J06
Mémoires
rons préparer ma tante à recevoir ma
première visite ; car mes frères l’auront
prévenue sans doute sur mon évasion.
Pendant que je traiterai avec elle, mes
couches s’avanceront , & me lailseront
enfin la liberté que je désire. Permettez-
moi de prendre maintenant un peu de re-
pos ; j’ai besoin de me remettre de l’agi-
tation où vous m’avez vue.
Qui n’auroit crû comme moi, après un
discours si tranquile & si sérieux, que
cette infortunée Demoiselle étoit entiè-
rement revenue à elle-même , & que ses
résolutions étoient sincéres ? Il ne vous
paroitra pas croïable qu’une femme dans
le fort de sa passion ait pu pousser la
dissimulation si loin. Je la quittai, après
avoir recommandé à sa femme de cham-
bre de la faire mettre au lit. Elle con-
sentit à tout ce qu’on voulut: lorsqu’elle
se fut couchée , elle ordonna sans faire
paroître la moindre émotion , qu’on la
laissât seule. La femme de chambre sor-
tit. Je me retirai dans mon cabinet, où
je m’occupai de quelque leéture. Envi-
ron deux heures après, la Maîtresse du
logis vint à moi toute effraïée, avec la
femme de chambre, qui étoit pâle com-
me la mort. Ah! Monsieur, me dirent-
elles, il elL arrivé quelque malheur.
Kous avons vu tomber plusieurs gouttes
Mémoires
rons préparer ma tante à recevoir ma
première visite ; car mes frères l’auront
prévenue sans doute sur mon évasion.
Pendant que je traiterai avec elle, mes
couches s’avanceront , & me lailseront
enfin la liberté que je désire. Permettez-
moi de prendre maintenant un peu de re-
pos ; j’ai besoin de me remettre de l’agi-
tation où vous m’avez vue.
Qui n’auroit crû comme moi, après un
discours si tranquile & si sérieux, que
cette infortunée Demoiselle étoit entiè-
rement revenue à elle-même , & que ses
résolutions étoient sincéres ? Il ne vous
paroitra pas croïable qu’une femme dans
le fort de sa passion ait pu pousser la
dissimulation si loin. Je la quittai, après
avoir recommandé à sa femme de cham-
bre de la faire mettre au lit. Elle con-
sentit à tout ce qu’on voulut: lorsqu’elle
se fut couchée , elle ordonna sans faire
paroître la moindre émotion , qu’on la
laissât seule. La femme de chambre sor-
tit. Je me retirai dans mon cabinet, où
je m’occupai de quelque leéture. Envi-
ron deux heures après, la Maîtresse du
logis vint à moi toute effraïée, avec la
femme de chambre, qui étoit pâle com-
me la mort. Ah! Monsieur, me dirent-
elles, il elL arrivé quelque malheur.
Kous avons vu tomber plusieurs gouttes