre, ainsi que les fêtes écla-
tantes et singulières, les longs festins et les chapitres de chevalerie. Les
chroniques, les inventaires restituent les épisodes et le décor de ces
fastes seigneuriaux de la grande féodalité, sorte de roman vécu, à la
veille des temps où elle allait subir les rudes coups d’un roi bourgeois.
Ils avaient le privilège des Valois d’appeler à eux ce qu’il y avait de
grand et de rare, et de s’en faire en quelque sorte parure, mais, dans leurs
 
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