122 Mémoires
amour ; je leur reprochai de s’y être mal
pris pour m’éclaircir, & de s’étre trompés
dans leur rapport. L’un d’eux qui s’ap-
pelle Dom Vaccellos, prit la parole avec
feu : Je vois bien, me dit-il, mon Prince,
qu’on veut vous tromper vous-même;
mais si vous me connoissez de l’honneur,
liez-vous à l’alsûrance que je vous donne,
non - seulement qu’Alonso Luis est aimé
de Donna Clara deBermudo, mais qu’il
est encore à Lisbonne malgré vos ordres;
qu’il s’y tient caché ; & qu’il a tous les
soirs avec elle un entretien secret dans le
jardin de San-Marco. Un homme à qui
l’on enfonce à l’impourvû un coup de
poignard, n’est pas plus saisi ni plus
troublé, que je le fus à ce funeste avis.
La fureur succéda aussi-tôt à l’étonnement.
Ah! m’écriai-je, les perfides osent me
jouer! Ils périront tous deux ; je veux
les immoler ce soir de ma propre main.
Sans délibérer davantage , j’ordonnai à
Vaccellos & à son compagnon, de se
préparer à me suivre au jardin de San-
Marco, à l’heure que Donna Clara devoit
s’y trouver. J’attendis ce tems avec im-
patience. Tous mes mouvemens étoient
furieux. Enfin je partis à pied, & déguisé,
avec mes deux Osficiers. Ils connoissbient
l’endroit où les deux amans avoient cou-
tume de.se rendre ; parce qu’ils les avoient
observés
amour ; je leur reprochai de s’y être mal
pris pour m’éclaircir, & de s’étre trompés
dans leur rapport. L’un d’eux qui s’ap-
pelle Dom Vaccellos, prit la parole avec
feu : Je vois bien, me dit-il, mon Prince,
qu’on veut vous tromper vous-même;
mais si vous me connoissez de l’honneur,
liez-vous à l’alsûrance que je vous donne,
non - seulement qu’Alonso Luis est aimé
de Donna Clara deBermudo, mais qu’il
est encore à Lisbonne malgré vos ordres;
qu’il s’y tient caché ; & qu’il a tous les
soirs avec elle un entretien secret dans le
jardin de San-Marco. Un homme à qui
l’on enfonce à l’impourvû un coup de
poignard, n’est pas plus saisi ni plus
troublé, que je le fus à ce funeste avis.
La fureur succéda aussi-tôt à l’étonnement.
Ah! m’écriai-je, les perfides osent me
jouer! Ils périront tous deux ; je veux
les immoler ce soir de ma propre main.
Sans délibérer davantage , j’ordonnai à
Vaccellos & à son compagnon, de se
préparer à me suivre au jardin de San-
Marco, à l’heure que Donna Clara devoit
s’y trouver. J’attendis ce tems avec im-
patience. Tous mes mouvemens étoient
furieux. Enfin je partis à pied, & déguisé,
avec mes deux Osficiers. Ils connoissbient
l’endroit où les deux amans avoient cou-
tume de.se rendre ; parce qu’ils les avoient
observés