GREGE.
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« mon oreille. C'était un animal sau-
« vage qui s'était introduit dans le
« souterrain, il venait dévorer les ca-
« davres de ceux qu'on y précipitait.
« Je le saisis, je me traînai après lui ;
« l'entrevis la lumière, et, continuant
« a m'ouvrir un passage, je sortis de
" la région des ténèbres. Je trouvai
« les iMesséniens occupés à pleurer ma
« perte. A mon aspect, le mont Hira
« tressaillit de cris d'allégresse, et,
« au récit de mes souffrances, des cris
« d'indignation éclatèrent.
« La vengeance les suivit de près :
« elle fut cruelle comme celle des
« dieux. »
Pr isf. n'Hin a. Aristomène, qui avait
conservé son bouclier, le trappe de
son glaive, donne le signal des com-
bats. Suivi d'une troupe choisie, il
marche aux Corinthiens, qui venaient
au secours des Spartiates. Il se glisse
dans leur camp à la faveur des ténè-
bres , et tous passent des bras du
sommeil dans ceux de la mort : fai-
sant, dit Pausanias, plus qu'il ne
semble possible à aucun homme. 11
immola a Jupiter Messénien une héca-
tombe pour avoir tué cent ennemis de
sa main : c'était la troisième fois qu'il
présentait au même dieu cette offrande
barbare.
Vains hommages , offrandes inuti-
les ! Le devin Tbéoclès avertit Aris-
tomène que l'heure suprême d'Ilira,
annoncée par l'oracle de Delphes,
s'avance, et qu'on touche au dénotl-
nient de tant d'agitations meurtrières,
par une catastrophe sanglante.
Un berger, autrefois esclave d'Km-
péramos, général des Lacédémoniens,
conduisait habituellement son trou-
peau sur les bords de la JN'éda, qui
Coule des hauteurs d'Ilira dans le golfe
Cyparisien. Il aimait une Messé-
iiienne, qui le recevait chaque fois que
son mari était de faction, l ue nuit,
pendant un orage affreux , l'époux re-
vient chez lui et dit à sa femme que
la tempête et l'obscurité mettant
la place à l'abri d'une surprise, les
postes sont abandonnés, et qu'Aris-
tomène lui-même est retenu au lit par
une blessure. Le berger, qui entend ce
récit, quitte l'endroit où il se tenait
caché, et court rapporter au général
lacédémonien ce qui se passait.
Accablé de fatigue, Aristomène s'é-
tait abandonné à un sommeil pénible.
11 reposait, lorsqu'il crut voir le gé-
nie de la Messénie vêtu de longs ha-
bits de deuil, et entendre ces mots:
« Tu dors, Aristomène, et des échelles
« menaçantes s'élèvent dans les airs !
« A l'appui de ces frêles mpehines, le
« génie de Lacédémone l'emporte sur
« toi ! »
A ces accents, Aristomène s'éveille;
l'ame oppressée, l'esprit égaré, il saisit
ses armes -en poussant un cri. Son
fils se présente. — Où sont les enne-
mis?— Dans Hira! Étonnés de leur
audace, ils n'osent avancer.— Suivez-
moi. Nous trouverons Tbéoclès, l'in-
terprète des dieux, le vaillant Man-
ticlès son fils. Courez , répandez
l'alarme; annoncez aux Messéniens
qu'au lever du soleil ils verront leurs
généraux au milieu des ennemis.
Illusion'trompeuse! les jours d'Ilira
étaient accomplis : les maisons, les
temples, les rues, étaient inondés de
sang, et la ville tout entière reten-
tissait de cris épouvantables. Les ha-
bitants, qui ne pouvaient plus entendre
la voix d'Aristomène, n'écoutaient que
leur fureur. Les femmes, qui animaient
les soldats au combat, se précipitent au
milieu des Spartiates, et tombent en
expirant sur les corps de leurs enne-
mis , de leurs époux et de leurs en-
fants.
Au retour de la lumière, on se
barricade , chaque maison devient une
forteresse ; et on se défendait depuis
trois jours , lorsque le devin Théoclès
s'écria : « C'en est fait de la Messé-
« nie, les dieux ont résolu sa perte.
« Fuis, trop généreux Aristomène,
<> sauve tes malheureux amis; c'est à
« Tbéoclès de s'ensevelir sous les rui-
« nés de la patrie, destinée à renaître
« et à briller d'une gloire nouvelle.' »
Il dit, et, se jetant dans la mêlée, il
meurt libre et couvert de gloire (<>7l
ans avant J.-C).
