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Revue archéologique — 7.1863

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Cerquand, J. F.: Les Charites
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https://doi.org/10.11588/diglit.22427#0064

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revient toujours à son auteur, et qu'il n'est beau et parfait qu'à cette
condition. Elles sont jeunes, parce que la mémoire du bienfait doit
être immortelle; vierges, parce que tout doit être pur, chaste et
saint dans le bienfait, et qu'on ne doit ni réclamer ni rendre un
service honteux. » D'autres touchent à l'absurde. De trois figures
en ronde, on n'aperçoit nécessairement qu'une face et deux dos. Les
philosophes trouvaient un sens à ce fait : « Il faut donner deux fois
plus qu'on n'a reçu. » Ils avaient cru voir aussi un air plus grave à
l'une des Charités; sans doute c'était l'aînée, celle qui donne; et ils
traduisaient : « La gravité convient aux bienfaiteurs, la joie aux
obligés. »

Sénèque a trop beau jeu contre de telles rêveries ; mais en écrasant
de son double dédain de Romain et de stoïcien ces pauvres Grecs
(Grœculos), il devait se rappeler que sans eux il n'aurait point fait
son livre, et que le dogme des Charités, si mal qu'il fût interprété,
avait été le promoteur de la doctrine du bienfait, non-seulement
dans la Grèce, mais peut-être aussi dans l'Italie (1).

IX

1. Sous leur second aspect, celui de la grâce proprement dite, les
Charités n'ont pas été plus respectées. Elles avaient leur place dans
l'éloquence (2) comme dans tous les arts, dans toutes les choses sus-
ceptibles de charme et d'agrément. Xapt? é'xewv, la grâce des paroles,
est une expression d'Homère; et cette grâce des paroles se rattachait
sans difficulté à leur notion première : les Charités du printemps et
de la jeunesse étant toute séduction, toute élégance, autant par ce
qu'elles ignorent que par ce qu'elles savent. L'observation de tous
les jours ne pouvait manquer de modifier cette première notion. En

(1) Senec, De benefic, lib. II.

(2) La langue latine offre en effet une série d'expressions parallèles à celles que j'ai
indiquées pour la langue grecque, dérivées du mot graiia ou s'y rattachant : Gra-
tus, gratis, gratiosus, grator, gratulor, ingratus, ingratis, etc. Puis vient grates,
mot étrange, qui n'a que le pluriel et deux cas du pluriel. Les occasions solennelles
où il est employé (Diis agere grates; gratibus venerari) et qui tiennent aux cérémo-
nies de la religion, sa ressemblance avec yâ.çmç, haritas, ses cas défectueux m'y font
soupçonner un nom de divinités déchues, divinités de la bienfaisance et de la recon-
naissance. Dans cette supposition, Rome se serait conduite tout entière comme une
secte philosophique, et aurait abouti au môme résultat que les stoïciens.

(3) Sacrifier aux Charités (Oueiv xàpiai) est un adage. Platon le répétait au sévère
Xénocrate. Plutarque l'applique à Marins (II, U) avec un sens moral et littéraire.
Lucien l'entend uniquement de l'éloquence. (XXXIV, 23.)
 
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