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REVUE ARCHEOLOGIQUE.
Nous ajouterons un dernier fait, dont peuvent témoigner tous
ceux qui ont voyagé en Orient, c’est que le soulier à pointe saillante
et repliée sur elle-même y est encore d’un usage général dans cer-
tains pays et surtout chez certains peuples. C’est le zarouk albanais,
et on peut en trouver dans tous les bazars de la Grèce et de la Tur-
quie. Cette forme ne paraît pas moins usitée en Perse; nous ne sau-
rions dire quel nom porte cette chaussure à fspaban ; ce qui est
certain, c’est qu’on la voit souvent représentée dans les sculptures
et les peintures modernes de la Perse aux pieds de personnages des
deux sexes (1). On a là une curieuse preuve de la persistance avec
laquelle, à travers toutes les révolutions religieuses, politiques et
sociales, certains détails de costume peuvent se conserver obstinément,
pendant des milliers d’années, dans cet Orient surtout qui change si
lentement, et où le présent diffère si peu du passé.
L’attitude, le mouvement des deux personnages de Ghiaour-kalé
se retrouvent, sans variantes notables, dans la plupart des figures de
Boghaz-keuï. C’est de même le corps porté en avant, les jambes
assez écartées, un bras étendu, avec la main plus ou moins levée,
l’autre replié devant la poitrine, de manière à ce que l’avant-bras
forme avec le bras un angle aigu et dessine une ligne à peu près
parallèle au sol. C’est ainsi que se présentent notamment toutes ces
figures armées qui, à Boghaz-keuï, soit dans la grande enceinte,
soit dans le couloir voisin, exécutent une sorte de danse ou de mar-
che militaire (2).
A part toutes ces concordances d’attitude et d’ajustement, il y a
comme un air de famille entre ces figures et celles des bas-reliefs
cappadociens. La ressemblance avec les figures assyriennes, quoique
moins frappante au premier abord et plus lointaine, ne saurait être
contestée; elle serait sans doute plus sensible encore si les bas-
reliefs sculptés au flanc des rochers de i’Asie-Mineure n’étaient pas
incomparablement moins bien conservés que ceux qui ont ôté re-
trouvés sur les rives du Tigre. Tandis que les premiers, exposés
au froid, au vent, à la pluie, ont subi ainsi une action qui a émoussé
tous les contours et enlevé au modelé tout ce qu’il pouvait avoir
de finesse ,et de détail, les autres se sont gardés sous le sable
(1) Coste et Flaudin, Voyage en Perse, Perse moderne, pl. XXIX. Il s’agit des
bas-reliefs sculptés auprès de Téhéran, et qui représentent, accompagné des princes
ses fils, Feth-Ali-Shah, le second roi de la dynastie des Kadjars aujourd’hui ré-
gnante.
(2) Exploration archéologique de la Galatie, pl, 39, 40, 43, 44, 4L 52.
REVUE ARCHEOLOGIQUE.
Nous ajouterons un dernier fait, dont peuvent témoigner tous
ceux qui ont voyagé en Orient, c’est que le soulier à pointe saillante
et repliée sur elle-même y est encore d’un usage général dans cer-
tains pays et surtout chez certains peuples. C’est le zarouk albanais,
et on peut en trouver dans tous les bazars de la Grèce et de la Tur-
quie. Cette forme ne paraît pas moins usitée en Perse; nous ne sau-
rions dire quel nom porte cette chaussure à fspaban ; ce qui est
certain, c’est qu’on la voit souvent représentée dans les sculptures
et les peintures modernes de la Perse aux pieds de personnages des
deux sexes (1). On a là une curieuse preuve de la persistance avec
laquelle, à travers toutes les révolutions religieuses, politiques et
sociales, certains détails de costume peuvent se conserver obstinément,
pendant des milliers d’années, dans cet Orient surtout qui change si
lentement, et où le présent diffère si peu du passé.
L’attitude, le mouvement des deux personnages de Ghiaour-kalé
se retrouvent, sans variantes notables, dans la plupart des figures de
Boghaz-keuï. C’est de même le corps porté en avant, les jambes
assez écartées, un bras étendu, avec la main plus ou moins levée,
l’autre replié devant la poitrine, de manière à ce que l’avant-bras
forme avec le bras un angle aigu et dessine une ligne à peu près
parallèle au sol. C’est ainsi que se présentent notamment toutes ces
figures armées qui, à Boghaz-keuï, soit dans la grande enceinte,
soit dans le couloir voisin, exécutent une sorte de danse ou de mar-
che militaire (2).
A part toutes ces concordances d’attitude et d’ajustement, il y a
comme un air de famille entre ces figures et celles des bas-reliefs
cappadociens. La ressemblance avec les figures assyriennes, quoique
moins frappante au premier abord et plus lointaine, ne saurait être
contestée; elle serait sans doute plus sensible encore si les bas-
reliefs sculptés au flanc des rochers de i’Asie-Mineure n’étaient pas
incomparablement moins bien conservés que ceux qui ont ôté re-
trouvés sur les rives du Tigre. Tandis que les premiers, exposés
au froid, au vent, à la pluie, ont subi ainsi une action qui a émoussé
tous les contours et enlevé au modelé tout ce qu’il pouvait avoir
de finesse ,et de détail, les autres se sont gardés sous le sable
(1) Coste et Flaudin, Voyage en Perse, Perse moderne, pl. XXIX. Il s’agit des
bas-reliefs sculptés auprès de Téhéran, et qui représentent, accompagné des princes
ses fils, Feth-Ali-Shah, le second roi de la dynastie des Kadjars aujourd’hui ré-
gnante.
(2) Exploration archéologique de la Galatie, pl, 39, 40, 43, 44, 4L 52.