Aristomène , pour obéir aux ordres
divins de Théoclès, après avoir réuni
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« mon oreille. C'était un animal sau-
« vage qui s'était introduit dans le
« souterrain, il venait dévorer les ca-
« davres de ceux qu'on y précipitait.
« Je le saisis, je me traînai après lui ;
« l'entrevis la lumière, et, continuant
« a m'ouvrir un passage, je sortis de
" la région des ténèbres. Je trouvai
« les iMesséniens occupés à pleurer ma
« perte. A mon aspect, le mont Hira
« tressaillit de cris d'allégresse, et,
« au récit de mes souffrances, des cris
« d'indignation éclatèrent.
« La vengeance les suivit de près :
« elle fut cruelle comme celle des
« dieux. »
Pr isf. n'Hin a. Aristomène, qui avait
conservé son bouclier, le trappe de
son glaive, donne le signal des com-
bats. Suivi d'une troupe choisie, il
marche aux Corinthiens, qui venaient
au secours des Spartiates. Il se glisse
dans leur camp à la faveur des ténè-
bres , et tous passent des bras du
sommeil dans ceux de la mort : fai-
sant, dit Pausanias, plus qu'il ne
semble possible à aucun homme. 11
immola a Jupiter Messénien une héca-
tombe pour avoir tué cent ennemis de
sa main : c'était la troisième fois qu'il
présentait au même dieu cette offrande
barbare.
Vains hommages , offrandes inuti-
les ! Le devin Tbéoclès avertit Aris-
tomène que l'heure suprême d'Ilira,
annoncée par l'oracle de Delphes,
s'avance, et qu'on touche au dénotl-
nient de tant d'agitations meurtrières,
par une catastrophe sanglante.
Un berger, autrefois esclave d'Km-
péramos, général des Lacédémoniens,
conduisait habituellement son trou-
peau sur les bords de la JN'éda, qui
Coule des hauteurs d'Ilira dans le golfe
Cyparisien. Il aimait une Messé-
iiienne, qui le recevait chaque fois que
son mari était de faction, l ue nuit,
pendant un orage affreux , l'époux re-
vient chez lui et dit à sa femme que
la tempête et l'obscurité mettant
la place à l'abri d'une surprise, les
postes sont abandonnés, et qu'Aris-
tomène lui-même est retenu au lit par
une blessure. Le berger, qui entend ce
récit, quitte l'endroit où il se tenait
caché, et court rapporter au général
lacédémonien ce qui se passait.
Accablé de fatigue, Aristomène s'é-
tait abandonné à un sommeil pénible.
11 reposait, lorsqu'il crut voir le gé-
nie de la Messénie vêtu de longs ha-
bits de deuil, et entendre ces mots:
« Tu dors, Aristomène, et des échelles
« menaçantes s'élèvent dans les airs !
« A l'appui de ces frêles mpehines, le
« génie de Lacédémone l'emporte sur
« toi ! »
A ces accents, Aristomène s'éveille;
l'ame oppressée, l'esprit égaré, il saisit
ses armes -en poussant un cri. Son
fils se présente. — Où sont les enne-
mis?— Dans Hira! Étonnés de leur
audace, ils n'osent avancer.— Suivez-
moi. Nous trouverons Tbéoclès, l'in-
terprète des dieux, le vaillant Man-
ticlès son fils. Courez , répandez
l'alarme; annoncez aux Messéniens
qu'au lever du soleil ils verront leurs
généraux au milieu des ennemis.
Illusion'trompeuse! les jours d'Ilira
étaient accomplis : les maisons, les
temples, les rues, étaient inondés de
sang, et la ville tout entière reten-
tissait de cris épouvantables. Les ha-
bitants, qui ne pouvaient plus entendre
la voix d'Aristomène, n'écoutaient que
leur fureur. Les femmes, qui animaient
les soldats au combat, se précipitent au
milieu des Spartiates, et tombent en
expirant sur les corps de leurs enne-
mis , de leurs époux et de leurs en-
fants.
Au retour de la lumière, on se
barricade , chaque maison devient une
forteresse ; et on se défendait depuis
trois jours , lorsque le devin Théoclès
s'écria : « C'en est fait de la Messé-
« nie, les dieux ont résolu sa perte.
« Fuis, trop généreux Aristomène,
<> sauve tes malheureux amis; c'est à
« Tbéoclès de s'ensevelir sous les rui-
« nés de la patrie, destinée à renaître
« et à briller d'une gloire nouvelle.' »
Il dit, et, se jetant dans la mêlée, il
meurt libre et couvert de gloire (<>7l
ans avant J.-C).
Aristomène , pour obéir aux ordres
divins de Théoclès, après avoir réuni